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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Rencontre avec Henri Proglio
par Marc Laimé, 14 septembre 2009

Il aura suffi d’une escapade familiale à la fête de l’Humanité pour qu’un bref échange fortuit avec le PD-G de Veolia environnement nous convainque de poursuivre derechef la relecture de la Comédie humaine, dans laquelle nous nous sommes replongés avec délices cet été…

Mon petit garçon vient d’entrer en CP et adore, au-delà du raisonnable, les voitures, les trains, les bus et tout ce qui fait vroum-vroum, lors même que je m’efforce sans succès de lui expliquer qu’après le « peak-oil », quand il sera grand, il faudra renoncer aux rêves de Ferrari.

Pour sa troisième Fête de l’Huma, samedi en début d’après-midi, plus de poussette puisqu’il va avoir six ans. Evidemment, le coquin se souvient que dès l’entrée, à droite, trône un manège de voitures, où il va pouvoir mimer sa victoire aux Vingt-quatre heures du Mans.

Sitôt fait il ne tarde pas à repérer du coin de l’œil, juste en face, l’espace « Energie », dans lequel l’an dernier nous animions un débat lors duquel nous nous étions quelque peu chamaillés avec M. Antoine Frérot, PD-G de Veolia Eau, qui nous avait passablement estomaqué en lançant tranquillement, en substance, que « les bénéfices des entreprises sont une excellente chose pour les usagers et les citoyens… ». Ce qui nous avait conduit à interpeller le public, en soulignant qu’un siècle après la mort de Karl Marx, c’est à la Fête de l’Huma que le camarade Frérot nous assénait que l’accumulation primitive du capital ferait le bonheur du genre humain…

Cette fois à l’entrée de ce stand trônent deux prototypes de Peugeot, vers lesquels m’entraîne évidemment notre pilote en herbe.

Plus loin, au fond, un stand Suez Environnement qui abrite lui aussi une voiture.

Bizarre. Allons voir.

C’est le prototype de voiture électrique que fomente de construire Suez. J’explique donc à notre futur champion que quand il sera grand, c’est cette voiture qu’il conduira.

« Je peux l’essayer ? »

Euh, non, il y a déjà quelqu’un au volant.

M. Henri Proglio, PD-G de Veolia, semble s’intéresser de près à la voiture électrique du futur que présente Suez.

Diable, depuis deux jours les gazettes bruissent de rumeurs.

M. Proglio serait pressenti pour prendre la direction d’EDF.

Un événement considérable.

Ah, et finalement non ?

L’occasion est trop belle. Aussi nous présentons-nous à notre capitaine d’industrie, que nous pourfendons depuis des lustres, mais qui a la magnanimité de nous répondre très civilement que nous avons tout à fait le droit à la critique.

Encouragés par cet accueil, nous l’interrogeons évidemment sur la rumeur qui enflamme le Tout-Paris de l’industrie, de la finance et du reste.

A notre grande stupeur M. Proglio se penche d’abord vers notre champion, qu’il embrasse farouchement à trois reprises, avant que de nous répondre, tout aussi civilement « qu’il est un peu tôt » pour évoquer la question d’EDF, avant le conseil d’administration qui se tiendra le 23 septembre prochain. Ce dont nous lui donnons acte très volontiers, lui assurant derechef de notre vif intérêt pour toute information relative à l’éventualité de le voir accéder à ces nouvelles fonctions.

Dans le même temps une inquiétude nous taraude. Espérons que notre capitaine d’industrie ne couve pas une vilaine grippe, le CP vient juste de commencer la semaine dernière !

A la réflexion c’est peut-être un stress intense qui serait à la source de cet étonnant élan affectueux, dont nous prenons acte, témoignant que M. Proglio aime les enfants.

Car nous n’imaginons pas une seconde qu’il nous ait confondu avec un représentant de la CGT, organisation syndicale qui a déjà chaudement approuvé l’hypothèse d’un rapprochement entre Veolia et EDF…

Et nous n’étions pas au bout de nos peines.

Le jeune animateur du stand de Suez, souriant hyper-diplômé qui n’a rien perdu de la scène, à peine M. Proglio s’est-il éloigné, interpelle notre bambin et lui offre un charmant petit sac en tissu, siglé Suez, contenant un cube en Kapla, dont il s’avérera dans les minutes qui suivent qu’il va être fort utile pour « ajouter des virages au circuit de voitures dans ma chambre »…

C’est dire dans quel état de sidération nous rejoignâmes ensuite le débat qu’organisait sur son stand en fin d’après-midi, et que nous avions annoncé ici même il y a peu, le Conseil général du Val-de-Marne.

Question majeure, qu’évoquent dans une tribune titrée « Pour une tarification sociale de l’eau », publiée par le Quotidien Le Monde du 14 septembre 2009, Maurice Ouzoulias, président du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne, conseiller général du Val-de-Marne ;
Eliane Assassi, sénatrice de Seine-Saint-Denis ;
Nicole Borvo, sénatrice de Paris, présidente du groupe communiste, républicain, citoyen et parti de gauche ;
André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme et président de l’Association des élus communistes et républicains ;
Roland Muzeau, député des Hauts-de-Seine et 
Gilles Poux, vice-président du Syndicat des eaux d’Ile-de-France, maire de La Courneuve.

Quoique nous étant assurés qu’aucun paparazzi n’avait shooté cette nouvelle scène de la vie parisienne (il nous est brièvement venu à l’esprit que M. Proglio s’asseyait dans la voiture de Suez rien que pour embêter M. Mestrallet...), nous ne pouvions faire l’économie d’avouer notre embarras aux lecteurs d’Eaux glacées, surtout quand nous devrons très probablement expliquer sous peu à des cohortes d’altermondialistes déchaînés des cinq continents, nos amis, qu’il peut nous arriver, en France, de croiser à la Fête de l’Humanité le « chairman » de Veolia, assis au volant de la future voiture électrique de son concurrent Suez, un homme qui aime les enfants et reconnaît le droit à la critique.

Les guerres de l’eau qui nous occupent fortement nous conduisent donc à replonger illico dans les "Illusions perdues" de l’immense Balzac.

Et nous vous laissons supputer à loisir qui sont les modernes Rubempré, Rastignac, Nucingen ou Vautrin de cette ténébreuse affaire…

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