Vous voyez ce message parce que votre navigateur ne peut afficher correctement la mise en page de ce site. Effectuez une mise à jour vers un butineur qui supporte les standards du web. C'est gratuit et sans douleur.

NE PAS CLIQUER
LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Professions agricoles et cancer : la polémique
par Marc Laimé, 17 septembre 2011

La mutualité sociale agricole (MSA) avait lancé en 2005 une gigantesque enquête épidémiologique, l’étude « Agrican » (Agriculture et cancer), pour laquelle plus de 560 000 agriculteurs répartis dans une douzaine de départements avaient été sollicités. Les premiers résultats, partiels, de cette enquête, discrètement révélés en juin 2011, suscitent déjà la polémique. L’étude de la MSA révélerait en effet qu’un agriculteur court moins de risques de mourir d’un cancer que le reste de la population… Une affirmation à l’exact opposé du diagnostic alarmant rendu public en mars dernier à l’occasion de la diffusion des livre et documentaire choc de la réalisatrice Marie-Monique Robin, « Notre poison quotidien », qui affirmait que les agriculteurs, premières victimes des pesticides, étaient notamment affectés par des cancers découlant de l’usage de ces produits toxiques.

Dans le contexte électoral actuel, qui voit le président de la République multiplier les engagements et flatteries en direction du monde agricole, la polémique ne va pas manquer de se développer, comme en témoignent les premières réactions de l’association « Générations futures », qui remet en cause la validité scientifique des premiers résultats rendus publics de l’enquête Agrican.

Les douze départements (*) dans lesquels l’enquête a été effectuée avaient été sélectionnés en fonction de la présence d’un registre des cancers, mais aussi de la représentativité de leurs activités agricoles.

180 000 personnes ont répondu au questionnaire qui leur avait été adressé, des femmes plus particulièrement. Le taux de participation a dépassé les 30% et la cohorte se compose de 46% de femmes et de 54% d’hommes.

Selon l’étude, les agriculteurs meurent moins de cancer que le reste de la population. Fumant moins, ayant une alimentation plus saine et plus équilibrée et étant moins sédentaire que les autres groupes socio-professionnels, les paysans sont en général en meilleure santé.

« Nous avons identifié que les membres de la cohorte ont une plus grande espérance de vie que la population en général », commente le rapport. Les hommes et les femmes de la cohorte ont respectivement 27 et 19% moins de risque de mourir d’un cancer comparativement à un homme et une femme de la population générale du même département et du même âge.

Ces résultats étonnent François Veillerette, de l’association Générations futures : « La communication officielle se contente d’une présentation qui se veut rassurante mais qui est tellement édulcorée qu’elle confine à de la propagande pure et simple, et occulte le fait que les agriculteurs sont plus fréquemment touchés par certains cancers que la population générale : cancers de la prostate, des lèvres, lymphomes, entre autres… ».

Le porte-parole de Générations futures met en cause l’absence d’information sur l’incidence des cancers, c’est-à-dire le nombre de cas de cancer, de personnes malades, dans la population agricole française, les seuls chiffres cités étant relatifs à la mortalité, et non à la morbidité.

Il s’étonne aussi de l’absence de données sur le lien entre exposition aux pesticides et cancer. « Ce qu’on apprend aussi c’est que dans cette cohorte - très sujette à caution puisqu’elle ne couvre pas les travailleurs saisonniers, ni certaines cultures, ni les départements dans lesquels le taux de mortalité par cancer est le plus fort – seuls 48% des hommes ont eu une exposition directe aux pesticides ! »

Un chiffre qui semble très en deçà de la réalité lorsque l’on considère que seule 3% de la surface agricole utile de la France est déclarée en agriculture biologique. Ce qui signifie que les données sur la mortalité par cancer présentées pourraient être largement sous-estimées, puisque moins d’un agriculteur sur deux est concerné par l’exposition aux pesticides, dont on sait, par ailleurs, qu’ils sont un facteur de risque du cancer.

Les résultats de l’étude Agrican devaient être présentés le vendredi 16 septembre au Symposium de l’Institut national de médecine agricole qui se tient à Tours sur le thème « Cancer et travail en agriculture ».

L’occasion pour Pierre Lebailly, chercheur en charge de l’étude Agrican, d’intervenir sur « l’étude de l’Incidence des cancers et de la mortalité en milieu agricole en France ».

Alors que des données étayées sur l’incidence des cancers par facteur de risque, en fonction de la zone géographique et du type de culture dans le milieu agricole, étaient attendues, le chercheur a plutôt fourni un aperçu des études épidémiologiques faites aux Etats-Unis, des éléments sur le tabagisme, des informations sur la prévalence de la bronchite chronique et enfin quelques données sur la mortalité par cancer… sans rien apporter de bien nouveau.

« Agrican fait de la com’ et non de la science ! », s’exclame François Veillerette. Que les agriculteurs soient en meilleure santé que le reste de la population française n’est pas une nouveauté et nous nous en félicitons. Mais Agrican n’arrive pas à accoucher de chiffres clairs sur l’incidence du cancer chez les agriculteurs. »

Pierre Lebailly a expliqué en conclusion que, dans les années à venir, les chercheurs allaient travailler sur le cancer du poumon et la maladie de Parkinson, ce qui éloigne encore un peu plus de la thématique « pesticides ».

Et surtout qu’il faudra encore attendre 2012-2014 pour voir réaliser l’enquête de suivi, attendue avec impatience par les associations de défense de l’environnement.

(*) Calvados, Côte d’Or, Doubs, Gironde, Isère, Loire-Atlantique, Manche, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Somme, Tarn et Vendée.

impression

pas de commentaire. ajoutez le votre!