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La part fixe dans la facture d’eau : le débat.

13 juin 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Les associations de consommateurs réclament sans succès depuis des années la suppression de l’existence d’une « part fixe » dans la facture d’eau. Elle pénalise en effet injustement les petits consommateurs, les faibles revenus, et n’incite pas aux économies d’eau. La nouvelle loi sur l’eau a de surcroît encore accentué ces travers. Eaux glacées y a récemment consacré un article qui a suscité de nombreuses réactions. Le débat va inévitablement rebondir à mesure que le montant de la facture d’eau va augmenter inexorablement dans les prochaines années.



Consulter l’article : « Prix de l’eau, les mauvaises surprises de la LEMA ».

Henri Smets, ancien économiste à l’OCDE, membre de l’Académie de l’eau, président de l’Association pour le développement de l’économie et du droit de l’environnement (ADEDE), est la figure française du « droit à l’eau », qu’il promeut avec une énergie inaltérable.

« Le gouvernement n’a pas été en mesure de trouver une solution satisfaisante au problème de la part fixe pour le même motif que les parlementaires n’ont pu le faire.

Certains maires et distributeurs veulent conserver une part fixe élevée car cela leur permet de réduire le prix du m3 et la facture des gros utilisateurs tout en garantissant une rentrée de fonds.

Les victimes de ce choix sont les petits usagers (célibataires, familles monoparentales, veuves, etc) qui payeront leur eau à un prix moyen élevé, ainsi que les utilisateurs de résidences secondaires peu utilisées, ou inoccupées.

Les bénéficiaires de la part fixe élevée sont les familles nombreuses (qui sont ainsi aidées par les célibataires). En tant que défenseur des valeurs familiales, on ne peut que se réjouir de ce choix... Mais il faut se rappeler qu’il y a beaucoup plus de célibataires et de familles monoparentales parmi les électeurs que de familles nombreuses.

Le choix du montant de la part fixe relève d’une décision de chaque conseil municipal, Certains considèrent comme normal de faire payer une part fixe élevée à chaque abonné de la même manière qu’il y a un droit d’accès à un club de sport.

Le caractère discriminatoire de ce ticket d’accès n’est pas pris en compte alors qu’ il aboutit à demander aux usagers pauvres (familles monoparentales, veuves, etc) de payer leur litre d’eau plus cher.

Les Parisiens bénéficient d’ une part fixe faible. Les consommateurs des autres régions pourraient faire pression pour qu’il en soit de même et s’intéresser par la même occasion au prix de l’eau qui devient inabordable pour les plus démunis. »

Jean-Louis Linossier anime l’Association des consommateurs d’eau du Rhône (ACER). Il est membre de la Coordination des associations de consommateurs d’eau (CACE), et d’Attac 69.

« La "part fixe" ne fait pas augmenter le montant global de la recette encaissée par le distributeur (public ou délégué), recette en provenance de toutes les catégories d’abonnés.

Mais la "part fixe" répartit différemment ce montant global en défaveur de ceux qui consomment peu, et donc au bénéfice de ceux qui consomment beaucoup, au détriment des pauvres en particulier. C’est une décision idéologique dont les élus sont totalement responsables puisque le fermier notamment ne voit que sa recette générale. La répartition ne le concerne que très peu.

La "part fixe" agit en général en complément de l’utilisation des tranches tarifaires dégressives en fonction des m3 consommés, en accentuant la dégressivité du prix du m3 facturé en fonction de la consommation, ce qui défavorise là encore les petits consommateurs et les pauvres obligés de se limiter.

Le montant de la part fixe, pour une collectivité donnée (commune, syndicat de communes, communauté de communes, d’agglo, urbaine... ) est fixée par le diamètre du compteur.

Pour les usagers domestiques en contrat individuel, ce diamètre est 15 mm.

Pour les usagers domestiques en habitat collectif, c’est en général un montant lié à un diamètre supérieur, mais comme le montant n’est pas proportionnel au volume distribué, cela aboutit à une influence moindre de l’abonnement dans le prix du m3, et c’est très bien pour eux puisqu’à consommation égale un abonné domestique en habitat collectif paiera le m3 moins cher qu’en habitat individuel.

La loi sur l’eau du 30 décembre 2006, en permettant de compter un abonnement par logement, tend à supprimer cet avantage. On va encore une fois uniformiser sur la situation la plus chère pour les usagers domestiques.

Le décret d’application qui concerne spécifiquement cette question tendrait à limiter le montant de la partie fixe, en la modulant jusqu’à un maximum de 50 % du montant de la facture payée par l’usager.

Son application va donc être délicate à apprécier puisqu’il faudra le faire au cas par cas.

Par contre la loi devrait limiter l’utilisation des tarifs dégressifs, et même les supprimer à partir de 2010 pour n’autoriser que les tarifs uniformes ou progressifs, ce qui condamnerait les "parts fixes".

Beaucoup de contradictions qu’il faudra analyser et dénoncer le cas échéant.

Rappelons que la CACE demande depuis des lustres la suppression des "parts fixes" et des tranches dégressives de la tarification, au profit de tarifs uniformes ou progressifs en fonction de la consommation.

La CACE demande également la suppression des prix indexés sur quelque indice économique que ce soit, ou sur une combinaison de l’évolution d’un ou plusieurs indices dans quelque modélisation que ce soit (coefficient K ou autres), aussi bien pour les régies que pour les contrats de délégation.

Le prix de l’eau et de l’assainissement doivent être fixés chaque année sur la base d’un budget prévisionnel associé ou non à un compte d’exploitation prévisionnel suivant le cas.

Gérard Borvon anime l’association S-EAU-S. Responsable Eau des Verts, il est membre du Comité national de l’eau.

« L’usage d’une part fixe a aussi pour mérite pour les distributeurs de masquer la réalité du prix de l’eau.

En effet le calcul étant fait sur une consommation de 120 m3, ce prix est largement minoré.

Autre avantage : si votre consommation baisse, votre facture ne baissera pas dans les mêmes proportions or on sait que le problème est d’importance (les campagnes actuelles pour économiser l’eau amènent les distributeurs à augmenter les tarifs afin de maintenir leurs bénéfices).

Voir : Une nouvelle escroquerie : le "plafonnement de l’abonnement" dans les factures d’eau.

Marc Laimé - eauxglacees.com