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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Qualité de l’eau (10) : les résidus de médicaments, risque émergent pour la santé
par Marc Laimé, 13 mars 2009

La présence de médicaments à l’état de traces dans l’eau a été mise en évidence par de nombreuses études. Si leur impact écologique est avéré, les conséquences sanitaires pour l’homme suscitent de nombreux débats puisqu’il apparaît malaisé de les distinguer de ceux liés à l’exposition à de nombreux autres polluants. Reste que les mesures réglementaires aujourd’hui en vigueur apparaissent très insuffisantes en la matière.

Un rapport de l’Académie de pharmacie publié en septembre 2008, puis le colloque organisé par le ministère chargé de la santé en octobre de la même année, ont actualisé le débat récurrent sur l’impact sanitaire des résidus médicamenteux présents dans l’eau.

« Une prise de conscience politique des effets de la pollution chimique est à l’œuvre », commentait Mme Hélène Budzinski, directrice du laboratoire de physico-et toxico-chimie de l’environnement au CNRS.

L’identification des premiers résidus de médicaments dans les effluents de stations d’épuration remonte pourtant aux années 70. Mais il a fallu attendre les années 2000 et les progrès des méthodes d’analyse pour identifier de plus faibles quantités et des molécules plus variées.

Le constat est inquiétant : des traces de médicaments ou de leurs dérivés ont été mesurés dans tous les milieux et sur tous les continents.

Leur présence est avérée dans les eaux de surface, les eaux souterraines et résiduaires, les boues des stations d’épuration utilisées en épandage agricole et même dans l’eau potable.

Des concentrations certes faibles, de quelques nanogrammes par litre (ng/l) à quelques centaines de microgrammes par litre (µg/l).

Ces polluants proviennent principalement des rejets naturels (excréments et urines) humains et animaux suite à la consommation de médicaments, ou de ceux non utilisés et non recyclés, qui se retrouvent dans les effluents des stations d’épuration. Car celles-ci n’ont pas été conçues pour traiter les médicaments et les éliminent à des taux variant entre 30 et plus de 90% selon les substances.

Or, la consommation de médicaments n’a cessé de croître depuis plusieurs décennies dans les pays industrialisés. En France, 4e consommateur mondial, 3300 molécules sont ainsi commercialisées…

Les rejets par les établissements de soin sont particulièrement préoccupants car ils contiennent des anti-cancéreux et des produits radioactifs, des molécules toxiques, peu dégradées et persistantes dans l’environnement. Avec le développement des soins de chimiothérapie à domicile, l’enjeu des anti-cancéreux est énorme, souligne Mme Hélène Budzinski.

Autre source d’inquiétude majeure, la contamination de l’eau potable.

Une étude conduite dans le cadre du plan national Santé-environnement (PNSE I) a en effet démontré la présence d’une vingtaine de substances médicamenteuses dans les eaux potables sur 141 sites en France, confirmant les résultats d’études internationales.

« Les doses retrouvées (de l’ordre du ng/l) étant largement inférieures à celles utilisées dans le cadre thérapeutique (de l’ordre du mg/l), le risque de toxicité aiguë s’avère nul. En revanche, des incertitudes demeurent quant à l’impact à long terme d’une exposition chronique à de faibles doses », souligne M. Benoît Roig de l’Ecole des mines d’Alès, coordinateur du projet européen Knappe.

En effet, même à faibles doses, des substances perturbatrices du système endocrinien - incluant les contraceptifs oraux- peuvent altérer la reproduction et le développement de certains poissons et invertébrés, mais n’auraient pas d’impact direct chez l’homme.

« Cependant, un effet significatif dû à l’exposition combinée avec d’autres perturbateurs endocriniens (bisphénol A, phtalates, PCB, pesticides) agissant en synergie, n’est pas à exclure », souligne M. Eric Vindignan, directeur du Cemagref de Montpellier et ancien responsable du programme national Pnetox.

« Il ne faut pas isoler la problématique des médicaments de celle des autres polluants », renchérit Mme Hélène Fenet du CNRS de Montpellier.

Par ailleurs, l’impact des antibiotiques sur la prolifération de bactéries résistantes est également suspecté.

En effet depuis peu autre inquiétude se fait jour. On s’interroge de plus en plus sur la possibilité que l’eau du robinet et les eaux en bouteille contribuent à la propagation des résistances aux antibiotiques chez les microbes. Risque croissant qui n’est pas pris en compte aujourd’hui dans les procédures de contrôle de la qualité de l’eau.

Dans le tube digestif des humains, comme des animaux, malades, les antibiotiques exercent une pression de sélection sur les populations bactériennes, en éliminant les moins résistantes. Certains microbes deviennent alors insensibles à de nombreux antibiotiques utilisés en médecine humaine et vétérinaire, dans les hôpitaux ou les élevages.

Ces bactéries sont évacuées en même temps que les selles dans les égouts, les rivières et les nappes souterraines. Même les nappes de l’Albien, les précieuses nappes fossiles situées sous Paris, et qui constituent une forme de « réserve » ultime, sont contaminées.

On a constaté que ces bactéries deviennent dès lors capables de communiquer les outils génétiques de leur résistance à d’autres types de germes. Elles échangent ainsi du matériel génétique avec d’autres germes de l’environnement (transposon, intégron, plasmide...)

Or les eaux qui contiennent ces germes "mutants" sont ensuite captées ou pompées dans les usines de traitement de l’eau ou dans des usines d’embouteillage. Dans les usines de potabilisation, certaines bactéries franchissent dès lors la barrière de la désinfection au chlore. Elles se répandent ensuite, se multiplient, et parviennent jusqu’à nos robinets.

Parvenues dans nos intestins, ces bactéries "résistantes" peuvent alors communiquer leurs gènes de résistance à d’autres membres de la flore intestinale, notamment celles du genre "Bactéroïdes", qui constituent une sorte de plaque tournante de la redistribution des gènes.

Si la personne est sous traitement antibiotique, à la maison ou à l’hôpital, elle va peut-être contribuer à nouveau à cette sélection, et donc le cycle se perpétue et prend de l’ampleur...

Que faire ? Il faudrait empêcher les bactéries qui ont subi une "pression sélective" par un antibiotique d’être rejetées dans les eaux usées. Concrètement, il faudrait idéalement diffuser avec chaque boite d’antibiotique une dose d’antiseptique à disposer dans la cuvette des WC... Il faudrait aussi traiter les rejets des hôpitaux et des élevages à risque, où sont appliqués des traitements massifs d’antibiotiques. Même si les traitements "préventifs" d’antibiotiques sont désormais en principe prohibés...

Face à ces incertitudes, l’Académie de pharmacie prône dans son rapport publié en septembre 2008 la surveillance des populations les plus sensibles, comme les enfants ou les femmes enceintes, et incite à développer les travaux de recherche. L’optimisation des techniques de traitement des eaux est également préconisée, mais le coût associé constitue un frein. La réglementation serait également insuffisante.

La Directive-cadre sur l’eau d’octobre 2000 exige bien une évaluation des impacts écotoxicologiques pour toute nouvelle molécule thérapeutique, mais celle-ci ne constituerait pas un argument suffisant pour interdire la mise sur le marché. En outre, aucun médicament ne figure dans la liste des polluants prioritaires à analyser dans l’eau potable.

« Tant que les preuves de toxicité ne seront pas avancées, la réglementation ne pourra pas être modifiée », conclut M. Benoît Roig.

La version provisoire du Plan national santé environnement 2 PNSE II, dont le texte officiel devrait être rendu public en mars 2009, intègre bien la définition d’un plan de gestion des résidus de médicaments dans l’eau, mais cette préconisation apparaît insuffisante.

Ces récents travaux soulignent aussi l’urgence de s’interroger sur le devenir des dérivés de médicaments (métabolites) au cours des traitements et dans les eaux, jusqu’à présent rarement étudié.

D’analyser l’impact environnemental de nombreuses molécules telles que les tranquillisants, le Viagra ou les nanotechnologie.

Comme d’évaluer leur présence dans les sols et les aliments, les apports liés aux éventuels transferts alimentaires à l’homme étant encore inconnus.

 Le rapport de l’Académie nationale de pharmacie « Médicaments et environnement » (septembre 2008).

Lire aussi "Résidus médicamenteux et risques sanitaires d’origine hydrique", Michel Joyeux, Environnement, Risques et Santé, volume 5, numéro 4, juillet-août 2006.

L’article de Michel Joyeux

Qualité de l’eau : le dossier d’Eaux glacées

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