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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Pyrénées orientales : une crise qui vient de loin
par Marc Laimé, 25 avril 2023

Alors que l’inquiétude ne cesse de croître à l’approche de l’été, les fondements de la catastrophe se trouvent dans l’histoire longue d’un département qui a accumulé les mauvais usages de l’eau.

Dans un courrier adressé le 24 avril à Emmanuel Macron, Hermeline Malherbe, présidente du Conseil départemental, réclame « la mise en place d’un fonds de solidarité » pour venir en aide aux secteurs agricole et touristique.

Pointant le risque de « catastrophe humaine » à l’approche de l’été. L’élue, présidente socialiste depuis 2010 de ce département frontalier de l’Espagne, y évoque « une catastrophe écologique, demain économique ».

Les Pyrénées-Orientales n’ont connu « aucune pluie majeure […] depuis plus d’un an », explique-t-elle, et ont dû faire face au premier grand incendie de l’année en France à la mi-avril, lorsque le feu a parcouru environ 1 000 hectares.

Des restrictions sont déjà en vigueur dans ce département connu pour ses importantes filières de production de fruits (pêches, nectarines, abricots) et de légumes (artichauts, tomates, aubergines, courgettes).

Quatre villages, totalisant plus de 3 000 personnes, sont même privés d’eau potable et les habitants approvisionnés en bouteilles. Le forage qui les alimente d’habitude étant au plus bas, un branchement a été fait sur un autre forage agricole, mais l’eau n’en est pas buvable, selon les premières analyses effectuées.

Eaux glacées a sollicité l’analyse de deux experts du sujet.

L’un, membre d’Eau Secours 34, souligne l’importance d’appréhender la crise actuelle dans le temps long.

« Perpignan avec Nîmes étaient les villes les plus à la traîne en matière de rendement réseaux (pertes avoisinant les 50%) il y a 10 ans. Où en est-on maintenant ? Qu’a fait la SAUR délégataire ? Et les élus (FN entre autres) ?

Le barrage de Vinça sur la Têt n’a pas vocation à être totalement rempli car c’est aussi un ouvrage d’écrêtement des crues exceptionnelles de ce fleuve côtier montagnard, sujet à des épisodes orageux violents entraînant des crues 10 ou 100 qui autrefois dévastaient toute la plaine et la ville de Perpignan.

Or les constructions se sont étendues dans cet aval de la Têt (les vieilles maisons des maraîchers sont sur pilotis, maintenant tout est de plain-pied). En faire un barrage réservoir même à 70-80% ne pourra assurer l’écrêtement de crues. Faut-il prendre ce risque ? Si oui pour qui ? Et qui paiera ? (CAT NAT ou pas)

Les canaux d’irrigation gravitaire en terre/empierrements rechargeaient les nappes superficielles maintenant ils sont bétonnés/imperméabilisés : les systèmes de cultures ont fortement changé avec la dominance arbres fruitiers qui fait l’objet de systèmes basse pression (goutte à goutte) ou moyenne pression (micro-asperseurs) remplaçant rigoles et submersion des précédents systèmes de culture (céréales, fourrages, maraîchage...). Tout est sous tuyaux.

La demande spécifique (à l’hectare) a baissé, mais la demande globale a augmenté avec de nouveaux usages touristiques/récréatifs/urbains.

De plus, les surfaces irriguées se sont agrandies en raison des gains d’efficience à l’arbre des modes d’irrigation sus-dits et aussi pour faire face à la concurrence espagnole et marocaine pour maintenir un certain niveau de productivité/rentabilité. C’est une des principales contradictions.

La seule Têt ne peut recharger les nappes (même en épandage de crue contrôlé), mais seulement sa nappe d’accompagnement, quand elle ne draine pas cette dernière et la sous-jacente (qui se décharge par
résurgences) en raison de la baisse de son débit/niveau. Voir question nappe du Pliocène. »

Pour Joseph Genébrier, membre d’une fédération d’associations écologiques, la FRENE, fortement engagées en faveur d’un autre modèle agricole et d’un autre aménagement du territoire, davantage respectueux de l’environnement, c’est l’ensemble des institutions concernées qui doivent impérativement revoir leur copie :

« Le problème de l’eau dans notre département ne se résume pas à l’agriculture.

Notre fédération lutte contre l’artificialisation des sols depuis maintenant 25 ans quand cela n’était pas encore une loi, en dénonçant la rupture des équilibres.

La prochaine réunion du 15 juin de la CLE de la plaine du Roussillon doit d’ailleurs voter la mise en place d’un "outil pédagogique" dans le cadre de la révision en cours du SCOT pour la mise en compatibilité et non en conformité avec le document du SAGE.

C’est dire le retard que nous avons par rapport aux politiques à mettre en place pour inventer un modèle résilient...rapidement. Et le développement anarchique de l’urbanisme et du tourisme depuis de nombreuses années, et encore maintenant, n’est pas sans conséquences sur le problème de la ressource.

Pour l’agriculture, la chambre n’est pas une courroie de transmission efficiente pour éviter la catastrophe. Exemple de madame Bonnet, présidente du CA, interrogée sur le média actu.fr concernant la disparition de la filière de l’abricot en Roussillon dans le rapport AXA Climate, "C’est difficile de changer quand nos exploitations sont pérennes".

Par ailleurs, Christophe Cassou est intervenu récemment à Perpignan avec monsieur Laquement. Géographe et enseignant-chercheur à l’université de Perpignan, ce dernier a produit une étude très bien documentée pour savoir quel modèle agricole résilient il faudrit promouvoir face au changement climatique dans notre département.

Malheureusement, ses travaux, bien que disponibles, n’ont pas été mis en avant par la chambre d’agriculture, dans le déni de la situation, qui souhaite toujours favoriser une agriculture productiviste comme l’irrigation en viticulture par exemple. Une réflexion plus générale sur les assolements dans notre département et même dans le pays doit être menée. Rien n’est fait en ce sens.

Enfin, alors que le préfet essaye de trouver des solutions pour lutter contre les incendies dans un scénario à la Californienne, puis d’essayer de sauver les fonds, mais pas les récoltes, de tenter d’éviter à 20 communes la rupture en eau potable, on constate sur Nefiac, proche de Millas, de nouvelles plantations arboricoles qui bénéficieront d’une dérogation durant 5 ans même au niveau alerte renforcée.

Est-ce vraiment pertinent quand on sait que le préfet essaye de sauver l’existant en agriculture forcément au détriment des milieux ?

Alors que le débit réservé n’est plus le problème principal, pour avoir de l’eau à se partager encore faut-il en avoir, mon inquiétude porte sur les forages illégaux dans le pliocène. L’objectif du PGRE et du SAGE en 2014 c’était de progresser dans la connaissance des prélèvements. Ce n’est toujours pas le cas en 2023. On parle de 2000 forages illégaux, qui vont d’ailleurs augmenter à défaut d’eau dans les canaux.

Je suis très pessimiste, car les élus RN sont en embuscade dans ce département. Et concernant la ressource, leur bible, c’est celle de la FDSEA. À la fin, ils finiront par truster les postes, président de CLE, président de Syndicat de Rivière et des nappes... et là, le scénario du pire. »

Le témoignage de FNE-LR

"Début avril, le préfet a pris un premier arrêté dérogeant au DMB décidé par le TA sur notre demande. On est alors passé d’un DMB de 1500 l/s à l’aval de Vinça (point T6) à un DMB de 1000 l/s. L’objectif est notamment de stocker de l’eau issue de la fonte de la neige dans Vinça pour permettre aux Canadairs d’écoper lors des feux.

La CA 66 mécontente a annoncé un recours contentieux le vendredi 14 avril contre cet arrêté dérogatoire.

Le lundi 17 avril j’apprenais qu’un référé liberté porté par la CA 66 devait être audiencé à 10h30. Simon P. décidait en urgence que FNE LR devait intervenir à cette audience en référé pour éviter toute diminution du DMB en dessous de 1000l/s.

A 10h30 j’apprenais de la bouche du greffier au TA que la CA 66 avait finalement retiré son référé liberté. Le jour même la CA communiquait en indiquant avoir trouvé un accord avec le préfet.

Le 18 avril le préfet prenait un nouvel arrêté abaissant à 1000l/s le DMB au droit des canaux avals situés a proximité de Perpignan (point T7).

Pour l’instant les DMB dérogatoires décidés par le préfet ne sont pas en dessous des seuils de survie de la faune piscicole évalués dans l’EVP de 2011. Mais nous ne sommes qu’au mois d’avril."

La mise en garde du Préfet

Lors d’une réunion le mardi 25 avril, le représentant de l’Etat a souligné que les quantités disponibles étaient « très faibles » et qu’il faudrait sans doute prendre des « décisions difficiles ».

Alors que plusieurs villages sont à sec depuis mi-avril et que tous les voyants sont au rouge concernant le manque d’eau dans les sols et les nappes, les Pyrénées-Orientales ne sont toujours pas au stade maximal de restrictions sécheresse. Le niveau de crise sera-t-il enfin déclenché jeudi 27 avril ? Une réunion du comité sécheresse devra en décider, a annoncé le préfet Rodrigue Furcy le mardi 25 avril. « Il y a aura des décisions difficiles à prendre », a-t-il prévenu : il faudra « prolonger ou modifier » l’arrêté de restriction d’eau en vigueur jusqu’au 30 avril car « le mois d’avril est le plus sec depuis 1959 » et « la situation est extrêmement tendue ». Le département demeure pour l’heure en en alerte renforcée.

Cette situation n’est qu’un début. « Il y a une vingtaine de communes sur lesquelles il y a des tensions sur la ressource d’ici à la fin de l’été », a précisé le préfet, ajoutant que les services de l’Etat et l’Agence régionale de santé travaillent avec ces municipalités « pour mettre en place des solutions de secours ».

La préfecture a organisé ce mardi 25 avril une réunion où étaient notamment présentes les présidentes du conseil départemental et de la chambre d’agriculture, ainsi que des maires. « Le monde agricole se trouve en première ligne, les pertes annoncées sont énormes », a signalé devant la presse le représentant de l’association des maires du département, Jean-Paul Billès, édile de Pézilla-la-Rivière. Le département est connu pour ses importantes productions de fruits et légumes.

« Les restrictions que l’on subit depuis l’été dernier font qu’on est en mode survie de nos cultures. On est en restriction d’eau de 70 %. Je ne pense pas que l’on puisse aller plus loin. Nous faisons tout ce qu’il est possible pour sauver les récoltes cette année », a renchéri la présidente de la chambre d’agriculture, Fabienne Bonet.

Carole Delga, présidente socialiste de la région Occitanie, a soutenu cette demande ce mardi, annonçant « un dispositif exceptionnel d’un million d’euros pour accompagner le monde agricole ainsi que les collectivités ». « Cette enveloppe pourra être mobilisée pour l’achat de camions-citernes pour l’approvisionnement en eau potable, ou de citernes, tonnes à eau ou moyen d’abreuvement des troupeaux afin de permettre la montée des animaux à l’estive », a-t-elle précisé, en visite dans les communes touchées par l’incendie de la mi-avril.

Le département compte aussi quatorze communes connaissant des fuites d’eau massives (plus de 50 % du liquide s’échappe des canalisations), dont la métropole de Perpignan. Elles font partie d’une liste de 140 communes qui vont bénéficier d’aides de l’Etat, annoncées dans le "Plan eau", pour rénover leur réseau d’eau potable.

Lire aussi :

 Plus une goutte d’eau au robinet, le scénario qui inquiète les Pyrénées orientales

https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/04/22/secheresse-une-rupture-d-acces-a-l-eau-le-scenario-qui-inquiete-les-pyrenees-orientales_6170629_3244.html

Stéphane Foucart, Le Monde, 22 avril 2023.

 Y-aura-t-il de l’eau cet été ? Depuis Rivesaltes dans les Pyrénées orientales

France Inter, le 13-14, 27 avril 2023.

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-13-14/le-13-14-du-jeudi-27-avril-2023-8278468

 Les Pyrénées orientales asséchées par de mauvais choix politiques

Lorène Lavocat, Reporterre, 28 avril 2023.

https://reporterre.net/Les-Pyrenees-Orientales-assechees-par-de-mauvais-choix-politiques

Reportage Stéphane Foucart - Le Monde, 22 04-23 -.

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