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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Les données environnementales françaises sont-elles fiables ?
par Marc Laimé, 17 janvier 2008

Le Syndicat national de l’environnement (SNE-FSU), vient de publier dans son bulletin de janvier 2008, Synergie environnement, une analyse des perspectives d’évolution de l’Institut français de l’environnement (IFEN), à l’heure de la réorganisation du nouveau, et colossal, MEDAD. Alors que l’Ifen a pour mission d’élaborer l’information environnementale française, en sa qualité de service statistique du ministère chargé de l’environnement, l’analyse du syndicat, confortée par d’autres sources consultées par Eaux glacées, laissent planer un doute inquiétant sur la fiabilité des données environnementales françaises.

Après avoir retracé la genèse de l’Ifen, le SNE-FSU analyse longuement dans le bulletin Synergie environnement n° 53 de janvier 2008 le positionnement promis à l’Institut dans l’administration centrale du nouveau Medad.

Finalité de l’Ifen : élaborer l’information environnementale

« Le domaine de l’Ifen est de fournir aux pouvoirs publics les instruments d’aide à la décision pour asseoir les décisions politiques sur des bases scientifiques indiscutables. Concrètement, l’Ifen est chargé de recueillir, d’élaborer et de diffuser les données et l’information sur tous les aspects de l’environnement (air, eau, sol, biodiversité, risques, pratiques socio-économiques, représentations sociales, métiers et comptes de l’environnement, etc.) Il participe à la mise en place ou met en place des réseaux d’observation. Il anime plusieurs observatoires : littoral, sols, zones humides, emploi-environnement, pratiques et représentations sociales.

Il a pour mission de réaliser des synthèses, de répondre aux demandes de l’administration, des instances européennes et d’informer le public. L’une de ses productions phare est le Rapport sur l’Etat de l’Environnement en France, édité tous les quatre ans. En outre, l’Ifen anime le réseau de correspondants « système d’information en environnement » des Diren.

Son personnel (60 ETP) est constitué d’agents administratifs, de statisticiens, et de spécialistes des milieux, des activités sectorielles, de l’économie et des systèmes d’information. L’Ifen est aussi le point focal de l’Agence européenne de l’environnement et le service statistique du ministère chargé de l’environnement.

Historique et évolution : de l’innovation au repli

L’Ifen, basé à Orléans, a été créé en 1991, avec le statut d’établissement public. Sa création a fait suite à la décision de la Communauté européenne, sous présidence française, de créer une Agence européenne de l’environnement (AEE) basée à Copenhague. Sa création a été basée sur une étude approfondie des besoins de la société civile, de l’administration et des politiques et fait partie des mesures décidées par le Plan national pour l’Environnement de 1989.

Sa gouvernance, basée sur un conseil d’administration et un comité des usagers, ouverts aux autres administrations et à la société civile, lui garantissait l’indépendance des données et des informations qu’il délivrait. Son conseil scientifique assurait la crédibilité de ses travaux et créait un lien fort avec le monde scientifique. Son statut d’établissement public lui permettait d’engager des agents contractuels (contrats de 3 ans renouvelables) pour répondre à des demandes d’expertise pointues.

En 2004, l’Ifen a été transformé, sans aucune justification plausible (à part le statut de son personnel), en service à compétence nationale du ministère. La direction de l’Ifen a perdu toute maîtrise de la ressource humaine. Son Conseil d’administration et son comité des usagers ont été supprimés. Son conseil scientifique s’est clairsemé. Le comité d’orientation (Codor), sensé permettre aux autres administrations de collaborer à l’élaboration de son programme de travail ne s’est jamais réuni. On assiste à un repli systématique des missions.

Situation actuelle et état : fermeture et perte de diversité

Le changement de statut de l’Ifen a ralenti (son) activité, en l’enlisant dans des procédures administratives lourdes. Le style de management désuet et la restructuration de l’établissement s’avèrent inefficaces et ont démotivé le personnel Le découragement de l’esprit d’initiative et la rétention d’information sont systématiques. Le dialogue social est inexistant : les représentants du personnel se heurtent à un mur de mauvaise volonté et à un dilettantisme dans la gestion des ressources humaines.

Le SNE-FSU a dénoncé les menaces écrites et les sanctions de la direction de l’Ifen à l’égard du personnel qui protestait contre des manipulations de données par la direction.

(Cette information gravissime a été confirmée à Eaux glacées par plusieurs sources dignes de foi. Elle appelle à tout le moins des éclaircissements sauf à considérer que les statistiques environnementales françaises subissent des distorsions de nature à en pervertir la sincérité. Note Eaux glacées).

"L’Institut se trouve placé sous une tutelle officieuse de l’Insee (direction et présidence du conseil scientifique) : ses programmes d’observation des milieux (pourtant uniques en leur genre), qui ne cadrent pas avec la culture de l’Insee sont menacés dans leur pérennité et l’on asiste à un cloisonnement des connaissances et des missions. Le chef du département de la connaissance va enfin être remplacé, plus d’un an et demi après son départ. Il s’agit d’un véritable abandon des projets visant à organiser l’observation des milieux et des pratiques et à rendre accessible l’information en environnement.

Quel avenir ? Ouverture, innovation, revitalisation

L’Ifen doit être relancé pour permettre à notre pays de disposer d’un système d’information pérenne, fiable et indiscutable sur l’environnement, accessible au plus grand nombre, conforme aux exigences de la convention d’Aahrus. C’est une pierre angulaire de la politique de l’environnement.

Redonner à l’Ifen des moyens et une latitude dans sa gouvernance, confirmer son rôle d’expertise, le dégager de la tutelle officieuse de l’Insee, devraient lui permettre de reprendre l’initiative au niveau national, européen et international, en ce qui concerne les grands programmes d’observation ou d’évaluation de l’environnement. Conserver la diversité de ses compétences (naturalistes et économistes) c’est assurer la qualité de sa production.

La qualité, la pertinence et l’indépendance de son expertise et de ses publications doivent être garanties. Pour cela des structures assurant un lien fort avec la communauté scientifique (conseil scientifique), les autres ministères, les établissements publics et la communauté européenne (conseil d’administration ou d’orientation) et la société civile (comité des usagers) doivent être mises en place.

A l’aube d’une restructuration profonde pour l’administration centrale, quel sort pour l’Ifen ?

Parmi les trois scénarios que nous avions envisagé, c’est bien sur un quatrième qui semble être retenu (communiqué du 6 décembre 2007, pour le moment l’Ifen n’y est pas cité clairement), avec un probable regroupement avec le service statistique de l’ancien « Equipement » et une partie de l’ancienne « D4E », au sein du nouveau « Commissariat au développement durable » pourvu « d’un service chargé de collecter et de mettre à disposition les données qui concernent l’ensemble du champ du ministère et de réaliser l’évaluation des actions des directions générales ».

Dans ce cadre d’une extrême dilution, le rapport numérique avec le volet « équipement » est de l’ordre de 1 à 10, on peut se demander avec inquiétude si la réalité de l’Ifen ne va pas disparaître complètement, alors que son intégration à l’ensemble de l’administration centrale n’était encore qu’imparfaite. Comme pour bien d’autres services, et avec encore plus d’évidence, l’illustration la plus éloquente n’est-elle pas la disparition complète (et bien peu l’ont souligné) du terme « environnement » ?

Dans une telle évaporation des bornes de notre champ d’action thématique, que pourront bien devenir d’une part le mélange des cultures et des compétences, et d’autre part le lien entre producteurs, gestionnaires et utilisateurs des données environnementales ? »

Lire aussi :

Prix de l’eau : un nouveau pavé dans la mare

Les eaux glacées du calcul égoïste, 13 mars 2007.

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