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Dreux : des jeunes se mobilisent pour une gestion publique de l’eau…

30 juin 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Plusieurs jeunes habitants de Dreux ont créé l’an dernier une association afin de travailler à la republicisation de la gestion de l’eau, totalement inféodée à la Lyonnaise depuis des dizaines d’années. Leur témoignage éclaire d’un jour cru la « transparence » si souvent invoquée par les thuriféraires de la gestion déléguée. Mais leur initiative témoigne surtout que le combat pour la republicisation de la gestion de l’eau se développe partout en France. Un exemple à suivre !



« Nous sommes une association (loi 1901) basée à Dreux (Eure-et-Loir, 28) dont le nom est "Démarche Citoyenne pour une réappropriation des enjeux environnementaux et sociaux".

« Nous avons créé l’association en août 2006, elle est donc récente et les membres du bureau sont âgés de 20 à 23 ans. Notre objectif à court terme est la constitution d’un dossier, sur la gestion de l’eau dans notre ville, qui revendiquera le retour en régie municipale.

« Dans cette optique, nous sommes procurés différents documents auprès de la mairie et du fermier (ici la Lyonnaise des Eaux) : contrat de délégation par affermage du service de distribution de l’eau, rapport dit "Barnier"... Nous attendons à l’heure actuelle d’autres documents complémentaires (avenants du contrat d’affermage, délibération de la CCSPL...).

« Grâce aux documents déjà récupérés, nous ne pouvons que constater qu’en ce qui concerne le contrat d’affermage qui lie la collectivité à la Lyonnaise il n’y a pas eu préalablement de mise en concurrence.

« Précisons que la Lyonnaise avait la charge du réseau de distribution dès 1967 et que si un nouveau contrat l’a remplacé en 1993, cela faisait suite à une étude de 1990 préconisant la construction d’une station de dénitrification, vu la dégradation de la qualité de l’eau.

« Bien que ce nouveau contrat ait fait suite aux recommandations de 1990, on remarque qu’il a été entériné par le conseil municipal de la ville de Dreux le 20 janvier 1993, c’est-à-dire une dizaine de jours avant la promulgation de la loi Sapin…

« Cette coïncidence a éveillé notre suspicion, confirmée par le nombre sensible au niveau national de contrats renégociés avant cette loi (Cf. le rapport de la Cour des Comptes du 11 décembre 2003).

« Lors de notre entretien avec le directeur des services techniques de la ville de Dreux, M. Rouzaud-Danis, accompagné pour l’occasion d’un juriste, nos questions ont d’abord porté sur la procédure d’attribution du service de distribution de l’eau en 1993 (mise en concurrence, modalités de la procédure...).

« Aucun éclaircissement de leur part (ils n’étaient pas la à l’époque), juste l’étonnement du juriste qui, à la lecture de la délibération du conseil municipal en date du 20 janvier 1993 s’est exclamé : "Ouh la la il n’y a pas l’air d’ y avoir eu de mise en concurence !".

« Nous nous demandons si la législation antérieure à la loi Sapin permettait ce genre de situation de non mise en concurrence des entreprises ?

« Puisque les Commissions consultatives des services publics locaux (CCSPL) avaient été timidement instituées en 1992, nous avons demandé à tout hasard si cette commission avait été créée au moment de la renégociation du contrat.

« A notre grande surprise, le directeur des services techniques ne connaissait même pas leur existence en 2007, alors même que la loi Démocratie de proximité de 2002 avait rendu obligatoire leur création pour une collectivité de la taille de Dreux…

« Il a seulement réaffirmé que, de toute façon, c’est la collectivité qui est souveraine. Nous en concluons, peut-être rapidement, que l’intérêt des usagers n’est pas représenté et n’a pas de poids sur l’orientation des décisions.

« Ayant poursuivi nos recherches par la suite, nous nous sommes aperçus qu’il existait différents contrats de délégation entre la collectivité et la Lyonnaise.

« Outre celui de distribution de l’eau par affermage (30 ans, 1993-2023), il en existe un de concession pour ce qui concerne la production d’eau potable (station de dénitrification, 1995-2025) et un troisième concernant l’assainissement.

« Pour ce dernier, nous ne connaissons pas encore sa nature mais il concerne la station d’épuration de la ville de Dreux et s’étend sur 15 ans (1996-2011). Nous déplorons le fait que le directeur des services techniques n’ait pas pu nous éclairer sur ce sujet.

« En ce qui concerne les contrats, le fait que la Chambre régionale des comptes et la préfecture n’aient rien eu à redire dessus lui suffit à prouver leur validité, peu importe la législation de l’époque qu’il n’a pas su nous exposer.

« Sur l’épineuse question du prix de l’eau, précisons d’abord que Dreux doit être en bonne place au palmarès de l’eau la plus chère de France (4.42 euros par mètre cube).

« Bien sur nous sommes une région agricole et la pollution industrielle n’est pas en reste, et comme traiter la pollution en amont n’est le souci de personne, cela contribue à l’augmentation de notre facture.

« A ce propos nos deux interlocuteurs se sont fendus d’un "Il paraît" quand nous leur avons simplement exposé ce que la presse locale titrait (Cf. "Prix de l’eau : record de France à Dreux", le 16 février 2007).

« Ensuite, pour justifier le "juste" prix de l’eau de Dreux, le juriste a clôt la discussion en disant que toute façon "le suffrage universel viendrait sanctionner toute mauvaise gestion", et qu’il n’était donc pas dans l’intérêt de la ville de ne pas assumer ses responsabilités en la matière. Ceci est peu crédible car, outre l’opacité fréquemment dénoncée dans la facturation, il en faudrait bien plus pour changer la donne politique locale, très favorable à la droite.

« Il nous a été précisé lors du même rendez-vous que la collectivité avait engagé en 2002 des négociations avec la Lyonnaise pour mettre en conformité plus de 3000 branchements plomb, sans pour autant qu’il y ait de répercussions importantes sur le prix de l’eau.

« Ce qui a abouti à ce que la Lyonnaise s’engage à mettre à disposition 450 000 euros, la collectivité et l’Agence de l’eau Seine-normandie faisant le reste. Un avenant entérine cette négociation. Nous nous interrogeons sur l’existence de telles contreparties, alors que le renouvellement du réseau fait déjà partie intégrante de ce que nous payons…

« Enfin, l’entrevue s’est terminée par le traditionnel constat qu’il ne peut en être autrement : les directives européennes sont contraignantes pour les collectivités qui ne peuvent faire autrement que de déléguer la gestion aux multinationales vu l’ampleur des investissements à réaliser sur une courte période…

« Lors d’une réunion publique en présence de politiques locaux et de représentants de la Lyonnaise, à une question de notre part sur le traitement en amont de la pollution (ce qui contribuerait à baisser le coût de la production d’eau potable) on nous a opposé que c’était à tout le monde de faire des efforts, ce qui désigne l’usager, au mépris des réalités sur l’identité des pollueurs en terme de proportions.

« Ces notables sont accompagnés d’associations "écologiques" qui les légitiment (la réunion était organisée par une de ces associations et avait pour but de faire de la pédagogie, une pédagogie de la soumission...), ce qui rend pour nous le terrain d’autant plus difficile à déminer.

« Quoi qu’il en soit, nous allons continuer à nous mobiliser pour pouvoir envisager et construire un projet de remunicipalisation à Dreux.

Contact :

Association Démarche citoyenne :

demarche-citoyenne@laposte.net

Marc Laimé - eauxglacees.com