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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Baignades en Seine : le coup de pied de l’âne du SIAAP
par Marc Laimé, 31 octobre 2016

Alors que depuis un an et demi, pour “légitimer” la candidature de la capitale aux JO de 2024, la Ville de Paris et son opérateur, joignant le geste à la parole, renouvellent non seulement la promesse chiraquienne de baignade en Seine, mais organisent à grands sons de trompe médiatique des baignades “sauvages”, le SIAAP jette un pavé dans la mare en publiant un petit ouvrage de 96 pages présentant la synthèse de 15 années d’études sur la contamination microbiologique des eaux dans l’agglomération parisienne.

Publié à la mi-octobre aux éditions Johanet (°), l’ouvrage collectif du SIAAP n’a pas fini de faire des remous.

Il se propose, benoîtement en apparence, “d’apporter et partager les éléments de connaissance et de compréhension les plus récents sur le transfert de la contamination fécale (Escherichia coli et entérocoques intestinaux) au sein du continuum “réseau d’assainissement - station d’épuration - rivière”, et soutient “venir en appui aux études et plans d’action menés dans un cadre plus global par les acteurs de l’agglomération sur la question de la baignade en Seine et en Marne et de l’organisation d’épreuves olympiques aaquatiques en 2024”.

Perspectives qualifiées de “nouveaux” enjeux sociétaux (entre guillemets dans le texte du Siaap)…

L’ouvrage rappelle d’abord que le SIAAP, en charge du transport et du traitement des eaux usées de près de 9 millions de Franciliens pour leurs usages domestiques et industriels, couvre un territoire de près de 1800 km2 et traite chaque jour près de 2,5 millions de m3 d’eaux usées par temps sec. Une fois dépolluée l’eau est rejetée dans la Seine et la Marne.

“(Il) exploite le premier outil industriel de France pour l’assainissement : 440 kilomètres de canalisations, plus de 900 000 m3 de capacités de stockage des eaux pluviales et 6 usines de dépollution permettant un traitement complet des eaux usées (carbone, azote et phosphore) (…) En quelques décennies la qualité de traitement s’est considérablement améliorée, en passant d’un traitement unique de la matière organique à un traitement complet de la pollution. Ces technologies intensives permettent aujourd’hui de redonner au milieu naturel une eau propre compatible avec l’atteinte des objectifs de la DCE et propice au développement de la biodiversité”.

Et de rappeler ensuite, à titre d’exemple, celui que reprennent rituellement les medias sans rien y comprendre, que “32 espèces de poissons sont recensées dans la Seine aujourd’hui contre 3 en 1970”. Ce qu’omettent de préciser Messieurs Rocher et Azimi, c’est leur taux de contamination par les métaux lourds et les PCBs qui les rendent impropres à la consommation…

Temps sec, temps de pluie et déversoirs d’orage

S’appuyant sur des centaines de publications scientifiques, l’ouvrage mentionne des chiffres totalement inconnus du grand public, qui ignore à l’identique le distingo entre temps sec et temps de pluie, et ce qu’il en découle, comme la “pesanteur” d’un outil technique dont la genèse remonte au XIXème siècle…

Le Siaap, on l’a vu, traite chaque jour, par temps sec, près de 2,5 millions de m3 d’eaux usées, qu’il dépollue avant de les rejeter dans la Marne et la Seine.

Le Siaap traite en réalité chaque jour par temps sec 2,5 millions d’eau usées ET d’eaux pluviales, car l’essentiel de son réseau, c’est le cas dans Paris intra-muros, comme dans la Petite couronne (appelée "zone centrale" dans le jargon), est de type “unitaire”, c’est-à-dire qu’il recueille indifféremment les eaux usées en provenance des égoûts et les eaux de pluie qui ruissellent sur le sol, et s’y chargent, elles aussi, en polluants (métaux lourds, hydrocarbures…) provenant des activités humaines et industrielles.

Car contrairement à ce qu’on pourrait penser spontanément, l’eau de pluie est loin, très loin, d’être exempte de pollutions, de tous ordres. On sait aujourd’hui que l’eau qui tombe du ciel à Paris est chargée en pesticides ou en HAP, provenant de Bourgogne comme de la Bretagne, selon les vents dominants. En une heure, sur un kilomètre d’autoroute, par temps de pluie, on va recueillir jusqu’à un kilo de gomme, gorgé d’hydrocarbures... En milieu urbain, les eaux de pluie qui ruissellent sur les toitures, puis sur les chaussées, s’y imprègnent dès lors de tous les polluants qui s’y concentrent.

Or, en cas d’orage, un orage “ordinaire”, en l’espace de quelques heures le volume des eaux pluviales supplémentaires appportées au réseau atteint, voire dépasse, le volume quotidien d’eaux usées qui transitent chaque jour dans les exutoires du Siaap, qui les conduisent à ses 6 stations d’épuration, installées en proche banlieue parisienne.

On passe ainsi en quelques heures de 2,5 millions de m3 à 5 millions de m3 dans la journée… Or, sauf à construire des exutoires de plus en plus gigantesques, le réseau ne peut accueillir ce volume d’eaux pluviales supplémentaires, sauf à provoquer des inondations catastrophiques et à faire sauter toutes les bouches d’égoûts….

Et en dépit de la mise en service en 2009 de Tima 1, puis 2, sur la rive gauche, deux gigantesques tunnels qui peuvent stocker jusqu’à 80 000 m3 d’eaux pluviales, le phénomène perdure...

http://www.lejdd.fr/Ecologie/Pollution/Actualite/Tima-veille-sur-la-Seine-150306

On a donc imaginé, depuis fort longtemps, de délester le réseau grâce à des “déversoirs d’orage” (DO).

Les bobos béats vont halluciner. Ces ouvrages installés sur le réseau au bord de la Marne et de la Seine, y jouent le rôle de vannes. Pour délester le réseau qui exploserait littéralement par temps d’orage, on rejette donc directement dans la Seine par temps d’orage des volumes considérables d’eau usées et d’eaux pluviales non traitées, et donc fortement polluées, car on ne sait pas faire autrement.

Et on imagine sans peine que ces déversements de volumes considérables d’eaux usées et d’eaux pluviales non traitées, à raison de 40 à 75 jours d’orage par an, selon les statistiques du SIAAP, ne vont pas améliorer la qualité de l’eau de la rivière… Bon, on ne sait pas faire autrement.

En 2014 et 2015 les volumes d’eaux usées et d’eaux pluviales, intensivement polluées, ainsi refoulées dans la Seine par les 15 déversoirs d’orage du SIAAP qui entourent Paris, ont été respectivement de 13,7 et 8,5 millions de m3…

Quelle qualité pour les eaux de baignade ?

Nonobstant, l’amélioration de la qualité sanitaire des eaux de Seine “conduit aujourd’hui, écrit le Siaap, à se poser la question de l’autorisation de la baignade sur certains secteurs, notamment dans le cas de l’organisation d’évènements sportifs”.

Avant de poursuivre : “A ce jour, la réglementation relative à la baignade (arrêté du 22 septembre 2008) porte sur deux bactéries indicatrices de contamination fécale : Escherichia coli (seuil fixé à 900 NPP / 100 ml, calcul du 90ème percentile) et entérocoques intestinaux (seuil fixé à 330 NPP, 100 ml, calcul du 90ème percentile).

L’ouvrage présente ensuite de manière détaillée avec force schémas et données, les différents sites et protocoles techniques utilisés, les analyses de la présence de bactéries fécales dans les différents rejets d’eau traitée et les déversements de temps de pluie, l’efficacité des différents procédés d’élimination des bactéries indicatrices fécales en STEP, et enfin des focus sur les eaux de Seine et de la Seine et Marne.

Conclusion ?

“L’analyse globale des jeux de données a permis de montrer une variabilité de la contamination en bactéries indicatrices fécales de la Seine à la sortie de Paris.

Les concentrations médianes en Escherichia Coli et entérocoques intestinaux à Suresnes sont respectivement de 1191 et 208 NPP / 100 ml et fluctuent entre 78 et 306 424 NPP / 100 ml, et entre < 38 et 117 527 NPP / 100 ml…”

Il apparaît donc que la Seine est plus contaminée lors des événements pluviaux ausi bien en amont qu’en aval de Paris, tandis que les variations saisonnières enregistrées de 2007 à 2015 ne témoignent pas d’une évolution à plus long terme.

Le coup de pied de l’âne

L’ouvrage précise, au détour d’une phrase incidente en conclusion, que : “ (…) Cette étude statistique de la qualité bactériologique des eaux à Choisy-le-Roi et à Suresnes ne permet pas de statuer sur la qualité de la Seine entre ces deux sites. Cerner la dynamique des bactéries indicatrices fécales sur le secteur de Seine “Paris intra-muros” suppose que l’on s’appuie sur des mesures réalisées dans la Seine parisienne”.

Autrement dit en amont comme en aval de Paris, pas de baignade possible au vu des contaminations enregistrées.

Et à Paris ?

Pas d’effet Tchernobyl à la frontière du périph :-)

De Nation à Suresnes, tout au long de la Seine, dans Paris, la ville et le SIAAP gèrent, là aussi, 48 déversoirs d’orages, qui refoulent bon an mal an dans le fleuve, lors des épisodes d’orage, entre 1,5 et 2 millions de m3 d’eaux usées et d’eaux pluviales urbaines non traitées…

Ajoutons enfin, ce que nul ne devrait ignorer, et c’est tout le drame de Lutèce, que le débit moyen de la Seine, surtout en été, en période d’étiage, est hélas cinq à six fois inférieur à ce qu’il devrait être pour supporter tous les usages de l’eau qui y transite : la ressource pour l’eau potable, l’industrie, le refroidissement, la navigation, la dilution de la pollution..., et on en oublie.

D’où, on l’a vu en juin dernier, les arbitrages auxquels procèdent les pouvoirs publics, qui choisissent délibérément de remplir les grands lacs-réservoirs en amont et à l’est de la capitale l’hiver, afin d’assurer le soutien d’étiage l’été, au risque de frôler la catastrophe quand on ne peut plus stocker des apports d’eau supplémentaires...

Le SIAAP, qui a décidé en juin dernier de privatiser l’usine de Valenton, via une SemOp qui sera gérée par Suez, compte 12 représentants de la Ville de Paris à son conseil d’administration, à côté des 21 élus y représentant respectivement les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis.

La séquence politique qui s’ouvre : 2017, 2020, 2022, 2024… se joue donc aussi désormais au sein de ce cénacle qui aurait pu siéger, non dans le bunker de la rue Jules-César, mais rue des Boutiques obscures…

Tant le spectre de la Coupole plane décidément sur la métropole parisienne.

(°) “Qualité microbiologique des eaux en agglomération parisienne. Des eaux usées aux eaux de Seine”, ouvrage collectif, coordinateurs Vincent Rocher et Sam Azimi, Siaap. Editions Johanet, septembre 2016, 96 pages, 31 euros.

Lire aussi :

 Elisabeth Clamagirand. Modélisation de la qualité des eaux de la Seine à l’étiage en période d’orage. Hydrologie. Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 1985. Français.

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00520783/document

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commentaires

1 Baignades en Seine : le coup de pied de l’âne du SIAAP

Bonjour

Merci pour ces infos qui ne sont pas... aseptisées !
C’est quoi le "spectre de la Coupôle" ?!
Bien a vous

R Z

poste par arzi77 - 2016-11-1@08:34 - repondre message
2 Baignades en Seine : le coup de pied de l’âne du SIAAP

La Coupole est une expression imagée désignant, au-delà des Alpes, et à partir de Naples, les onoravoles du gouvernement de l’ombre qu’incarnent ici, au cas d’espèce, les dirigeants des grands syndicats techniques franciliens...

poste par Marc Laimé - 2016-11-1@10:46 - repondre message
3 Baignades en Seine : le coup de pied de l’âne du SIAAP

Merci pour cette réponse... imagée !

Le "spectre de la coupôle", cela me faisait plutôt penser au... fantôme de quelque honorable académicien hantant le Quai Conti !
Là, je comprends mieux à quels " i s o i f f a m " franciliens... vous songez !

R Z

poste par arzi77 - 2016-11-2@07:49 - repondre message
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