Retour au format normal


Eau et agriculture : un été contrasté

29 août 2012

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Chassé le spectre de la sécheresse, l’été 2012 a connu différents événements ou annonces qui confirment qu’eau et agriculture vont continuer à alimenter une chronique qui ne laisse entrevoir pour l’heure aucune véritable rupture, à moins que la proche Conférence environnementale, qui se tiendra les 14 et 15 septembre prochains ne réserve des surprises ?



Pas de moratoire sur l’épandage aérien de pesticides sur le maïs

Auditionné le mardi 24 juillet par la mission commune d’information sur les pesticides du Sénat, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll réaffirmait devant les parlementaires son souhait "qu’à terme les agriculteurs n’aient plus recours à l’épandage aérien de pesticides".

Une pratique interdite en France, mais qui bénéficie de dérogations préfectorales en Aquitaine, notamment en Gironde, dans le Lot-et-Garonne et dans les Landes.

"L’objectif, c’est d’éviter de manière définitive ces épandages", répétait le ministre après une interview la veille sur France Inter, tout en ajoutant que "l’on doit trouver des alternatives dont certaines existent".

Les surfaces ayant recours à ces épandages aériens "ont déjà été réduits de 22%" entre 2010 et 2011, assurait M. Le Foll devant la mission sénatoriale.

Si le nombre de surfaces traitées a diminué, des élus EELV n’en demandaient pas moins le lundi 23 juillet ’’un moratoire immédiat" sur cette pratique en Aquitaine auprès du Préfet des Landes et du ministre de l’Agriculture.

Les élus écologistes dénonçant un prochain épandage dans cette région, grande productrice de maïs et l’utilisation de la cyperméthrine, un pesticide neurotoxique, nocif, selon eux, pour les abeilles et les milieux aquatiques.

Dans une lettre adressée à la mi-juillet au Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault, les conseillers régionaux EELV d’Aquitaine demandaient également l’abrogation de la circulaire du 5 mars 2012, publiée sous l’ex-ministre Bruno Le Maire, qui "assouplit l’interdiction de pulvériser par voie aérienne sept pesticides".

Cette circulaire avait donné une liste de produits "autorisés ou en cours d’évaluation" pour les cultures de banane, de riz, de maïs et de vigne. Un arrêté du 31 mai 2011 encadrant ce mode de traitement.

Les représentants d’EELV soulignaient que les solutions alternatives existent comme "l’épandage bio". Mais M. Le Foll précisait au Sénat qu’il n’envisagerait pas de moratoire actuellement faute d’alternatives à l’épandage de pesticides sur le maïs.

"Il faut faire en sorte que les dérogations soient plus strictement encadrées", affirmait le ministre. Sur France Inter, M. Le Foll déclarait qu’il allait dans un premier temps "mettre des critères (de dérogations) qui soient beaucoup plus transparents et qui s’appliquent de la même manière partout".

Ecophyto 2018 : « objectifs hors d’atteinte »

Auditionné le 24 juillet par les sénateurs de la mission commune d’information sur les pesticides, M. Stéphane Le Foll revenait sur les avancées du plan Ecophyto visant à réduire "si possible’’ de 50% les pesticides d’ici 2018.

Le ministre soulignait "des progrès" dans le cadre du plan "avec la diminution de près de 87% des quantités vendues de molécules actives dangereuses", des "résultats" concernant les fermes ’’Dephy" et une ’’formation" des agriculteurs "qui avance". Mais déplorait "un recours aux phytosanitaires qui stagne".

Si des progrès ont été faits, "la France n’atteindra pas l’objectif ambitieux de baisser de 50% la consommation de pesticides à 2018", déclarait-il. M. Le Foll dénonçait en effet ’’un blocage du plan dans la diffusion’’ des pratiques. "Une dynamique globale est nécessaire (…) pour réduire le recours à ces substances et l’impact sur la santé humaine".

S’agissant des demandes d’autorisation de mise sur le marché (AMM) de pesticides, le ministre soulignait par ailleurs "le besoin d’une harmonisation européenne".

Dans le cadre de demandes d’AMM, le ministre est ’’favorable à un institut scientifique indépendant" chargé d’analyser les études fournies par les firmes. Tandis que l’Agence de sécurité sanitaire (Anses) doit "valider a posteriori" ces demandes.

Le ministre soulignait "l’importance de la formation agricole" et souhaitait ’’une transition" en faveur d’une agriculture "performante écologiquement et économiquement".

Pour gérer les questions environnementales, "il sera nécessaire de créer des dynamiques collectives entre agriculteurs et entre exploitations", estimait M. Le Foll. Pour ce faire, le ministre entend ’’créer des groupements économiques et environnementaux".

Un plan pour l’agriculture biologique en 2013

Auditionné par les députés de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, M. Stéphane Le Foll annonçait ensuite, toujours à la fin du mois de juillet, préparer un plan d’action en faveur de l’agriculture biologique.

Il pourrait être présenté au cours du premier semestre 2013 et aurait comme objectif un doublement de la surface bio dans les cinq ans qui viennent.

Mais le ministre souhaitait rappeler qu’il sera nécessaire de faire évoluer tous les modèles de production.

"Il faut ouvrir le débat des nouveaux modèles de production. Si l’on recommence à fixer uniquement des normes exploitation par exploitation on aboutira aux mêmes résultats : on aura des beaux affichages, de belles ambitions mais derrière ça ne fonctionnera pas", prévenait-il en faisant référence aux faibles avancées du plan Ecophyto 2018.

"Ça fonctionnera d’autant moins qu’on a un milieu agricole qui devient de plus en plus réticent à l’application des ces normes. Il faut desserrer cet étau et créer une dynamique plus collective".

Le ministre annonçait l’élaboration d’une loi sur l’avenir de l’agriculture et de la foret pour le deuxième semestre 2013.

"Ce n’est pas simplement par des chiffres et des normes qu’on va régler le problème. On doit avoir des approches systémiques", précisait-il en évoquant la création de groupements d’intérêts économiques et environnementaux.

Soulignant que l’Inra éprouve encore des difficultés à imaginer de nouveaux systèmes, le ministère annonçait le lancement d’une mission sur ce sujet, confiée à deux anciens présidents de l’institut, Bertrand Hervieu et Marion Guillou, sur le sujet des groupements d’intérêt économiques et environnementaux afin d’avoir l’appui technique de l’Inra. "L’agronomie doit redevenir une priorité au niveau de l’Inra", concluait le ministre.

Deux études sur le bio

En juin 2012 deux études ont confirmé l’essor de l’agriculture biologique. La revue spécialisée Agra Valor analyse longuement les atouts mais aussi les contraintes qui pèsent sur le bio. Tandis qu’Agreste Primeur présente une étude détaillée sur les agriculteurs bio, « jeunes, bien formés, et tournés vers les circuits courts »…

Agra Valor n° 207, juin 2012
Agreste Primeur n° 284, juin 2012

Réforme de la Pac : consultation publique du Parlement européen

Afin d’alimenter sa réflexion en cours sur la future Pac, le Parlement européen lançait le 20 août une consultation publique sur internet, sous forme d’un questionnaire à choix multiples intitulé « De l’agriculteur au consommateur, quelle politique agricole et alimentaire commune ? », qui s’adresse à tous les citoyens de l’Union européenne.

À travers 21 questions, le parlement tente ainsi de recueillir un maximum d’avis en vue de « préparer sa réponse définitive », indique l’institution sur son site.

Les sujets de l’étiquetage alimentaire, du changement climatique, des pesticides etc. sont abordés, avec parfois des questions très précises, notamment sur la connotation donnée au nom Monsanto ou encore « je suis favorable à une aide européenne pour ? :

 inciter les agriculteurs âgés à cesser leurs activités agricoles ;

 encourager les jeunes à se lancer dans l’agriculture ;

 je ne suis favorable à aucune aide de l’Union dans ces domaines ;

 pas d’avis ».

Comme le précise le Parlement, « pas besoin de connaître les tenants et aboutissants de la Pac pour répondre aux questions, qui sont d’ordre général » et nécessitent environ 5 minutes pour y répondre.

La démarche semble surtout viser à familiariser les citoyens à la Pac et à ses défis.

(Juste pour rire, le questionnaire sur le site du parlement n’est plus accessible ! On questionne en plein mois d’août, une semaine, histoire de dire que l’on a fait une consultation ! Les gens rentrent de congés, mais circulez y’a rien à voir ! Bon les absents ont toujours tort ! Cela rappelle quelques pratiques que l’on aurait aimé voir disparaitre ! Vive la démocratie participative !)

Quelques explications :

 la vice-Présidente du Parlement Isabelle Durand a eu des difficultés à convaincre ses collègues du bureau du PE de faire cette Agora sur la PAC ; beaucoup au PE ont le sentiment que c’est un "truc" des Verts...

 les précédentes Agora sur le changement climatique et sur la pauvreté ont coûté beaucoup d’argent pour peu de résultat concret et peu d’infuence sur le travail en commission ;

 le questionnaire sur la PAC a été fait dans la précipitation et la période d’ouverture et de fermeture durant l’été décrédibilise l’initiative ;

 à priori Isabelle Durand souhaite néanmoins organiser la conférence de citoyens sélectionnés dans l’annuaire les 20 et 21 septembre.

A suivre...

Des irrigants saccagent un site Natura 2000 dans le Gers

Le 19 août dernier, comme le relatait la Dépêche dans son édition du 23 août, c’est très certainement le « manque » d’eau pour l’irrigation agricole qui a armé les bras de ceux qui ont dévasté un site Natura 2000, réserve de tortues rares, lieu emblématique de la politique environnementale.

Si les écologistes s’offusquent, les riverains constatent que les dégâts, l’incendie en particulier, auraient pu virer au drame.

Destiné à devenir dans les trois ans, « le site majeur de la politique gersoise des espaces naturels sensibles », le bio-éco site de l’étang du Moura situé à Averon-Bergelle en zone Armagnac, a en effet été gravement vandalisé dans la nuit de samedi à dimanche.

« Un désastre environnemental et patrimonial » dénonçait Philippe Martin président du conseil général du Gers, propriétaire des lieux.

Lire aussi :

Ce qu’est l’esprit de guerre (contre la nature)

Fabrice Nicolino, 21 août 2012

Enfin, dans son édition du 29 août 2012, Le Monde nous rappelle, fort opportunément que "la Bretagne échoue à endiguer les marées vertes"...

Last but nos least, le Président de la FNSEA promet quant à lui une hausse des prix alimentaires.

La rentrée, c’est maintenant...

Lire aussi :

Le Sud-ouest victime de terroristes de l’irrigation ?

Le JDLE, 31 août 2012

Marc Laimé - eauxglacees.com