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Belgique/France : deux approches du service public de l’eau

22 juin 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

La nouvelle loi sur l’eau française du 30 décembre 2006 a institué le principe du « droit à l’eau », sans l’assortir des moyens de le mettre en pratique. Les usagers se plaignent à juste titre de l’opacité du service public de l’eau, des factures indéchiffrables… A comparer les initiatives qui voient le jour ailleurs en Europe, comme en Belgique, à la situation française, on se prend à rêver de l’Outre-Quiévrain…



L’approche belge

En 2005, l’IBDE, la société intercommunale bruxelloise d’eau a créé un nouveau système de tarification de l’eau, destiné a aider les consommateurs à avoir un comportement plus écologique.

Celui-ci est basé sur un système solidaire et non plus linéaire, qui devrait adoucir la facture de 70 % des Bruxellois.

Comment le système fonctionne-t-il désormais ?

La nouvelle tarification est basée sur quatre tranches de consommation :

 vitale (de 0 à 15 m3 par an) à 0,60 euro,

 sociale (de 15 à 30 m3 par an) à 1,15 euro,

 normale (de 30 à 60 m3 par an) à 1,80 euro,

 confort (de 60 m3 et plus) à 2,75 euros.

Elle tient compte également du nombre de personnes par ménage, ce qui permet de ne pas pénaliser les familles nombreuses.

Un exemple concret.

Pour un ménage de deux personnes, par exemple, dont la consommation annuelle atteint 92 m3 par an, soit 46 m3 par personne.

Selon la tarification actuelle, le ménage paiera 92 × 1,43 euro, soit 132,30 euros.

Selon la tarification solidaire, le mode de calcul est le suivant.

Première tranche : 30 (2 personnes × 15 m3) × 0,60, soit 18 euros.

Deuxième tranche : 30 (idem) × 1,15, soit 34,50 euros.

Troisième tranche : 32 (92 m3 – 60 m3 déjà facturés dans les deux tranches précédentes) × 1,80, soit 57,60 euros.

Au total, la facture s’élèvera à 110,10 euros, soit une différence de 16 %.

Comment applique-t-on le système dans les immeubles pourvus d’un seul compteur ?

L’IBDE fera comme si l’immeuble était occupé par une famille avec une facture que l’on ne divise plus par appartement, mais par le nombre de personnes occupant l’immeuble, connues via le Registre national.

Ce qui a l’avantage de multiplier pour tout le monde le nombre de mètres cubes à tarif préférentiel, précise Mohamed El Khattabi (Ecolo), président de
l’IBDE et Conseiller Communal à Schaerbeek.

Bien sûr, le propriétaire qui reçoit la facture est libre de la répercuter comme il le veut.

L’IBDE l’invitera cependant à tenir compte du nombre d’habitants par appartement.

Manque à gagner ?

Le nouveau système devrait alléger la facture de 70 % des Bruxellois. Un manque à gagner pour l’IBDE ? Il s’agit d’une opération blanche, précise Mohamed El Khattabi.

La facture des gros consommateurs va augmenter, ce qui compensera le manque à gagner.

Le nouveau système ne concerne que les ménages. Pas question de pénaliser les entreprises, qui continueront à bénéficier du système de tarification linéaire.

L’approche française

La France pourrait économiser 2 millions de tonnes de CO2, l’un des principaux gaz à effet de serre, en individualisant les frais de chauffage dans les logements collectifs, annonçait le 12 juin 2007 l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). 


« La démarche se traduirait en outre par une économie d’énergie de 20% dans les immeubles collectifs par rapport à leur consommation actuelle, estimait l’Ademe en présentant l’étude commanditée par le Syndicat de la Mesure, qui regroupe les entreprises assurant l’installation de ce type de service. 


Près de cinq millions de logements pourraient être équipés de répartiteurs, qui permettent de relever la consommation de chauffage par appartement et même par radiateur. 


De même que l’installation de compteurs d’eau individuels, "la pose de répartiteurs incite les habitants à moins gaspiller le chauffage", relève l’Agence.

Plus attentifs, ils réduisent les températures ou ferment les radiateurs en leur absence, lorsqu’ils aèrent ou pendant la nuit. 


"C’est un moyen simple et efficace de faire baisser la consommation d’énergie de façon significative", insiste Jean-Louis Plazy, directeur de l’Efficacité énergétique à l’Ademe. 


L’étude qui a porté sur 260 logements répartis sur sept sites en banlieue parisienne et en province souligne l’importance des comportements individuels : 30% des habitants déclarent avoir modifié leurs habitudes depuis que les frais de chauffage sont individualisés. 


La France est particulièrement à la traîne, par rapport au nord de l’Europe : seulement 10% du parc de logements concernés est équipé de répartiteurs contre 95% en Allemagne, 80% en Autriche ou au Danemark et 70% au Benelux. 


Selon l’étude, les syndics d’immeubles sont réticents, jugeant que l’individualisation des frais de chauffage - qui suppose un relevé et une facture ajustée à chaque logement - constitue une charge de travail supplémentaire pour eux. 


Pourtant, depuis 1974 et à la suite du premier choc pétrolier, une loi impose le comptage individuel du chauffage en France, mais elle n’est assortie d’aucune sanction ou incitation.

Et le diagnostic de performance énergétique des logements, qui fait déjà partie des informations obligatoires à fournir lors de la vente d’un logement, le sera également pour les bailleurs à partir du 1er juillet rappelle l’Ademe. 


Afin de protéger le climat du réchauffement déjà en marche, la France s’est engagée à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050.

Sur 140 millions de tonnes par an, les émissions du secteur résidentiel/tertiaire représentaient en 2004 19% du total, en augmentation de 22% par rapport à 1990, tandis que celles de l’industrie (20%) avaient baissé de 22% pendant la même période. »

Rappel : dans le prolongement de la loi SRU, qui prévoyait l’individualisation des contrats de fourniture d’eau mais dont l’application a soulevé d’énormes problèmes, la nouvelle loi sur l’eau du 30 décembre 2006 a prévu que toutes les constructions neuves comporteraient désormais des compteurs individuels (et donc les contrats y afférents, tout aussi « individuels »), au plus grand bénéfice de Veolia, Suez et consorts…). En outre le seuil des votes nécessaires à une copropriété (existante) pour décider de « l’individualisation » a lui aussi été abaissé. On peut donc s’attendre à une rapide croissance de « l’individualisation », synonyme de profits accrus pour les entreprises (part fixe, assurances anti-fuites, radio-relevés…)

Marc Laimé - eauxglacees.com