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Lyon (3) : la Courly veut contraindre Veolia à baisser le prix de l’eau

7 juin 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Plusieurs années de mobilisation des usagers de l’eau lyonnais, et la perspective des prochaines élections municipales ont finalement conduit la Communauté urbaine de Lyon à croiser le fer avec le géant français des services à l’environnement. Sur la base d’audits accablants, la Courly exige une baisse immédiate du prix de l’eau, Veolia rechigne. Une commission de conciliation va être mise en place pour tenter de rapprocher les positions des deux parties.



Si le communiqué diffusé le 5 juin 2007 par le Grand Lyon a été reçu avec satisfaction par les associations d’usagers qui dénoncent depuis des années, arguments à l’appui, les errements auxquels a donné lieu l’exécution du contrat confié depuis 1996 à Veolia et à la SDEI, filiale de Suez-Lyonnaise des eaux, l’annonce que la collectivité allait recourir à une « commission de conciliation » pour obtenir de Veolia une baisse du prix de l’eau laisse pantois.

De deux choses l’une, ou Veolia n’a rien à se reprocher, et l’on ne voit donc pas ce qu’il y aurait à concilier. Ou Veolia a beaucoup à se reprocher, ne respecte pas ses engagements contractuels, et l’on ne voit pas pourquoi la collectivité devrait chercher les voies d’une conciliation qui finit toujours par une capitulation. Sous l’espèce d’un compromis douteux, qui pénalise immanquablement la collectivité et les usagers. « Vous m’avez grugé de 400 millions, vous m’en rendez 100 et on est quittes… »

Passons. L’affaire intervient dans le cadre des négociations quinquennales du contrat de 30 ans, signé en 1986, qui concerne la distribution d’eau, et doit s’achever en 2016.

Selon M. Patrick Laurent, Vice-président chargé des gestions externes, le Grand Lyon affiche, à 1,76 euro le m3, le prix de l’eau le plus élevé de France, après Toulon.

Ainsi, pour une consommation moyenne de 120 m3 par an pour une famille avec deux enfants, la seule fourniture d’eau potable coûte 211 euros.

(Nous reparlerons de cette consommation moyenne de 120m3 par an pour une famille avec deux enfants, devenue la norme de référence usuelle, et qui est loin de représenter les consommations réelles, sensiblement et parfois très sensiblement inférieures, ce qui biaise systématiquement tous les débats sur le "prix de l’eau"...).

Le souhait de la collectivité serait d’arriver à un prix de 170 ou 180 euros, soit une baisse de l’ordre de 15 à 20 %.

"Nous avons commandé un audit à un cabinet spécialisé dans l’eau qui indique que le prix est extrêmement élevé, sans que cela soit justifié par les services rendus, que la rémunération des fermiers est trop élevée et que ces écarts vont s’accroître dans les neuf années qu’il reste au contrat si on ne fait rien", a-t-il expliqué à la presse.

Un vrai morceau d’anthologie. Traduire on nous vole comme au coin d’un bois, et on en a la preuve. Mais au lieu de rompre le contrat, ce qui devrait être évident, immédiat, et à coup sur gagnant devant les juridictions que ne manquerait pas de saisir le délégataire, on finasse, on cabriole, on discute à l’infini…

25% de marge bénéficiaire avant impôts

On se demande bien pourquoi.

Pour M. Gérard Claisse, Vice-président chargé de la participation citoyenne, depuis 2002, la marge réalisée par les deux fermiers - Veolia (85% de l’eau du Grand Lyon) et SDEI, filiale de la Lyonnaise des Eaux (15%) - augmente d’un point chaque année et a atteint 20% (avant impôts) en 2007.

"Et encore, il s’agit des chiffres de Veolia, nos experts estiment qu’elle est 4 ou 5 points supérieure à cela, a-t-il ajouté, en précisant que la marge moyenne pour ce type de contrat était estimée à 6 ou 7% après impôts, soit autour de 10% avant impôts."

Bien noter ici que la marge avant impôts s’établirait donc à près de 25%. Ils ont du se lever très tôt longtemps pour gagner autant…

Par ailleurs, le Grand Lyon souhaite régler le problème des « provisions de renouvellement », versées chaque année aux délégataires pour couvrir les investissements de remplacement du matériel, et qui n’ont jamais été utilisées.

Le montant des provisions ainsi encaissées par les délégataires atteindrait 45 millions d’euros, soit l’équivalent de plus de 7 années de provisions.

Mais comme cette trésorerie a inévitablement généré des intérêts, plusieurs associations de consommateurs estiment que ce sont en fait 95 millions d’euros qui ont été encaissés sans travaux en contrepartie.

M. Patrick Laurent a souligné que les contacts avec Veolia et SDEI au cours de la phase de négociation directe avaient été "bons, mais cela n’a pas donné de résultats".

Il a de fait qualifié de "gouffre" l’écart entre les positions des deux parties.

La négociation directe n’ayant rien donné, une commission composée d’un représentant du Grand Lyon, d’un représentant de Veolia et d’un troisième membre sur lequel les deux parties se mettront d’accord, va donc voir le jour dans les quinze jours à venir.

"Pour nous, il faut que la renégociation soit bouclée en novembre (...) sinon il n’y aura pas d’avenant au contrat", a prévenu l’élu. "Il n’y a pas de volonté de rompre, a-t-il assuré. On a affaire à des entreprises sérieuses, qui sont présentes sur d’autres secteurs d’activités comme les déchets et qui ont donc intérêt aussi à se présenter dans de bonnes conditions quand d’autres contrats seront négociés."

Et c’est ainsi que la nave va.

"Il y a des voleurs qui prennent mille précautions pour ne pas abîmer les meubles. Moi, pas. Il y en a d’autres qui remettent tout en ordre après leur visite. Moi, jamais. Je fais un sale métier, mais j’ai une excuse : je le fais salement..."

Le Voleur – Georges Darien.

Marc Laimé - eauxglacees.com