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Le PD-G de Suez Environnement invente les « régies privées »

2 octobre 2012

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Dans la véritable Bataille d’Hernani engagée pour s’assurer l’hégémonie culturelle sur la question de l’eau, M. Jean-Louis Chaussade, PD-G de Suez Environnement, vient de franchir un nouveau cap. Après la « tarification progressive », sociale, environnementale, et plus si affinités, dont nous avons dit tout le mal qu’il fallait en penser, notre homme invente les « régies privées »…



Nous savions de belle date que les têtes pensantes de Suez-Lyonnaise avaient relu Gramsci, ce qui leur a permis de tenter, en grand arroi, de reconquérir l’hégémonie culturelle qu’ils ont bel et bien perdu, de Grenoble à Buenos Aires, en passant par les Lacs de l’Essonne.

La première phase de l’offensive, de par ses outrances, se conclut provisoirement sur un bilan mitigé. Qui ne va aucunement s’arranger à mesure que Suez impose au gouvernement des augmentations en rafale du tarif du gaz.

Nouvelle étape donc sur le terrain de la sémantique, décisif.

Dans une dépêche de l’AEF en date du 1er octobre 2012, non content de brandir les deux prises de guerre de Libourne et de Dunkerque sur le terrain de la tarification progressive, ce qui renvoie lourdement à la couleur politique de la majorité qui gouverne ces deux villes, M. Chaussade s’essaie cette fois à une audacieuse triangulation, et invente donc les « régies privées » !

Ici rien d’anecdotique. Juste l’expression de l’impensé (radical) de la période qui s’ouvre : peu importe le mode de gestion pourvu que la rente perdure.

Nos amis n’ont pas fini de nous étonner. En toute logique la prochaine étape sera la prise de contrôle d’une régie, tant qu’à faire en péril, qui restera régie, mais sera opérée par la Lyonnaise.

Encore un peu de patience, le pire est à venir…

Déjà l’an dernier, à Saintes, la municipalité et Veolia, confrontés à une forte mobilisation en faveur de la gestion publique, alors qu’ils ne souhaitaient bien évidemment que convoler à nouveau, ont fait montre d’un remarquable cynisme, pour contrecarrer une proposition de choix du futur mode de gestion sous forme d’une régie avec marchés publics, étape transitoire avant la pleine reprise de la gestion sous forme publique, qui recevait de prime abord l’assentiment de la majorité municipale.

Quinze jours plus tard la ville annonçait, astucieusement conseillée par Veolia, qu’elle optait pour la « régie intéressée », le pire mode de DSP, en vigueur au SEDIF, c’est dire…

Il ne s’agissait que « d’imprimer » le vocable « régie » sur la reconduction de la DSP, ce qui fut fait.

Pour en arriver à de pareilles extrémités, l’ennemi est donc en très mauvaise posture.

Raison pour laquelle il ne reculera désormais devant rien pour signer (un contrat)…

Tarification progressive de l’eau : une « baisse de 20 % des consommations » expérimentée à Libourne (J-L. Chaussade, Suez Environnement), AEF, 1er octobre 2012

« Il faut que tout le monde ait accès à l’eau mais il faut pénaliser ceux qui gaspillent », déclare mercredi 26 septembre 2012 Jean-Louis Chaussade, directeur général de Suez Environnement, à la tribune des Ateliers de la terre qui se sont tenus à Évian du 24 au 26 septembre.

Le dirigeant de la filiale de GDF Suez spécialisée dans la distribution d’eau potable, de l’assainissement et de la gestion de déchets, évoque ses récentes expérimentations de tarification sociale.

« À Dunkerque, nous avons mis en place trois tranches tarifaires :

 pour les consommations inférieures à 75 mètres cubes par an, l’eau est 20 % moins chère, à 80 centimes d’euros le mètre cube, et à 30 centimes le mètre cube pour les bénéficiaires du RMI ou du RSA.

 Entre 75 et 200 mètres cubes, une deuxième tranche est appliquée.

 Au-delà de 200 mètres cubes, le tarif est substantiellement plus cher. »



 « Là où l’on a le plus de recul, c’est à Libourne, où le fait d’augmenter de manière substantielle le prix de la dernière tranche a permis de faire baisser la consommation d’eau d’une vingtaine de pourcents. »



« Régie publique versus régie privée »

« L’originalité de l’industriel, c’est l’innovation : la capacité de faire plus vite et mieux que l’autorité publique », estime Jean-Louis Chaussade, qui évoque la « légitimité » d’un délégataire privé pour assurer la gestion d’un service public de l’eau.

« Mais dans beaucoup de pays, un même réseau passe d’une régie publique à un opérateur privé, et vice versa, successivement. C’est un marché fluide. »

S’il assure que le délégataire « ne décide rien par lui-même », les objectifs à long terme étant « définis par la puissance publique », il souligne cependant que « les régies publiques font souvent appel à des sociétés privées pour des savoir-faire et des technologies qu’elles ne maîtrisent pas ».

Quant au prix, « toutes chose égales par ailleurs », il est selon lui « très comparable entre une régie publique et une régie privée », et augmente « au même rythme que l’inflation ».



Enfin, le directeur général de Suez environnement écarte l’éventualité d’une future « guerre de l’eau » mondiale dans quelques années.

« Quand je regarde le passé, l’eau est un bien tellement vital qu’il n’y en a jamais eu. » « À neuf milliards d’être humains, ceci dit, on ne pourra pas tout faire en même temps : utiliser l’eau pour l’électricité, l’agriculture, les usines… Il faudra se coordonner pour gérer la ressource de façon optimale, en fonction des besoins. »

Ou l’on vérifiera si besoin était que notre homme raconte littéralement n’importe quoi...

Marc Laimé - eauxglacees.com