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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Les nouveaux partenariats-public-privé qui vont empoisonner Veolia et Suez
par Marc Laimé, 21 juin 2008

C’est l’histoire de l’arroseur arrosé. M. Eric Besson, quand il était encore socialiste, à présidé de longues années la Fondation Veolia, ce qui aurait du alerter ses camarades du PS sur ses possibles inclinations futures. Aujourd’hui secrétaire d’Etat chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique auprès de M. François Fillon, il vient de rendre le 27 mai 2008 au premier Ministre un rapport intitulé : « Mieux acheter pour un meilleur service du public. Des marchés publics complexes aux partenariats public-privé ». On sait que l’actuel gouvernement, outre son acharnement à liquider les services publics, entend leur substituer aussi massivement que possible les partenariats-public-privé (PPP). L’amusant c’est que ce faisant il prend le risque de fragiliser considérablement les délégations de service public (DSP) traditionnelles, qui ont fait la fortune, notamment, de Veolia et de Suez. A l’heure où la reconduction de centaines de contrats de DSP dans le domaine de l’eau suscitent de violentes polémiques, comme dans le cas du Syndicat des eaux d’Ile-de-France, en banlieue parisienne, une lecture attentive du rapport de M. Besson ouvre d’intéressantes perspectives aux défenseurs de la gestion publique de l’eau. Explication de texte.

Depuis l’automne 2007 les tenants de la privatisation forcenée de tout ce qui ne l’est pas encore font assaut d’inventivité afin, douce litote, « d’optimiser la commande publique ». Pour ce faire les plus « talibans » d’entre eux préconisent carrément de supprimer le Code des marchés publics pour se limiter aux obligations communautaires en la matière.

Halte là !, répond M. Besson, cette solution n’est pas « viable », tout au moins à court terme.

Dans le rapport qu’il a remis au Premier ministre le 27 mai dernier, il préfère mettre en cohérence les outils de la commande publique - sachant qu’il ne traite que les achats « complexes » et « de long terme ».

Pour cela, il propose d’harmoniser les différents instruments par un alignement sur le contrat de partenariat, créé par ordonnance en 2004, et qui vient d’être considérablement « assoupli » afin d’en permettre un usage étendu.

Le secrétaire d’Etat veut donc « dynamiser » et « décrisper le recours aux PPP ». Dans cet esprit, certaines clauses obligatoires qui ne s’appliquent qu’au contrat de partenariat - notamment celles qui concernent le recours à l’arbitrage, les conditions de transfert des contrats, le partage des gains d’efficience et la durée - seraient donc étendues aux marchés complexes, aux contrats de délégation de service public et à tous les contrats assimilés aux contrats de partenariat. "Le contrat de partenariat, qui est l’instrument le plus récent, apparaît également comme le plus abouti et complet de la commande publique", poursuit M. Besson.

Il propose dès lors, afin d’assurer l’extension sans frein des nouveaux PPP, d’étendre le recours obligatoire à l’évaluation préalable à l’ensemble de la commande publique complexe. Cette évaluation serait toutefois simplifiée pour les petits projets.


C’est ici que Veolia et Suez vont l’avoir mauvaise. En effet jusqu’à présent, quand une collectivité décide de confier par exemple un contrat de délégation d’eau ou d’assainissement à Veolia, Suez, ou Saur, aucune disposition légale ne la contraint à procéder à une analyse comparative préalable des bienfaits de la délégation de service public et de la gestion directe en régie. Ce qui, on s’en doute, n’a pas peu contribué à la fortune (mal acquise) de nos amis...

Ca pourrait donc changer. Et ce n’est pas tout. Le rapport préconise de soutenir les collectivités dans la préparation de leurs contrats par l’élaboration de modèles optionnels de contrats. Il propose aussi de développer une véritable assistance technique.

Trois pistes sont avancées : un renforcement de la mission d’appui aux PPP (Mappp) créée à Bercy, la constitution de pôles locaux de conseil dans le cadre du contrôle de légalité, et enfin la création d’un fonds d’aide aux conseils aux collectivités locales financé par une fraction très faible du montant des projets.

Ergo, si ces dispositions étaient déjà en vigueur, l’actuel bras de fer déclenché par le choix du futur mode de gestion du plus puissant syndicat des eaux français et européen, le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif) revêtirait une toute autre allure. Les tenants d’une gestion publique de l’eau en banlieue parisienne pourraient en effet obtenir quelques assurances quant aux conditions dans lesquelles s’effectuera le choix du futur mode de gestion du syndicat, qui doit intervenir avant la fin de l’année 2008.

Et ce n’est pas tout. Pour améliorer l’exécution des contrats et notamment éviter que ne se reproduise la polémique née en novembre dernier suite à une enquête de l’UFC-Que choisir sur le prix de l’eau dans certaines villes françaises, le rapport évoque le développement d’une information indépendante par la mise en place d’un observatoire spécifique au niveau central, ou la mise à disposition des collectivités locales de moyens mutualisés.


Mais quelle mouche a donc piqué notre excellent M. Besson, qui conclut que la suppression du Code des marchés publics et son remplacement par les directives européennes « ne donnerait ses effets qu’à terme », et en tout état de cause seulement lorsque les outils d’assistance aux collectivités locales, qu’il préconise, auront été mis en place ?

Pour mieux comprendre il faut consulter la page 55 de notre rapport :

(...)

« À titre d’exemple, et pendant la seule durée de cette mission, une de ces polémiques est intervenue mettant en cause la gestion déléguée dans le secteur de l’eau.

« Pour la deuxième année consécutive, l’association de défense des consommateurs UFC-Que choisir a publié en novembre 2007, une enquête très sévère sur le prix
de l’eau dans certaines villes françaises

« La Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) et la FNCCR (Fédération Nationale des collectivités concédantes et des régies) ont fortement critiqué la méthodologie employée.

« La FNCCR tire cependant de ce débat quelques conclusions judicieuses :

a) sur la nécessité de fournir davantage d’explications quand ce prix paraît élevé (...) ;

b) sur les problèmes posés par la gestion des eaux pluviales.

« De son côté, le Conseil de la concurrence intervient de plus en plus souvent dans ce secteur mais aussi plus généralement dans les montages contractuels conduisant à la création ou à la gestion privée d’infrastructures publiques. Le Conseil préconise notamment des ouvertures à la concurrence plus fortes, un dégroupage des différentes activités déléguées dans un seul contrat et le décroisement des sociétés communes aux grands groupes privés. »

On entrevoit ici que nos amis risquent d’être fortement invités à « décroiser » leur douzaine de filiales communes, ce qu’ils se sont à ce jour gardés de faire, en dépit de l’injonction en ce sens émise par le Conseil de la concurrence en 2000... Mme Lagarde les a d’ailleurs morigénés à ce titre au début de l’année. Mais le pire, enfin le meilleur, est à venir, au détour de 5 lignes sibyllines :

(...)

« Les services de la Commission européenne en charge du suivi des déficits budgétaires et de la dette publique pourraient dans les années à venir contrôler le mouvement de prise en charge, sous une forme juridique ou une autre, par le secteur privé ou l’économie mixte, d’activités ou de travaux autrefois réalisées par le secteur public en régie ou par la maîtrise d’ouvrage publique. »

On l’ignore trop souvent, mais le prix de l’eau est pris en compte par les autorités communautaires pour calculer le déficit public français, et rappeler la France à l’ordre quand ce déficit excède les sacro-saints 3%...

Ergo, comme le note avec un rien d’inquiétude notre excellent M. Besson, dans la mesure où le gouvernement de M. Fillon veut « transformer la France » en y multipliant les PPP à tous les coins de rue, la Commission européenne va très logiquement dans les années à venir contrôler les activités « autrefois réalisées par le secteur public en régie ou par la maîtrise d’ouvrage publique ».

(C’est bien la peine de dépenser des fortunes pour sponsoriser Aquafed et Eureau, et la horde de missi dominici qui s’agitent à Bruxelles !)

On attend donc avec impatience de voir les services de la Commission s’attaquer, avec la rigueur que nul ne leur dénie, aux mille et une étrangetés des contrats de délégation de service public de Veolia, Suez et Saur, qui nous semblent hélas, comme l’ont établi tous les grands corps de l’Etat qui ont étudié la question depuis une vingtaine d’années, contrevenir gravement au sacro-saint catéchisme de la « concurrence libre et non faussée » de fâcheuse mémoire.

Et contribuer ce faisant bien sur, à aggraver le déficit des finances publiques, ce qui relève du crime absolu en bonne orthodoxie libérale...

Si, instruits par l’expérience déjà acquise, par exemple, avec les nitrates en Bretagne ou le non respect de nos obligations en matière d’épuration des eaux usées, la Commission, réfutant toute forme « d’exception française », se penche donc de près sur les milliers de contrats de délégation de service public dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, sans même évoquer le reste, et s’avise d’en juger la pertinence au regard de la sacro-sainte concurrence qui préside à nos destinées depuis le Traité de Rome, l’avenir de la gestion publique pourrait bien dans quelques années revêtir de plus riantes couleurs qu’aujourd’hui...

Du coup on comprend bien mieux à cette aune pourquoi l’excellent Antoine Frérot, dont nous évoquions il y a peu les affres qui l’agitent quand il réfléchit à l’avenir du financement du service de l’eau, opte gaillardement pour un « dépassement » de la traditionnelle délégation de service public...

Merci M. Besson.

Il convient toutefois de ne pas nous réjouir trop vite car des esprits chagrins auraient beau jeu de nous rappeler que nous avons ici même attiré l’attention sur l’hypothèse de voir une directive "concession" contraindre à l’avenir les SEM, voire les régies, à la concurrence :

Régies et SEM : vers la mise en concurrence obligatoire ?

Par les temps qui courent, quand Monsieur Besson, l’IGD et autres sont à manoeuvre, mieux vaut il est vrai ouvrir l’oeil, et le bon...

Lire le rapport de M. Eric Besson en date du 27 mai 2008 (et notamment la page 55).

Le dossier des PPP :

Adieu services publics : L’institut de la gestion déléguée redessine la France d’après

Les eaux glacées du calcul égoïste, 30 mai 2007

Les PPP sont nuisibles et minent la démocratie

Carnets d’eau, 8 septembre 2007

La France soumise au PPP

Carnets d’eau, 25 octobre 2007

Mobilisation internationale contre les PPP

Carnets d’eau, 16 novembre 2007

Les PPP, nouvelle offensive de privatisation de l’action publique

Drôle d’En-Droit, Gilles J. Guglielmi, 11 janvier 2008.

PPP : la révolte de l’Ordre régional des architectes de Bretagne

Les eaux glacées du calcul égoïste, 31 mai 2008

Les nouveaux partenariats-public-privé qui vont empoisonner Veolia et Suez

Les eaux glacées du calcul égoïste, 21 juin 2008

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