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L’Onema à vau l’eau, pilier de la future Agence française pour la biodiversité ?

19 avril 2013

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Crise aggravée à l’Onema, sa nouvelle directrice générale, gravement malade, est remplacée au pied levé par François Lacroix, bras droit de l’ex-DG Patrick Lavarde, sur fond de climat social de plus en plus dégradé, tandis que les « préfigurateurs » de la future « Agence française pour la biodiversité » préconisent dans un nouveau Rapport d’étape tout juste remis à Delphine Batho d’intégrer purement et simplement les missions, les personnels, et surtout les financements de l’Onema qui constituerait dès lors le socle de la future Agence…



Mme Elisabeth Dupont Kerlan, frappée par une grave maladie, n’aura succédé que pour quelques mois à Patrick Lavarde, dont la récente intronisation es qualité de représentant de l’Etat français au bureau du PFE ne devrait pas perdurer davantage.

Du coup c’est François Lacroix, célèbre protagoniste du « Sommet des Bulots » qui prend les rênes de l’établissement « par intérim », ce qui n’est pas pour rassurer un personnel qui a vu se poursuivre au siège, à Vincennes, ne varietur, des pratiques managériales délétères, avec des départs nombreux, des promesses non tenues sur d’éventuels CDI, des recrutements en CDD d’un an sur des postes permanents...

Ceci alors même que l’Office continue à fonctionner sans aucun service juridique puisque les personnels qui le constituaient ont été brutalement éliminés après avoir tenté de s’opposer aux graves dévoiements ensuite identifiés par la Cour des comptes…

Mais c’est désormais l’option retenue par les deux « préfigurateurs » de la future « Agence française pour la biodiversité », dans le rapport complémentaire qu’ils viennent tout juste de remettre à Delphine Batho qui retient l’attention, puisqu’ils recommandent rien moins que de conférer à l’Onema, en l’intégrant pleinement dans la future Agence, personnels, missions et surtout financements compris, le rôle de « pilier » de l’Agence en gestation !

A croire que le Rapport de la Cour des comptes n’a jamais existé…

Et quand on regarde de plus près les projets de « programmation » de la future Agence, surtout pour ce qui concerne la recherche, l’expertise et la connaissance des écosystèmes, on se prend à trembler pour ce qui attend, par exemple, le savoir faire éprouvé du Museum d’Histoire naturelle, qui a lui aussi vocation à rejoindre le périmètre de la future agence :

« (…) Afin de donner une idée des grandes masses de dépenses, il est possible de les présenter, sur
une base annuelle à partir de 2015 selon les rubriques suivantes :

A/ la masse salariale et les moyens de fonctionnement. En prenant comme ratio le
coût complet par agent (charges de personnel plus charges de fonctionnement plus charges
d’investissement) de l’ONEMA, nous pouvons proposer 95 millions d’euros pour un plafond
d’emploi à 1 200 ETP cible évoqués plus haut ;

B/ les moyens d’intervention réservés à l’alimentation en eau potable et à
l’assainissement des départements d’outremer : 16 à 20 millions d’euros par an ;

C/ le soutien de la recherche et de l’expertise sur l’eau, les milieux aquatiques et les
écosystèmes associés : 8 à 10 millions d’euros par an. Ces crédits incitatifs concernent aussi les
milieux marins côtiers ;

D/ le développement de la connaissance des écosystèmes :

· systèmes d’information et observatoires (coordination, méthode, outils, formation,
valorisation : 8 à 10 millions d’euros par an ;

· la production de données « habitats / espèce »s et « activités humaines » : 10 à
12 millions
d’euros par an ;

· le rapportage des directives (2015 DCE, 2020 DHFF et DSMM) : 3 millions
d’euros sur 2 ans
 ;

· centres thématiques européens eau et nature : 1 million d’euros par an ;

· programmes dédiés à la haute mer : 0,5 millions d’euros par an ;

E/ l’appui technique aux politiques publiques eau, forêts, nature, chasse, pêche,
milieux marins, en matière de planification, zonage, schéma, contrôle et évaluation : 5 millions
d’euros par an ;

F/ aide au montage de projets et plans d’action pour des espèces en danger
d’extinction ou contre des espèces exotiques envahissantes et aide à la gestion d’aires
protégées, y compris parc naturels marins : 35 millions d’euros par an dont 3 à 5 pour la
coopération ;

G/ éducation à l’environnement, sensibilisation campagnes de communication,
montage d’évènements : 10 millions d’euros par an.

Cette énumération dont le total représente 190 à 200 millions d’euros ne porte pas sur
l’affectation, contractualisée ou non, par programme, appel à projets ou territoire, de moyens
supplémentaires hébergés dans un fonds d’intervention (cf premier rapport). Les travaux du
Comité sur la fiscalité écologique vont bientôt proposer quelques mesures. D’ores et déjà nous
approfondissons le redéploiement de ressources affectées à l’occasion de la modification de leur
plafond engagée pour préparer le PLF 2014.

Il nous semble qu’une des premières destination de ce fonds d’intervention pourrait être le
nouveau plan national d’action en faveur des zones humides qui engloberait aussi le domaine
public outremer.

Ce serait un premier pas dans la mise en oeuvre des « objectifs d’Aïchi » (objectif n° 15 : d’ici 2020 restaurer au moins 15 % des écosystèmes dégradés) et une traduction immédiate de l’engagement de reconquête de la biodiversité puis lors de la Conférence Environnementale de septembre 2012.

(…)

Ainsi, dès la première année, l’Agence pourrait être dotée de 195 millions d’euros provenant
pour une cinquantaine de millions d’euros du budget de l’Etat et pour 145 millions d’euros du
budget des agences de l’eau. Il faudra de plus, dès les premiers programmes de l’Agence veiller
à ce que les moyens apportés par l’ONEMA, donc les agences de l’eau, soutiennent en priorité
des projets conjuguant la directive cadre sur l’eau avec les directives habitats faune, flore ou
milieux marins. »

Tout cela est bel et bien beau, mais laisse entières les incertitudes liées :

 aux investigations que va conduire la justice pénale sur les dévoiements de l’Onema ;

 aux résultats d’un audit (indépendant) sur la production des données sur l’eau, promis par Delphine Batho, promesse qui n’a en réalité encore connu aucune application concrète ;

 aux impacts de la mise en œuvre d’une nouvelle « Police unifiée de l’environnement » au 1er juillet prochain…

 aux conséquences prévisibles pour l’écosystème généré par l’Onema de sa disparition sous sa forme actuelle, notamment pour ce qui concerne les 40 millions d’euros annuels de « conventions » qui lient l’Office, dans des conditions éminemment suspectes, à un nombre considérable d’opérateurs publics et privés…

Le tout sans compter que le dernier CNDDGE a recueilli des avis extrêmement mitigés sur cette proposition.

Source :

« Rapport de préfiguration d’une Agence française de la Biodiversité. Phase II » – avril 2013.

Marc Laimé - eauxglacees.com