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NE PAS CLIQUER
LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Marseille/Fragments (10)
par Marc Laimé, 27 mars 2012

Avec l’instrumentalisation du « Droit à l’eau », que nous avons déjà chroniquée, la grande affaire de ce forum (raté), les deux allant de pair comme on va le voir, fut la tentative (avortée) de faire adopter le « 1% Oudin-Santini », autre exception française, par l’Europe, voire la planète entière… Tentative qui dessine impitoyablement les fondements de l’idéologie française en matière d’aide publique au développement dans le domaine de l’eau : la charité avec l’argent des autres, pour vendre la "marque" France…

Lutter contre le 1% c’est à peu près comme de s’élever contre la muzak dans les ascenseurs et les supermarchés. « Le 1% c’est bien puisque c’est pour faire le bien… ». Proclamée par les sieurs Oudin, Santini, Cambon, et leurs innombrables commensaux de toutes obédiences politiques ça devrait déjà inquiéter.

De quoi s’agit-il ? Une loi adoptée en 1992 permettait déjà à toutes les collectivités locales françaises de conduire des actions de coopération décentralisée dans tous les domaines. Dans ce cadre les financements sont prélevés sur les budgets généraux des collectivités, alimentés par la fiscalité locale ou les dotations de l’Etat.

Avantage, en principe, ces opérations seront débattues démocratiquement par les élus qui siègent dans les exécutifs de ces collectivités locales.

Dans le domaine de l’eau on allait faire tout autrement.

A dater des années 90, puisqu’il y a de l’argent dans les Agences de l’eau, on va ponctionner leur trésorerie (alimentée par les factures des usagers), pour financer des actions de coopération décentralisée dans le domaine de l’eau, et bien évidemment sans jamais demander leur avis aux usagers…
Jusqu’au jour où une Chambre des Comptes régionale souligne, à juste titre, l’illégalité du procédé…

Qu’à cela ne tienne, les sieurs Oudin et Santini déposent une proposition de loi pour surmonter l’obstacle, loi qui sera adoptée à l’unanimité par l’Assemblée et le Sénat en 2005.

Pour commencer à mesurer les problèmes que soulève la loi Oudin-Santini, voir le billet de l’excellent Gérard Borvon sur le site S-Eau-S : La loi Oudin-Santini par ses concepteurs.

Cette loi a été conçue pour permettre à toutes les collectivités locales qui le souhaiteraient de prélever 1% du montant du budget de leur service d’eau et/ou d’assainissement, pour l’affecter, le plus souvent en soutenant des ONG, au financement d’actions de coopération décentralisée dans le domaine de l’eau.

Si toutes les collectivités locales françaises le faisaient, le 1% prélevé sur l’ensemble des services représenterait 120 millions d’euros chaque année, avec lesquelles on peut creuser des myriades de puits et secourir autant de malheureux.

Défense et illustration du "1%" - PSEau, mars 2012

Bon, sauf que les collectivités locales ne se bousculent pas au portillon. En fait le 1% Oudin-Santini ne réussit à mobiliser que 20 à 30 millions d’euros par an, dont près d’une quinzaine qui sont toujours ponctionnés (merci la loi !) sur la trésorerie des Agences de l’eau, alimentées par ces cochons d’usagers qui sont donc à nouveau refaits.

Bon, pourquoi aller contre ?

Et d’une parce que les processus mis en œuvre une fois ponctionné le cash sont totalement opaques.

Et de deux, tiens tiens, parce que Veolia, Suez et Saur échappent bien évidemment à la ponction, s’ils consentent quand ça bénéficie à leur image, à allouer quelques picaillons à une « action solidaire » mise en œuvre par une collectivité, ce qui bien évidemment facilitera la signature d’un nouveau contrat…

Et de trois parce que ce faisant des élus qui ont signé des contrats de DSP à tout va aux même se rachètent ainsi (avec l’argent des usagers), une image de philanthrope totalement usurpée !

Et de quatre parce que l’on attend toujours la démonstration que la multiplication infinie de ces micro-initiatives conduites par des collectivités et des ONG françaises, à quoi il faut ajouter les actions conduites par les autres européens, les Japonais, les Chinois, Singapour, le Canada, la fondation Bill Gates, etc, on n’en finirait pas, est de nature à favoriser l’émergence de politiques nationales pérennes dans les pays-cibles. En fait nous pensons que c’est exactement le contraire, ce qui, certes, mérite d’être débattu.

Bref, la « France de l’eau » ayant inventé ce mirobolant 1% s’est évidemment avisée de le refourguer à la terre entière comme réponse magique à « la crise de l’eau ». Là aussi il y a unanimité, ça ne se discute pas. Tout le monde communie ardemment autour du 1%...

Facile à comprendre. L’argent est là, il suffit de le prendre sans rien demander à qui que ce soit avant de faire ce qu’on veut et d’en retirer le plus grand profit puisqu’on « fait le bien »…

Un hold-up dans la poche des usagers au nom de la solidarité.
Un hold-up charitable, qui ramène la solidarité Nord-Sud à l’aune des dames patronnesses du temps jadis, (le temps béni des colonies)…

Nous sachant des plus minoritaire sur ce point, brisons là.

Mais le Forum de Marseille allait donc mettre en scène, outrageusement, la promotion du 1% que notre Ecole française allait donc tenter de fourguer à la terre entière…

Comme en attestent deux articles dithyrambiques publiés par la Gazette des communes les 14 et 15 mars 2012, qui traduisaient à la perfection la stratégie sous-tendant la promotion du 1%...

 La coopération décentralisée est LA réponse à la crise de l’eau

 Seules les autorités locales ont vraiment compétence pour agir

 Avec le 1%, vive les « financements innovants »…

 1. « FME : la coopération décentralisée facilitée après la déclaration ministérielle du 13 mars. Laure Madoui, 14 mars 2012. »

«  La reconnaissance officielle du rôle des autorités locales et régionales dans la gestion de l’eau et de l’assainissement, figurant dans la déclaration ministérielle adoptée le 13 mars 2012 au Forum mondial de l’eau, est unanimement saluée par les représentants d’associations d’élus présents à Marseille.

(…)

Au nom de l’Association des maires de France, Henri Bégorre salue une « énorme avancée », porteuse d’un « changement considérable pour les partenaires des collectivités françaises dans les pays en développement » : l’échelon local (qui peut être, comme en Egypte, l’antenne décentralisée d’un organisme d’Etat) devrait à l’avenir disposer des moyens pour entretenir les infrastructures et le matériel installés grâce à la solidarité internationale, espère le maire de Maxéville (Meurthe et Moselle).

(…)

Michel Destot, président de l’Association des maires des grandes villes de France, suggère « d’élargir le périmètre » de la loi afin que puissent être « abondées les politiques de solidarité dans d’autres secteurs ».
Il cite ainsi sa ville de Grenoble (Isère), où un modique prélèvement sur les recettes issues du stationnement contribue au développement des transports à Ouagadougou (Burkina-Faso). »

 2. « Forum mondial de l’eau : les villes du Sud misent sur l’aide de leurs homologues du Nord », Laure Madoui, La Gazette des communes, 15 mars 2012. »

« La consécration du rôle des autorités locales est d’abord perçue comme un accès facilité aux financements. Et ensuite, comme un impératif de renforcement des compétences des collectivités et de l’efficacité et de la transparence de leur gestion.

(…)

« Les financements classiques, bilatéraux (d’Etat à Etat, NDLR) et multilatéraux (via les agences internationales de développement) ont montré leurs limites, surtout en ces temps de crise, observe Mahamadou Ouhoumoudou, ministre des Finances du Niger. Il est donc nécessaire de trouver des financements alternatifs, notamment par le biais de la coopération décentralisée ».

(…)

Indispensables à l’émergence concrète d’acteurs de terrain, les évolutions institutionnelles et organisationnelles dans les pays en développement « sont déjà en cours », assure Serge Lepeltier, président du « processus des autorités locales » du forum.

Dans la monarchie marocaine, la reconnaissance des collectivités locales vient conforter « les doléances des collectivités qui se sentent dépossédées de missions qui leur reviennent, estime Abdeddaim Lahmouri, conseiller technique auprès du ministre de l’Eau et de l’Environnement.

Le processus de « régionalisation », engagé en 2010, montre que les problèmes sont nettement mieux résolus à l’échelle locale que centrale. » Ce constat conforte l’affirmation que martèle Serge Lepeltier, convaincu qu’« il ne peut y avoir au niveau central de bonne gestion de l’eau, ressource locale ».

Le maire de Bourges défend parallèlement une « bonne coopération multi-niveau » (Etat, organismes de bassin, autorités locales).

Mais contrairement aux espoirs des organisateurs français du Forum, le dispositif de coopération entre collectivités en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement (le « 1% »), n’y a pas été formellement repris par d’autres Etats…

M. Marc Abadie, directeur général de l’agence de l’eau Adour Garonne présentait dès lors la première proposition concrète, celle des agences de l’eau françaises. Elles pourront octroyer, d’ici à 2015, 1% de leurs ressources financières pour des actions de coopération internationales, soit 20 millions d’euros par an…

Confidence désabusée d’un observateur avisé : « Tout ce cirque ne vise qu’à réserver 100% de l’aide publique au développement de Bercy et de l’AFD... pour l’export PPP des Veolia, Suez, Artelia, SAUR...

L’accès à l’eau des pauvres, en Afrique et ailleurs, relèvera de la facture d’eau, grâce au 1% Oudin-Santini qui financera la coop décentralisée. C’est tout. On appelle çà les "solutions" du Forum… »

A Genève, une équipe de journalistes et d’experts, spécialisés dans les principaux secteurs africains de l’économie, a lancé en juin 2011 une agence d’information économique.

Pince sans rire les experts d’Ecofin, daubant sur les « Solutions du Forum de l’eau »…

« (…) A côté des 140 délégations ministérielles, les organisations de la société civile ont essayé de faire entendre leur voix. Pour Nicolas Imbert, directeur de Green Cross International « nous avons à ce jour 4 priorités concrètes : hiérarchiser les besoins et économiser la ressource, favoriser la convergence des politiques de l’eau, proposer concrètement sur les territoires des solutions qui améliorent conjointement l’accès à l’alimentation, à l’énergie, à la santé, et la préservation de l’environnement, adopter des moyens qui soient véritablement à la hauteur du défi d’accès pérenne à l’eau pour tous, notamment en mettant en place des initiatives déconcentrées de développement local, et de non pollution de l’eau. ».

Faut-il encore rappeler l’urgence de ces solutions ? On attend donc les engagements. »

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