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Arrêté nitrates : un cadeau de Noël empoisonné pour l’eau

3 janvier 2012

par Marc Laimé - eauxglacees.com

L’arrêté publié le mercredi 19 décembre 2011 au Journal Officiel, visant à appuyer les programmes d’action de lutte contre les excédents de nitrate à l’origine de la prolifération des algues vertes, est "un cadeau de Noël empoisonné pour l’eau", a estimé l’association Eau et Rivières de Bretagne (ERB).



"C’est un cadeau de Noël empoisonné pour l’eau (...) C’est un signal extrêmement négatif, une aberration environnementale", a estimé Gilles Huet, le délégué général de l’association, interrogé par l’AFP.

Parmi les éléments les plus controversés de cet arrêté, le fait qu’il réévalue les normes de production d’azote pour les animaux et en particulier les vaches laitières. La nouvelle grille "pénalise les systèmes herbagers, en contradiction totale avec les orientations fixées dans les plans anti-algues vertes, ce qui est totalement incompréhensible", assure Gilles Huet, qui suit depuis 30 ans la question des algues vertes.

"C’est un signal extrêmement négatif envoyé aux paysans qui veulent développer des systèmes herbagers", estime-t-il.

Le nouvel arrêté encourage de fait l’alimentation des troupeaux par du maïs et du soja importé plutôt que par l’herbe des prairies, dit-il en substance.
Or, de nombreuses études ont démontré de longue date l’efficacité économique et environnementale des systèmes herbagers.

Autre "aberration environnementale", la prise en compte dans le calcul des normes d’épandage de la totalité de la SAU (Surface agricole utile), déjà énoncé par un décret "nitrates" en date du 10 octobre, contre lequel France Nature Environnement (FNE) et ERB ont formé un recours gracieux, considérant que ce décret risque "d’aggraver la pollution des eaux par les nitrates".

Autre "aberration agronomique", la possibilité d’épandre du lisier sur les couverts végétaux, ces Cultures intermédiaires pièges à nitrate (Cipan), dont l’unique utilité est de consommer les nitrates produits lors des cultures principales pour éviter leur fuite dans l’environnement.

"L’arrêté autorise désormais ce qui était interdit" et, maintenant, "les Cipan ne vont pas pouvoir jouer leur rôle de pompe à nitrate" car leur capacité d’absorption n’est pas illimitée, déplore le spécialiste environnemental. Il s’agit d’ouvrir des surfaces supplémentaires à l’épandage du lisier.

"L’autisme du ministère de l’Ecologie est dramatique (...) Tous ceux qui se préoccupent de la qualité de l’eau en Bretagne sont complètement abasourdis par ce qu’ils lisent" dans cet arrêté, a commenté Gilles Huet.

"L’arrêté tel qu’il a été publié n’a pas été modifié par rapport au projet initial. Il n’a été tenu aucun compte des remarques formulées" lors de la consultation publique, pas même de celles formulées par l’Autorité environnementale. Celle-ci avait émis "des avis assez critiques sur plusieurs points du projet", a-t-il déploré.

Cet arrêté (DEV1134069A), en date du 19 décembre, est "relatif au programme d’actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables afin de réduire la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole".

Selon une étude mise en ligne par le ministère de l’Ecologie, quelque 88,7% des nitrates retrouvés dans les milieux aquatiques et marins proviennent de l’agriculture et de l’élevage.

La Bretagne est la première région agricole de France. Elle doit faire face chaque été, dans des baies abritées, à une prolifération des algues vertes qui posent des problèmes sanitaires lorsqu’elles entrent en putréfaction, sont d’un coût très élevé pour la collectivité et entravent son développement touristique.

Marc Laimé - eauxglacees.com