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Brouillard persistant sur le « prix de l’eau »

16 octobre 2012

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Florange agonise, mais les fumées des hauts fourneaux des aciéristes de la désinformation crachent leurs volutes délétères à plein régime. Un vrai festival. Logique. La gestion privée est en crise, le "prix de l’eau" va continuer à s’envoler de manière phénoménale, rançon de l’impéritie de ses « gestionnaires ». Dès lors se multiplient les initiatives les plus incongrues, unîment attachées à rendre obsolète tout débat objectif sur « le prix de l’eau… »



Retour vers le futur. Huit janvier 2002 (putain dix ans !), discret enterrement du projet de loi Voynet, qui emportait, entre autres, création d’un « Haut conseil de l’eau et de l’assainissement » qui aurait, enfin, témoigné d’une réelle volonté de la puissance publique d’encadrer les « marchés de l’eau », pardon, le « service public local de l’eau », majoritairement assuré en DSP par les Trois Sœurs.

Exit tout encadrement des « marchés de l’eau ».

S’ensuivent jusqu’en 2004 des années d’empoignade qui voient tous les acteurs intéressés tenter d’imposer « leurs » indicateurs de performance : l’Engref, le SPDE (Veolia, Suez et Saur), la FNCCR, etc.

Kézako : on dresse une liste (interminable) « d’indicateurs » parfaitement incompréhensibles que les collectivités et les opérateurs vont devoir « renseigner » afin, après agrégation, de permettre le « benchmarking » des services. C’est beau comme du Thatcher dans le texte, et bien évidemment totalement pipeau, un peu comme si Madoff devenait président de la Cour des Comptes.

Ca tourne tellement au bordel que le ministère de l’Ecologie doit mandater une mission (Ponts et IGE) pour tenter de remettre de l’ordre. Ladite mission rend son rapport en 2005 et propose un « tronc commun » d’indicateurs de performances. Le rapport présente en annexe un fax comminatoire d’un cadre de Veolia, M. Tristan Mathieu, qui représente aujourd’hui son entreprise au sein de la FPEE, indiquant qu’ils refusent un indicateur d’indice de renouvellement des réseaux (qui sont à leur charge dans les contrats de DSP…)

Le « tronc commun » d’indicateurs est validé par la loi sur l’eau du 30 décembre 2006 qui crée l’ONEMA, qui va avoir en charge la création de l’Observatoire national des services d’eau et d’assainissement (SISPEA).

On commencera à mesurer l’ampleur du problème en prenant connaissance de l’appel d’offres lancé à l’époque par l’ONEMA, et qui figure toujours, égaré dans le cyberespace, sur une sous page oubliée du site de la FPEE (syndicat patronal des Trois Sœurs), en date du 4 août 2008…

En principe, les collectivités devraient sur ces bases, à l’avenir, obligatoirement annexer au « Rapport du maire » (sur le service d’eau ou d’assainissement), qui doit être rendu public le 30 juin de chaque année, nos fameux « indicateurs de performance ». Or les données sont bien évidemment recueillies par l’exploitant du service (au sens technique du terme).

Et comme 80% des usagers français dépendent de Veolia, Suez et Saur, ce sont donc ces derniers qui renseignent ces indicateurs, dont le tableau récapitulatif est ensuite remis à la collectivité, qui se connecte (en principe, en fait elles ne le font pas…), au site du SISPEA et renseigne « ses » indicateurs.

Les données « publiques » de l’Observatoire des services d’eau et d’assainissement de l’ONEMA, établissement public, proviendraient donc en droite ligne de Veolia, Suez et Saur, à hauteur de 80% pour l’eau et plus de 55% pour l’assainissement…

Sauf que cette usine à gaz, portée par le grand corps malade de l’ONEMA n’a bien évidemment jamais fonctionné, surtout que la RGPP décimait au même moment les services déconcentrés de l’Etat, comme l’a très brillamment établi un très remarquable rapport d’un très brillant aspirant énarque, que personne n’a bien évidemment lu…

Brillantissime rapport SISPEA de notre brillantissime (futur) énarque

Résultat des courses, l’ONEMA part en vrille, le SISPEA est une « base de données Potemkine », et en dépit des objurgations de NKM exigeant que l’Observatoire accouche d’un prématuré avant Marseille 2012, l’affaire tourne bien évidemment en eau de boudin, ce dont tout le monde se contrefout royalement.

Dès lors vont s’ensuivre les initiatives les plus farfelues, contribuant, à l’insu de leur plein gré ( ?), au total succès de la stratégie de l’adversaire : à savoir rendre caduque toute forme de débat rationnel sur le « prix de l’eau ».

Nous y sommes.

Confer, pour commencer, l’initiative foutraque de CLCV et de la Fondation France Libertés (enfin pour ce que Suez veut bien qu’il en subsiste), qui, n’y connaissant rien (condition nécessaire), clament dès lors à grand son de trompe (à destination des medias, des annonceurs, des donateurs et plus si affinités), qu’ils vont lancer de conserve une « grande enquête sur le prix de l’eau ».

Succès total dès lors que l’opération se traduit médiatiquement par l’assomption du « modèle de Libourne », prélude à la bataille de Dunkerque…

Depuis lors ça ne cesse de s’accélérer, à la vitesse de la décrue de la côte de popularité de l’exécutif, d’aventureuses extrapolations épicières en crapuleuses barbouzeries anonymes, bien dans l’air du temps, après l’épisode estival Suez-Lyonnaise vs Gabriel Amard…, jusqu’à de pompeuses imbécillités qui annonnent tout et son contraire, avec la caution de la Sorbonne...

Au final il est déjà quasiment devenu impossible d’objectiver la question du prix de l’eau en France.

Les maîtres du monde : 1

Nous autres : 0

C’est pas que ça nous amuse, mais y a le feu au lac, comme on va le vérifier sous peu.

Et là-dessus, vl’à le CIEAU qui repointe son nez et veut nous refourguer… une « Enquête nationale d’hydratation » !

"Buvez-vous assez ?"
Les internautes sont invités à réaliser leur bilan hydrique grâce au nouveau module digital conçu avec la collaboration du Dr Jean-Michel LECERF, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille.
L’ensemble de ces résultats seront compilés et analysés, de manière anonyme, dans une vaste enquête collaborative sur l’état d’hydratation des Français.
Alors …pour en savoir plus ensemble sur l’hydratation… vous aussi, Participez !

Buvez-vous assez ? http://www.cieau.com/bilan-hydratation/

Retrouvez toutes les informations sur le site du Centre d’Information sur l’eau www.cieau.com

(Pour information le CIEau est financé par Veolia, Suez et Saur pour distiller des menteries aux quatre vents, et quant au défunt IPL Lille, depuis sa lamentable faillite obligée, il est devenu propriété d’Eurofins, l’une des plus admirables « success story » de la période, qui vient de réussir le miracle absolu : refiler au Commissaire aquitain de Montebourg sa filiale éponyme, judicieusement précipitée vers la faillite, aux (Euro) fins de doper le cours de notre multinationale de l’analyse.

Bref. La suite ? Une fois le "prix de l’eau" enfoui dans les tréfonds, ne reste plus qu’à enrôler majorettes et dames patronnesses dans la nouvelle croisade, sur l’air de : "Les petits nenfants y boivent pas assez d’eau à l’école", un plan d’enfer juste quand Peillon à beaucoup à se faire pardonner.

Manquerait plus que Starck nous refile les rogatons de la Fondation dans toutes les écoles primaires !

(Là ils sont cap de me repiquer l’idée, tellement y sont à la ramasse !)

On vit une époque épique.

Lire aussi :

"Castres, 40 usagers indemnisés par la Lyonnaise"

La Dépêche, 16 octobre 2012.

Marc Laimé - eauxglacees.com