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Contrôle accru des forages d’eau privés réalisés par des particuliers

1er juin 2007

par Marc Laimé - eauxglacees.com

Tout forage privé à usage domestique réalisé par un particulier doit désormais être déclaré. Il pourra être contrôlé par des agents du service de l’eau. S’il est déficient, il pourra être fermé. Toute consommation d’eau réalisée par ce biais sera en outre frappée d’une redevance d’assainissement. C’est écrit dans la LEMA. A la bonne vôtre…



C’est l’un des secrets, aux relents de scandale, le mieux gardé de France.

Combien de particuliers, d’entreprises, d’agriculteurs…, prélèvent-ils de l’eau par le biais d’un forage réalisé discrètement au fond du jardin, ou dans un recoin discret d’une exploitation agricole ou d’une entreprise ?

Nul ne le sait. Nul ne veut le savoir.

Pourtant des experts du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ou des Agences de l’eau confient volontiers, sans vouloir être cités, qu’on peut évaluer le montant des prélèvements ainsi effectués en France chaque année à près de 10% des volumes d’eau prélevés sur les ressources mobilisables…

On comprend que deux corporations aient discrètement fait fortune ces dernières années : les sourciers et les foreurs.

A l’orée du 21ème siècle plus d’une centaine de sourciers proposent en France leurs bons offices, non seulement à des particuliers, mais même à des collectivités locales ! Pour les foreurs on passe à une autre dimension, celle d’un business d’autant plus rémunérateur que sitôt un forage épuisé, ce qui va vite quand les surfaces irriguées continuent à s’accroître, on en fore un autre un peu plus loin…

C’est dire que les dispositions récemment adoptées en matière de forage avec l’adoption de la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) risquent de réserver quelques surprises aux heureux bénéficiaires de forages qui avaient fait leur le célèbre adage : pour vivre heureux, vivons cachés.

Terminé !

Désormais, afin de prévenir le risque de développement anarchique des forages privés (il était temps !), la LEMA modifie l’article L. 2224-9 du Code général des collectivités territoriales en spécifiant que :

« Tout prélèvement, puits ou forage réalisé à des fins d’usage domestique de l’eau fait l’objet d’une déclaration auprès du maire de la commune concernée. »

Ca va être intéressant de suivre le nombre de déclarations spontanées… On ne saurait faire montre de trop d’optimisme dans la mesure où ces informations pourront être transmises, notamment, aux agents des services publics d’eau potable et d’assainissement.

Logique, puisqu’un dispositif de contrôle prévu par l’article L. 2224-12 nouveau du CGCT stipule que :

« En cas d’utilisation d’une autre ressource en eau par l’abonné, le règlement de service prévoit la possibilité pour les agents du service d’eau potable d’accéder aux propriétés privées pour procéder au contrôle des installations intérieures de distribution d’eau potable et des ouvrages de prélèvement, puits ou forages. »

Evidemment « Les frais de contrôle sont mis à la charge de l’abonné ».

Et ce n’est pas tout.

« En cas de risque de contamination de l’eau provenant du réseau de distribution publique de distribution par des eaux provenant d’une autre source, le service enjoint à l’abonné de mettre en œuvre les mesures de protection nécessaires. En l’absence de mise en œuvre de ces mesures, le service peut procéder à la fermeture du branchement d’eau. »

Des décrets en Conseil d’État fixeront prochainement les modalités d’application de ces dispositions, mais on imagine déjà les histoires à la Clochemerle qui ne vont pas manquer de s’ensuivre…

Et comme si ça ne suffisait pas, en sus des dispositions prévues par la loi, des normes AFNOR sur les forages d’eau et de géothermie sont en cours d’élaboration et seront prochainement diffusées.

Ca va devenir coton de vouloir puiser un peu d’eau au fond du jardin.

Attendez, le meilleur est pour la fin.

L’article L. 2224-12-5 nouveau du CGCT prévoit, lui, qu’un décret fixera « les conditions dans lesquelles il est fait obligation aux usagers raccordés ou raccordables au réseau d’assainissement d’installer un dispositif de comptage de l’eau qu’ils prélèvent sur des sources autres que le réseau de distribution. Il fixe également les conditions dans lesquelles la consommation d’eau constatée au moyen de ce dispositif est prise en compte dans le calcul de la redevance d’assainissement due par les usagers ».

Traduisons, vous êtes reliés comme tout un chacun au réseau de distribution publique de la commune qui vous apporte de l’eau au robinet.

Mais histoire d’économiser un peu, et puisque vous avez une source ou une résurgence, vous avez creusé, histoire de faire des économies.

Terminé !

Si vous prélevez de l’eau ainsi, que vous l’utilisez ensuite, et donc la salissez, vous finissez par la rejeter dans le milieu naturel, via le réseau d’assainissement auquel vous êtes connecté, voire directement.

Il est donc logique que l’on vous impute une quote-part du coût du traitement de ces eaux usées que vous rejetez au réseau, ou dans le milieu.

Là où l’affaire est admirable, c’est que même si vous n’êtes pas reliés à un réseau d’assainissement collectif, que vous disposez donc d’un systême d’assainissement autonome, vous n’en êtes pas moins « raccordable », et paierez donc à ce titre une quote-part de la redevance d’assainissement communale, à laquelle vous n’étiez pas assujettis jusque là.

Bon, c’est le prix à payer pour une gestion soutenable de cette ressource précieuse entre toutes.

On se prend tout de même un peu à douter que l’usager lambda propriétaire d’une installation d’assainissement autonome (une fosse septique), qui va aussi se voir enjoindre désormais d’aligner jusqu’à 10 000 euros pour la remettre aux normes, applaudisse à deux mains cette nouvelle contribution.

Camarades décroissants, adeptes des toilettes sèches, amoureux des puits, récupérateurs de l’eau de pluie (là ce n’est pas gagné non plus, les ennuis se profilent à l’horizon), bref, camarades autarciques, les lendemains ne chantent guère.

Jean de Florette le retour.

L’eau est rare, et donc de plus en plus chère, va falloir s’y faire.

Quelle idée aussi d’inventer des « alternatives »…

Si tu ne vas pas à Veolia, Veolia viendra à toi.

Là ils se rapprochent dangereusement.

Adieu l’eau de la claire fontaine

Marc Laimé - eauxglacees.com