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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Quelle « modernisation » du droit de l’environnement ?
par Marc Laimé, 8 septembre 2014

A rebours du « bougisme » énervé qui vaut marque de fabrique d’un gouvernement en difficulté, l’annonce par la ministre de l’Ecologie lors de sa « conférence de presse de rentrée » du 4 septembre 2014 d’une relance des travaux de « modernisation du droit de l’environnement », renvoie à moyen et à long terme ladite modernisation. Mais cet affichage entre en contradiction frontale avec une myriade d’autres mesures de « simplification » du droit de l’environnement, prises depuis un an à jet continu par voie d’ordonnances, pour « faciliter la croissance et la vie des entreprises ». Résultat prévisible, une insécurité juridique croissante et une régression sans précédent du droit de l’environnement, patiemment édifié depuis plus d’un demi-siècle.

Cette nouvelle annonce fait suite à une déjà longue séries de séquences de « stop and go ». Sur fond de travaux initiés avant la présidentielle de 2012 (le rapport Sainteny, de nombreux travaux parlementaires sur la fiscalité écologique…), la création de la Conférence environnementale, promesse de François Hollande à FNE, désormais remisée au placard, va peu ou prou catalyser des attentes que la mise en œuvre de la MAP, à dater du 18 décembre 2012 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, va sembler accélérer.

Dans le courant du premier semestre 2013 une dizaine de groupes de travail commencent à balayer très largement le champ du droit de l’environnement : le Comité permanent pour la fiscalité écologique, le groupe de réflexion sur la réparation du préjudice écologique, les états généraux du droit de l’environnement, la démarche d’évaluation de la police de l’environnement, la réforme du Code minier…

Coup de froid avec l’arrivée de Philippe Martin, qui succède à Delphine Batho. S’il installe le Comité national pour la transition écologique (CNTE) sur les fonts baptismaux au tout début du mois de septembre 2013, censé incarner un nouveau « dialogue environnemental », les critiques unanimes qui stigmatisent l’inanité de la grand messe avortée de la seconde conférence environnementale coïncident avec un gel du processus engagé sur le chantier du droit de l’environnement.

In extremis, après une bronca autour du CNTE en octobre 2013, Philippe Martin confiera au député PS Alain Richard (jusqu’à là connu comme spécialiste de la Défense…), la présidence d’une commission spécialisée du CNTE, dont on n’a guère entendu reparler depuis lors…

Avant même la prise de fonctions de Ségolène Royal, la dizaine de groupes de travail qui ont vu le jour au premier semestre 2013, et ont pourtant travaillé des mois durant entrent en sommeil, et le déplorent comme le fera savoir par exemple M. De Perthuis, animateur du groupe de travail sur la fiscalité écologique.

En réalité c’est le virage brutal vers la « politique de l’offre » et le soutien tous azimuts à la « croissance » et aux entreprises, amorcé dès septembre 2013, avant même le discours du président de la République du 14 janvier 2014, qui provoque la glaciation…

Or, dans le même temps, et dans le plus grand désordre, se succèdent à une cadence accélérée des annonces disparates, dont le seul point commun est qu’elles concourent très clairement à « lever les entraves » qui pourraient pénaliser la course forcenée à une « croissance » (introuvable à tout jamais puisque les Trente Glorieuses ne ressusciteront pas, ni demain, ni après demain…)

Ainsi de la « simplification des normes », du certificat de projet, de l’ autorisation unique pour les installations classées (ICPE) et pour les installations soumises à la loi sur l’eau (Iota), des règles du "silence vaut accord". Et l’on en oublie mais ces « simplifications » voient le jour, par voie d’ordonnances, à jet continu, depuis janvier 2014…

On comprend dès lors mieux pourquoi Mme Ségolène Royal a martelé lors de cette conférence de presse de rentrée, s’agissant de la modernisation du droit de l’environnement : "C’est une démarche très importante pour moi", précisant qu’une partie des 800 contentieux que la direction des affaires juridiques du ministère avait à traiter aurait sans doute pu être évitée si le droit avait été plus clair…

Sauf qu’aller ainsi « chercher la croissance verte avec les dents » nous précipite tout droit vers un paysage aussi cahotique que dangereux.

La myriade de mesures prises par voie d’ordonnance au nom de la « croissance » et de la « simplification de la vie des entreprises » sont bien évidemment complètement antagoniques avec une politique ordonnée de défense de l’environnement, telle que structurée par le droit du même nom, qui a vu le jour depuis un demi-siècle.

En annonçant qu’elle venait de signer les lettres de mission de sept groupes de travail chargés de réfléchir à plus long terme sur la modernisation du droit de l’environnement, Mme Royal a évidemment pris soin de souligner que les nouveaux « chantiers » sont fondés sur cinq grands principes : « non-régression du droit de l’environnement, proportionnalité, efficacité, sécurité juridique et effectivité.
"

Ce n’est pas vrai. Toutes les mesures déjà prises parallèlement par voie d’ordonnance pour faciliter la croissance et la vie des entreprises actent en réalité de graves régressions et ou entorses au droit de l’environnement, comme l’ont déjà dénoncé de nombreux juristes.

Nous entrons de surcroît, ce faisant dans une ère de profonde insécurité juridique, qui va voir se multiplier entorses au droit de l’environnement et contentieux de tous ordres.

Et c’est à cette aune qu’il faut considérer les « travaux à long terme » visant à une modernisation du droit de l’environnement, annoncés par Ségolène Royal le 2 septembre 2014 :

 la mise en œuvre d’une planification environnementale unique à l’échelle régionale, permettant de savoir précisément les règles applicables à un territoire donné, confiée au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) ;

 l’évolution des régimes d’autorisation vers un permis environnemental unique à horizon 2016, confiée au préfet Jean-Pierre Duport, alors qu’une expérimentation dans certaines Dreal sur "l’autorisation unique" est déjà en cours ;

 la modernisation du régime d’évaluation environnementale et des études d’impact, confiée à Jacques Vernier, ancien maire UMP de Douai, président du Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) ;

 la plus grande effectivité du dialogue environnemental par une amélioration de la concertation et des dispositifs d’enquête publique, confiée à Gérard Monédiaire, professeur des universités à la faculté de droit de Limoges ;

 le renforcement de la sécurité juridique des décisions associé à une clarification du régime des recours, confiée à Delphine Hédary, conseillère d’Etat, l’une des trois pilotes des Etats généraux de la modernisation du droit de l’environnement tenus en juin 2013 ;

 l’amélioration de l’effectivité du droit par une réflexion sur les contrôles et les régimes de sanction, en lien avec la ministre de la Justice, confiée à Jean-Philippe Rivaud, substitut général à la cour d’appel d’Amiens, et vice-président du Réseau des procureurs européens pour l’environnement ;

 l’amélioration des projets autour d’une meilleure mise en œuvre de la séquence "éviter-réduire-compenser", confiée à Romain Dubois, secrétaire général de Réseau Ferré de France (RFF). Ce principe, introduit par l’article 2 de la loi de 1976 sur la protection de la nature, consiste, pour tous les projets d’aménagement et les travaux, à supprimer "les conséquences dommageables pour l’environnement", puis les réduire, et en dernier recours, "si possible", les compenser, par exemple en restaurant un habitat équivalent à proximité.

En l’état rien ne permet d’augurer que les réflexions de ces « nouveaux » groupes de travail déboucheront sur quelque réforme (positive ou négative) que ce soit, dans l’actuel contexte politique de crise généralisée.

En revanche, parallèlement, nous l’avons vu, des pans entiers du droit de l’environnement sont mis à bas par voie d’ordonnances.

Voici venu le temps de l’écologie des catacombes.

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