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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Sur la dégradation des milieux aquatiques, par Jacques Palmaire
par Marc Laimé, 21 mai 2023

La dégradation des ressources en eau et des milieux aquatiques est plurielle : quantitative, qualitative et rupture de la (des) continuité(s) écologique(s).

« Chacun de ces trois aspects est à examiner de près.

1. La dégradation quantitative est due aux prélèvements en excès, d’une manière structurelle (bilan hydrique annuel/inter-annuel déséquilibré) et aussi d’une manière conjoncturelle (sécheresse, canicule... surtout si celles-ci sont intenses, amples et longues en durée). L’effet des prélèvements est aggravé par les consommations nettes élevées (évaporation, évapo-transpiration des plantes) sans restitutions au milieu, ce qui surtout le cas en agriculture irriguée par aspersion (maïs) ou basse pression (arboriculture), l’indicateur pertinent étant le rapport consommation/prélèvement, mais les conditions des restitutions sont aussi à prendre en compte (par ex. eaux chaudes rejetées par les centrales nucléaires, aspect qualitatif).

Dans ce domaine quantitatif, la gestion de l’offre (barrages, forages/pompages, stockages, transferts d’eau inter-bassins...) domine les choix politiques (intensification, productivisme, extractivisme) jusqu’à présent même avec le recours coûteux et imparfait aux "eaux non conventionnelles" (réutilisation des eaux usées traitées, dessalement de l’eau de mer…) sensées créer de "nouvelles ressources" mais qui créent d’abord des rentes d’opérateurs très intéressés avec un mythe technologique à la clé.

La gestion de la demande ne lui (l’offre) a pas été substituée stratégiquement, malgré 30 ans de travaux en France, afin de réduire les pertes et gaspillages de façon à améliorer l’efficience des réseaux (moins de pertes) mais aussi la valeur (économique, en santé, en emploi... par unité d’eau consommée) qu’on pourrait en attendre au regard de ce que les milieux naturels peuvent supporter sans être compromis dans leur durabilité (exemple : la plante tropicale maïs en production de masse n’est pas adaptée à des milieux tempérés à pluviométrie moyenne (600-900 mm/an et avec des étés secs comme en Poitou-Charentes, elle devrait être priorisée en fourrage à une certaine échelle, non en grains, ni en CIVE).

2. La dégradation qualitative, en surface (eutrophisation avec l’excès de nutriments... surtout si la quantité -volumes, débits, niveaux- est déjà dégradée) comme en souterrain (nitrates, pesticides et leurs métabolites... on compte en moyenne 10 métabolites pour 1 molécule produite par la chimie) liées aux pollutions diffuses (épandages vastes, brumisation, percolation), surtout agricoles, mais aussi minières et industrielles, voire liées aux faibles performances des stations d’épuration (celle à côté de chez moi relâche 10 à 20 fois plus de phosphore que la norme maximale admissible depuis des années alors qu’elle a été... récompensée du 1er prix de l’environnement du Salon des Maires 2019, plus qu’aux pollutions accidentelles (renversement de camions-citerne, fuites de lixiviats de méthaniseurs ou de stockage de déchets...) auxquelles il faut ajouter les pollutions émergentes (nouvelles substances, PFAS, PCB, nanoparticules, médicaments, hormones...) soit des milliers de molécules ou substances, souvent impossibles à détecter/mesurer partout ou même localement.

3. Les dégradations quantitatives et qualitatives sont aggravées, accélérées ou rendues irréversibles, par les dégradations hydromorphologiques (formes des cours d’eau... pentes, talus, berges...) en raison des aménagements et obstacles créés (nombreux barrages depuis le 19ème siècle et surtout depuis la Loi de 1919), du curage de sédiments ou de graviers/galets, de la chenalisation, du drainage et de l’assèchement des zones humides, de la suppression des méandres... pratiquées en masse depuis les années 50. Soit des ruptures longitudinales et latérales de la continuité écologique qui empêchent les espèces végétales et animales de se maintenir (en écosystèmes stabilisés) ou de migrer (pour la reproduction).

Dans ce dernier domaine, il faut bien distinguer de quels obstacles on parle.

Les chaussées submersibles des moulins (à céréales) ou des martinets (de forges ou de foulons à draps) du Moyen-Âge ne sont en rien responsables des ruptures de continuité, puisque les poissons les franchissent lors des crues, ou sautent par dessus (je l’ai observé) ou passent par les biefs et fossés de décharge (ou des passes à roues à aubes), voire par les milieux humides (prairies inondables ou zones humides, mares) associés dans leurs fonds de vallées, voire de vallons en montagne. Il n’en est pas de même pour les gros ouvrages (barrages hydro-électriques ou ouvrages hydrauliques des papeteries/tanneries des 18-19ème siècles) trop hauts et non équipés de passes à poissons.

J’observe depuis 50 ans les moulins de ma famille sur la Sèvre niortaise : il n’y a pas de sédimentation. Et les poissons passent. La question des salmonidés a été créée de toutes pièces par les pêcheurs "sportifs".

Et c’est là que j’ai, moi aussi, un gros problème avec FNE qui met l’accent sur l’effacement prioritaire de ces nombreux (mais petits) ouvrages pour recréer de la continuité longitudinale pensant que c’est la cause centrale de la dégradation des milieux aquatiques (faute d’épuration naturelle par les milieux humides et les plantes/ripisylves). Cela est basé sur un mythe venu d’Amérique du nord, la "rivière sauvage" (wilderness, wild rivers) et paradoxalement suite à la juste bataille de SOS Loire Vivante (dont j’étais adhérent), alors que les cours d’eau européens sont aménagés par de nombreux petits ouvrages depuis le Moyen-Âge voire depuis les Romains (deux longues périodes historiques), et caractérisés par un équilibre para-climacique des espèces.

La restauration hydromorphologique (renaturation) des cours d’eau peut améliorer la qualité des eaux et la santé des milieux mais à condition d’agir -aussi- sur le quantitatif et sur le qualitatif des usages agricoles, industriels, urbains ou récréatifs de masse (tourisme).

Conclusion : La politique de l’eau française est en faillite sur les plans quantitatif et qualitatif. L’Etat n’atteindra jamais les objectifs de 2027 (2ème report prévu par la DCE 2000) après +30 ans d’efforts peu concluants (cf. supra) pour lesquels on a même cassé les thermomètres (labos d’analyses disparus, privatisation des mesures et contrôles, multiplication des protocoles, falsification des données publiques https://eau-evolution.fr/ ... et scandale des données ONEMA).

Devant une telle situation, dès avant 2015 première échéance d’obligation de résultats pour la DCE dont on se doutait de la non-atteinte du bon état des masses d’eau, l’Etat a mis l’accent sur cette restauration (dite de continuité écologique) en priorisant les destruction des petits ouvrages sans s’attaquer à EDF, à la CNR du Rhône et autres concessionnaires hydrauliques majeurs -certains n’impactent pas la continuité écologique-, mais en ciblant les plus fragiles et vulnérables, souvent isolés, à savoir les propriétaires de moulins familiaux et privés, ce qui est non seulement une erreur profonde (qui ne règlera rien) mais aussi une injustice.
1400 petits ouvrages sur 20 000 ont été détruits. A part le barrage de la Sélune qui sert d’emblème à cette affaire, tous les autres sont des petits ouvrages inoffensifs de propriétaires tout aussi inoffensifs. Ces destructions de petits ouvrages vont détruire/ont détruit des zones refuges pour les poissons, crustacés, amphibiens, batraciens... et vont accélérer/aggraver les étiages surtout avec la variabilité hydrologique accrue due au changement climatique, sans parler des spécificités méditerranéennes, littorales ou montagnardes. Et même du Marais Poitevin.

Les oppositions à une "continuité écologique radicale" (qui satisfait bien certains haut-fonctionnaires soit par idéologie, soit pour les dédouaner de leurs responsabilités au regard de l’échec de la politique publique de l’eau) sont telles que l’Etat a été obligé de promouvoir une "continuité écologique apaisée" et même de changer son vocabulaire en parlant de renaturation ou de restauration hydro-morphologique, pratiquée positivement dans certains cas et sans destruction d’ouvrage.

J’ai même assisté à une réunion de CLE cette semaine où ne parle plus des destructions de seuils (bien qu’ils soient au programme du "contrat de grand cycle de l’eau" signé récemment) mais seulement de "renaturation" dans... une métropole urbaine, avec force images de synthèse, c’est dire le glissement sémantique en grande partie sournois et trompeur vis à vis des participants, élus ou non, à cette réunion et donc des habitants du dit bassin-versant dont toutes les (27) masses d’eau sont "en rouge" sauf 3 ruisseaux d’amont (qui sont... intermittents, la belle affaire). Reflet d’un malaise certain alors que le couperet "obligation de résultats" de la DCE va tomber bientôt.

FNE national (et quelques FNE régionales mais aussi le WWF et d’autres ) ont abdiqué le combat sur le quantitatif et le qualitatif, cf. les mégabassines et le protocole de 2018, malgré quelques actions et procès intentés par les bases militantes locales des APNE, et choisi la coexistence pacifique avec l’Etat, dont FNE dépend des subventions, d’où cette priorisation -de nature politique- partagée de la continuité écologique. Tout cela dans une opacité bureaucratique certaine qui sert quelques carrières, ambitions et/ou portefeuilles sonnants et trébuchants.

Que l’on publie les mandats et les indemnités (CESE, CNE, CA-AE...) perçues individuellement par les représentants officiels de FNE national/régions ! Les salariés FNE sont quant à eux coincés pour des raisons alimentaires liées aux agréments et subventions publiques. Je suis d’une génération où on reversait au parti ce que l’on percevait d’un mandat, quitte au parti à rémunérer en transparence et équitablement ses représentants (NB : je n’ai jamais été au PC). Sain principe dans un monde schizophrène.

Tu comprends mieux pourquoi je ne vais plus à la pêche que je pratiquais pourtant depuis l’âge de 8 ans (en 1967). »

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