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Accès à l’eau : pour en finir avec l’escroquerie des « Objectifs du millénaire pour le développement »

17 mai 2013

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Cela fera bientôt quinze ans que 193 états-membres de l’ONU adoptaient en grand arroi en 2000 à New York les « Objectifs du millénaire pour le développement », la feuille de route qui allait permettre à tous les bienfaiteurs de l’humanité, à commencer par Veolia et Suez, puis la galaxie des « acteurs du développement », agences publiques-privées, bureaux d’étude, ONG, et toutes autres entités parasites, de programmer de nouvelles opportunités de business, tout autant que les plans de carrière des myriades de professionnels de « l’accès à l’eau », dont la France compte un contingent non négligeable, qui s’apprête d’ailleurs, après la pantalonnade de Marseille 2012, à remettre le couvert dans la perspective de Séoul, non sans s’être fait bronzer cet été au préalable à Fortalezza, idyllique station brésilienne, à l’invitation du RIOB et du PFE…



Adoncques nos bienfaiteurs de l’humanité ont dépensé depuis lors des dizaines de millions d’euros en fees, colloques, séminaires, billets d’avion, nuits d’hôtel, études de faisabilité bidon, et side events du même acabit, toujours payés par le contribuable ou l’usager de l’eau, via le MAE, l’AFD, Bercy, l’Onema et autres guichets de loterie aux fins d’ausculter l’état de santé de l’objectif OMD7c (point 3), censé ouvrir la voie vers l’accès à l’eau de milliards de miséreux. Hosanna !

Bon ce n’était jamais qu’un sous objectif de l’objectif biodiversité.

Mais qu’il s’agisse d’un objectif à part entière ou pas ne change pas grand chose, d’autant que les fonds inutilisés pour les infrastructures et services hydrauliques dans les pays du Sud, et particulièrement en Afrique sub-saharienne et rurale, sont malheureusement légion : il suffit de voir comment on reporte ou on réintègre dans le budget général de l’UE, principal bailleur pour l’eau, des fonds FED pluriannuels non débloqués, ou comment des programmes FED sont achevés dans le cadre du FED suivant, etc... ou encore comment ils sont gérés "en portage" par d’autres bailleurs dépositaires comme la BAD (Banque Africaine de Développement, Facilité Eau) où la corruption règne en maître.

Ce qui pose la question de l’identification et de la planification des investissements hydrauliques, mais aussi des compétences pour les installer (i.e. les ONGs), et les gérer (absence de municipalités dignes de ce nom), avant même de s’occuper de la question de leur financement.

Vous comprendrez ainsi pourquoi on a trouvé si facilement des centaines de millions d’euros pour le Mali ces tout derniers temps, entre autres pour les réhabilitations hydrauliques, alors que le Mali avait fait l’objet d’importants programmes hydrauliques dans les années 90 et jusqu’au début des années 2000.

Il est évident que ce qui intéresse les grandes firmes, c’est la vente de services (en DSP, BOT, BOOT,... ou autres), concernant bien évidemment l’urbain, à priori seul solvable, lors même que l’anarchie urbaine en Afrique n’est pas toujours "attractive", tout dépend du niveau d’obligation de résultats du contrat.

Pour les fonds français de l’APD (Aide Publique au Développement), c’est un peu différent en raison de leur hétérogénéité et des "arbitrages" multiples, qui ont par exemple ces dernières années conduit Bercy et le MAE à privilégier ouvertement l’arrosage à outrance des grands bureaux d’étude d’ingénierie français, qui ouvrent la voie en Chine, en Inde, en Asie centrale ou au Maghreb à nos multinationales de l’eau…

Enfin, n’oublions pas que pour les chiffres objectifs d’accès à l’eau (OMD7c) pour la moitié des démunis, soit la cible (target), la plus facile à atteindre, il s’agit

 d’eau "saine" (safe water) et non pas d’eau potable au sens de l’OMS, et-ou d’une eau

 provenant d’une source d’eau "améliorée" (improved)... par exemple avec un coup de peinture antirouille sur le château d’eau, ce que l’on peut observer en Afrique…

En tout cas la réalité est là : les objectifs ne seront pas atteints sur ce point OMD7c ce qu’on savait avant Marseille, comme l’avait par exemple rappelé un communiqué de presse de Solidarités International, ONG « humanitaire » acoquinée de longue date avec les Grandes Compagnies.

Dans toutes ces affaires, il faut prendre en compte la trajectoire des bureaucrates de l’ONU, OMS, Banque Mondiale,... pour comprendre que lancer un programme sur 15 ans permet de booster une carrière, une rémunération, une retraite, un statut,... bureaucrates qui quittent le bateau avant la proclamation des résultats, et qui se font les alliés objectifs des firmes multinationales qui (se) financent... UN Water et le JMP (Joint Monitoring Programme des OMD Eau), le WSSCC (Water Supply Sanitation Collaborative Council), les "financements innovants" (chers à Camdessus) du PNUD http://web.undp.org/french/geneva/watersolidarity/ où agissent des personnages interlopes...

On a eu le même phénomène dans les programmes environnement Banque Mondiale/GEF dans les années 90.

Cette affaire d’OMD est donc une vaste escroquerie qui ne va pas tarder à
laisser place à une nouvelle martingale puisque 2015 approche, et que le bateau ivre de l’Aide au développement n’en finit plus de tanguer…

Aujourd’hui la double angoisse des bailleurs de fonds s’appelle "décaissement" et "capacité d’absorption" que ce soit à l’UE ou à l’AFD,...

Bruxelles vient de remonter les bretelles de plusieurs de ses délégations en Afrique car ils ne décaissent pas assez, procédures lourdes certes mais surtout gros problèmes de montage des projets…

BM, BAD et FIDA financent les appareils d’état et leurs budgets, même en faillite ou corrompus, quelles que soient les conséquences, ce que ne veulent plus faire l’AFD et l’UE sauf... au Mali et pour cause.

Voir le récent et très inquiétant rapport de l’European Court of Auditors sur la très faible efficacité de l’Aide Publique au Développement de l’Europe (UE-FED) dans le secteur de l’eau & assainissement en Afrique. http://www.euractiv.com/fr/developpement-durable/un-audit-remet-en-question-la-du-news-515120

Qui contraste avec les déclarations d’auto satisfaction du système Nations-Unies/BM à travers le JMP (Joint Monitoring Programme) basé à l’OMS Genève et chargé de mesurer l’atteinte (sur la base des statistiques nationales ! pas toujours très fiables) des Objectifs du Millénaire du Développement…

Marc Laimé - eauxglacees.com