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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Veolia et Suez vont démanteler leur filiale commune de Lille
par Marc Laimé, 10 janvier 2009

Les deux leaders français du marché de la distribution de l’eau ne devraient bientôt plus se partager les parts de la Société des Eaux du Nord. Elles viennent en effet d’annoncer un « décroisement », demandé par le Conseil de la concurrence depuis 2002... Comme les deux membres éminents du cartel en détiennent 11 autres en France et dans les DOM-TOM, on attend la suite avec impatience, notamment à Marseille. Cette « victoire » de l’UFC-Que-Choisir, qui n’a cessé d’interpeller à ce sujet Mme Christine Lagarde, laisse néanmoins entière la question du devenir des centaines de millions d’euros que ces douze sociétés communes ont engrangé depuis des décennies, sous l’appellation de « provisions pour renouvellement »...

La gestion de la distribution de l’eau dans la Communauté urbaine de Lille (CUL) était confiée depuis 1985, (et jusqu’en 2015), à la Société des Eaux du Nord (SEN).

Ce contrat de délégation de service public a déjà provoqué d’innombrables remous, surtout depuis qu’une association locale d’usagers s’était inquiétée du devenir des sommes faramineuses, dénommées « provisions pour renouvellement », joyeusement mises de côté depuis des lustres par les deux actionnaires de la SEN, nos amis Veolia et Suez, qui se partageaient l’entreprise à 50/50...

Dès juillet 2002, le Conseil de la concurrence estimait que les deux groupes, par le biais de la SEN, ont « abusé de leur position dominante collective ». Une situation que Lille partage avec Marseille, Nancy et Saint-Étienne.

En clair, et selon M. Alain Cacheux, vice-président de la Communauté urbaine de Lille en charge de la gestion des eaux, interrogé par la Voix du Nord le 8 janvier 2009, si le marché de l’eau métropolitain devait faire aujourd’hui l’objet d’un nouvel appel d’offre, « nous aurions le choix entre la SEN, et la SEN ».

Sauf que l’UFC-Que Choisir dénonce à son tour depuis 18 mois cette situation de concurrence tout à fait « faussée »...

Après avoir interpellé Mme Christine Lagarde à l’automne 2007, l’association de consommateurs attendait depuis lors avec impatience de voir se concrétiser l’engagement de la ministre, qui avait assuré en février 2008 l’UFC qu’elle enjoignait aux deux représentants éminents du cartel de « décroiser » sous 6 mois leur douzaine de joint-ventures, en France et dans les DOM-TOM.

L’UFC avait mobilisé depuis lors ses antennes régionales de Lille, Marseille, Nancy et Saint-Etienne, ce qui devrait nous promettre de nouvelles annonces, après le précédent lillois.

Et voici que le miracle annoncé semble sur le point d’advenir.

« Les responsables de Veolia et de Suez vont venir dans la région, courant janvier, pour rencontrer les personnels et les clients, confiait le 7 janvier à la Voix du Nord M. Philippe Dupraz, P-DG de la SEN.

Une visite qui a pour objectif « d’annoncer le calendrier de décroisement » des parts que se partagent les deux groupes au sein de la SEN.

La visite à Lille des dirigeants des deux groupes sera également l’occasion d’annoncer officiellement quel sera l’opérateur qui restera aux manettes de l’entreprise nordiste, poursuivait le quotidien.

Selon la formule consacrée, une « source » confiait que c’est le groupe Suez qui restera seul maître à bord.

M. Philippe Dupraz ne manquait pas dans la foulée de s’emporter contre un communiqué de presse de l’UFC-Que Choisir, qui appelle à « un démantèlement de la Société des Eaux du Nord ».

« Il s’agit là de termes qui sont anxiogènes pour les personnels », juge le P-DG, accusant l’association de défense des consommateurs d’avoir « coupé l’herbe sous le pied » aux annonces à venir.

« C’est un dossier complexe, sur lequel nous travaillons depuis des mois et sur lequel des avancées importantes ont été faites ces dernières semaines », ajoutait-il...

Reste que l’analyse de l’UFC semble largement partagée par les responsables du dossier à la Communauté urbaine. Mme Martine Aubry a ainsi déclaré « partager entièrement l’analyse de l’UFC » , et rappelé que dès sa prise de fonction à la tête du conseil communautaire, elle avait exigé « un décroisement des capitaux qui soit le plus rapide possible ».

La situation de « position dominante collective » entraîne en effet son lot de difficultés pour les élus : « On ne sait jamais qui est responsable de quoi. Surtout, nous avons besoin de concurrent. Nous voulions (à l’heure du prochain appel d’offre) être face à deux entreprises, et non une entente ».


« Il est clair que si le décroisement ne se faisait pas avant l’échéance du contrat, en 2015, nous nous trouverions dans une situation de concurrence faussée », poursuivait M. Alain Cacheux, réitérant son espoir de voir la situation se régler rapidement.

Et Mme Martine Aubry de se féliciter de la « réactivité » des directions des deux groupes qui ont amorcé le décroisement des capitaux. La présidente de la Communauté urbaine a même jugé que la passation « va se faire très vite ».

Bien, mais si les Eaux du Nord se décantent comme l’annonçait également l’édition locale de 20 Minutes, l’affaire ne doit pas tant à l’activisme de Mme Lagarde dont le directeur de cabinet est l’ancien directeur de Connex, la filiale transport de Veolia), où à la mansuétude de nos amis opérateurs, qu’à l’ire de Bruxelles, qui menaçait de ses foudres VeoliaSuez...

Et laisser s’encalminer ce dossier sulfureux aurait fini par faire désordre, à l’heure où la France « qui gagne » (dans la tourmente), s’apprête à se doter d’une nouvelle très haute Autorité de la concurrence, dont on ne doute évidemment pas qu’elle va incontinent faire rendre gorge aux « usual suspects » des « petits arrangements entre amis » qui perdurent depuis des décennies...

C’est en effet le 13 janvier 2009 que la nouvelle « Autorité de la concurrence » sera officiellement installée par Mme Christine Lagarde, ministre de l’Economie.

Instituée par la loi de modernisation de l’économie (LME) du 4 août dernier, l’Autorité de la concurrence va donc voir le jour. Elle prendra la relève du Conseil de la concurrence, mais avec des pouvoirs et moyens « renforcés. »

A ses compétences de contrôle des pratiques anticoncurrentielles s’ajouteront en effet dès le 13 janvier les activités d’enquête, et le contrôle des concentrations, jusqu’alors confiés au ministère de l’Economie.

Qui disposera désormais d’un pouvoir d’injonction et de transaction pour traiter les pratiques anticoncurrentielles de dimension locale.

L’identité du président de l’Autorité de la concurrence n’a pas encore été dévoilée. Mais, d’après « Les Echos », l’actuel président du Conseil de la concurrence, M. Bruno Lasserre, devrait prendre sa propre succession.

On rêverait de voir « l’Autorité » se pencher enfin sur les fastueuses « provisions pour renouvellement » engrangées depuis des lustres par nos amis du cartel, bénéfice évident de pratiques anticoncurrentielles avérées...

Chiche !

Bon, on sait qu’il n’en sera rien. On peut toujours rêver.

En tout cas l’affaire lilloise fait grand bruit, comme l’atteste l’article publié le 9 janvier 2008 par le portail La Voix Eco.com, titré « Confidences et concurrences sur le contrôle de la société des Eaux du Nord ».

Lire aussi :

Concurrence libre et non faussée : Veolia et Suez ne connaissent pas

Les eaux glacées du calcul égoïste, 27 juin 2008.

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