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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
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Les zones humides au milieu du gué
par Marc Laimé, 3 août 2009

Le Grenelle de l’environnement, avec ses « trames verte et bleue », a remis sous les feux de l’actualité les zones humides, espaces de transition entre les milieux terrestre et aquatique, qui jouent un rôle primordial en matière de conservatipn de la biodiversité et d’auto-épuration du milieu aquatique. Des zones représentant de 2 à 3 millions d’hectares en France, malheureusement mises à mal depuis quinze ans, sous l’effet conjoint de l’agriculture productiviste et de politiques d’aménagement du territoire qui n’ont en rien entravé la véritable explosion du péri-urbain. La France a ainsi perdu l’équivalent de la surface d’un département ces dix dernières années. Compte tenu de l’importance cruciale de l’enjeu, la consultation des documents officiels consacrés à la question permet de mesurer les paradoxes d’une politique qui affirme bien haut son intérêt pour les zones humides, tout en ménageant les logiques économiques qui les menacent directement.

Le lundi 2 février 2009, en promenade dans le Calvados à l’occasion de la journée mondiale des zones humides, Mme Chantal Jouanno, nouvelle secrétaire d’Etat à l’écologie, annonçait la création d’un groupe d’étude sur ces zones d’un intérêt majeur.

Constitué sur le modèle de « gouvernance à 5 du Grenelle de l’environnement » (représentants de l’Etat, partenaires sociaux, organisations syndicales et patronales, associations de la société civile et collectivités territoriales), le groupe serait chargé de présenter un bilan des dispositions de gestion durable et des propositions de mesures incitant à la préservation et à la restauration des zones humides.

Ces zones, définies comme des zones de transition entre le milieu terrestre et le milieu aquatique, et caractérisées par la présence d’eau, en surface ou dans le sol, selon l’Observatoire national des zones humides, sont des milieux de vie très riches en termes de diversité biologique, et indispensables à la survie de nombreuses espèces animales et végétales. S’il n’en existe pas d’inventaire exhaustif, la France possède de nombreuses zones de ce type, comme la Camargue ou encore la baie du mont Saint Michel pour les plus connues.

Mme Jouanno installait officiellement le lundi 6 avril 2009, ledit groupe national. Il devait décliner « de manière opérationnelle » les engagements des lois Grenelle I et II, et proposer une stratégie nationale sur trois ans pour la préservation et la gestion adaptée des zones humides.

L’article 20 du projet de loi dit « Grenelle I » prévoit en effet l’achat de 20 000 hectares de zones humides par les collectivités publiques d’ici à 10 ans, notamment les agences de l’eau et le Conservatoire du littoral, pour lutter contre l’artificialisation des sols, et valoriser ces fameuses zones.

Le groupe devait commencer par réexaminer les critères de délimitation des zones humides définis par l’arrêté du 24 juin 2008 relatif à leur gestion. Et proposer de nouvelles inscriptions sur la liste dite de Ramsar des zones humides d’importance internationale, du nom de la Convention internationale éponyme.

Zones humides et tourisme

Le service de l’observation et des statistiques (SOeS, ex-Ifen) du Commissariat général au développement durable publiait en mars 2009 un nouveau rapport sur les zones humides en France.

Cette « fiche indicateur » faisait le point sur les capacités d’accueil et la densité touristique des communes situées en zones humides. En 2008, cette densité est beaucoup plus élevée sur les façades maritimes que la moyenne nationale, avec la densité la plus forte sur le littoral méditerranéen (8 fois supérieure à la moyenne métropolitaine).

Le nombre d’emplacements de camping, notamment, a augmenté de 25% entre 1999 et 2008 pour l’ensemble des zones humides d’importance majeure.

L’objectif de l’étude était de pallier le manque de données nationales sur la fréquentation réelle des zones humides, pour apporter des indications sur la pression touristique.

Celle-ci peut en effet être responsable de dysfonctionnements hydrologiques et d’une dégradation du milieu, à cause des activités en elles-mêmes (piétinement, pollution, etc.) ou des aménagements liés (remblaiement de terrain, urbanisation, etc.).

L’étude a porté sur 3482 communes soit 58 388 kilomètres carrés, dont la superficie de zone humide représente au moins 5% de la superficie totale.

Rapport sénatorial

Le 16 juin 2009 M. Joël Bourdin, sénateur (UMP), de l’Eure remettait au Sénat le rapport qu’il venait d ‘élaborer sur les sones humides, au nom de la délégation pour la planification de la Haute assemblée.

Avant d’esquisser un bilan des politiques mises en oeuvre depuis 1995, le rapport revenait sur le rôle de ces espaces.

Outil de régulation du débit d’un cours d’eau, une zone humide épure aussi naturellement les eaux usées, permet de stocker de l’eau potable, et représente généralement un réservoir de biodiversité.
Sa protection est à la fois encadrée par le code de l’Environnement (article L.211-1), par des "régimes juridiques non spécifiques" - réserves et parcs naturels, zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (Znieff) - et des instruments juridiques transnationaux, tels que Natura 2000 ou la convention Ramsar.

Par ailleurs, sa gestion peut être soutenue par un dispositif d’exonération à l’oeuvre depuis la loi sur le développement des territoires ruraux de 2005. Celle-ci permet une exonération de 50% de la part communale et intercommunale de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties (TFNB), dans le cas où un engagement de gestion respectueuse est pris par les maires sur des parcelles en zone humide (prés, landes).

Mais ce premier dispositif duplique les dispositions d’un second, qui vise à exonérer de la même taxe les terrains classés Natura 2000. D’où une complexité cadastrale et un certain flou de gestion. Certains chiffres existent néanmoins et, selon le rapport, ces deux mesures croisées coûtent ainsi de 23 à 53 millions d’euros. Pour sa part, l’Etat a versé à ce titre près de 840 000 euros aux collectivités en 2008.

Le total des surfaces concernées est de 2 à 3 millions d’hectares.
Mais le rapport souligne le déficit d’évaluation des pratiques existantes et le manque de cohérence des politiques entamées au regard de l’objectif fixé de préservation, de restauration de ces espaces.

Inadéquats, les outils juridiques et financiers proposés par l’Etat n’assureraient pas leur pérennité, ni d’ailleurs celle propre à l’activité de leurs gestionnaires, d’origine très diverse.

Cela peut être une commune, avec l’appui d’un conseil général, ou plus souvent une association syndicale autorisée (ASA). De plus le rôle des agriculteurs intervenant dans la qualité environnementale de ces espaces est devenu prééminent, même si l’empilement d’outils allant dans ce sens (opérations agro-environnementales, contrats territoriaux d’exploitation, contrats d’agriculture durable) n’a guère favorisé leur lisibilité.

Dès lors, pour M. Joël Bourdin, il y a "nécessité de reconsidérer les actions visant ces espaces" et de corriger cette "faible lisibilité des moyens publics" qui leur sont affectés.


Pour "relancer la politique publique sur les zones humides", le sénateur préconise qu’une priorité soit "donnée à une réécriture réaliste des règles de délimitation des zones humides et à l’accélération de la mise en application de la loi sur l’eau de 2006".

Pour ce faire, "peut-être faudrait-il mettre à la disposition des collectivités des moyens supplémentaires pour hâter la réalisation des SAGE, qui permettent d’établir des règles concertées d’utilisation de l’eau d’un réseau hydrographique et conditionnent donc l’évolution des zones humides qui en dépendent", poursuit-il.

Quant au dispositif d’aide dédiée, "il n’existe pas pour l’heure, mais on pourrait utilement s’inspirer du système d’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) mise en place dans le Marais poitevin", estime-t-il.

Selon lui, "les acquisitions foncières doivent rester limitées" et "ciblées principalement en périphérie des métropoles urbaines où la pression foncière est particulièrement forte".

En outre, "la préférence pour un outil géré par les collectivités locales devrait prévaloir". Bon nombre d’entre elles disposant déjà d’un établissement public foncier (EPF) local pour mener à bien leur politique d’aménagement, les compétences de ces EPF pourraient être élargies "en temps que de besoin", suggère le sénateur Bourdin.

Le rapport propose enfin de créer une « indemnité spéciale Zone humide » pour instaurer un régime pérenne de soutien aux gestionnaires de ces zones. Enfin, il estime qu’il faudrait mieux prendre en compte les actions de préservation émanant des structures privées, afin d’optimiser l’efficacité de la dépense publique sur ce thème.

« Y-a-t-il une politique des zones humides ? »

 Le rapport d’information n° 554 (2008-2009) de M. Joël Bourdin, sénateur (UMP) de l’Eure, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 16 juin 2009.

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