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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
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Les SEM se jettent à l’eau (4) : critique de la gestion à la française
par Marc Laimé, 20 février 2007

La remise en cause des excès imputés à la délégation de service public dans le domaine de l’eau, et de l’emprise monopolistique qu’exercent les trois grandes entreprises du secteur repose en grande partie sur la perte de contrôle des collectivités sur des missions de service public essentielles. Un contrôle qui s’avère en effet très difficile à exercer.

Après le tour d’horizon des différents modes d’organisation et de gestion qui coexistent aujourd’hui en Europe, un débat (réellement) contradictoire va vite d’engager.

M. Paul Raoult, sénateur du Nord, président du Siden, le Syndicat interdépartemental des eaux du nord de la France, par ailleurs vice-président de la FNCCR, va l’alimenter, fort d’une expérience parfois tumultueuse…

Il défend dès l’abord la SEM qui présente selon lui un certain nombre d’avantages :

 celui d’un dialogue direct avec les élus et les usagers ;

 celui de la maîtrise des prix, en moyenne 30% inférieurs à ceux du privé, à situation de ressource équivalente (péréquation rural/urbain, etc.)

 celui de la transparence des comptes.

Mais il n’hésite pas à fustiger le « harcèlement juridique » du syndicat professionnel des trois grands groupes privés (SPDE, puis FPEE) qui a fait obstacle à la fusion du SDEN et du SIAN. Comme, plus surprenant, celui des préfets qui, au nom du contrôle de légalité, lui paraissent trop fréquemment prendre fait et cause pour le secteur privé…

Et d’ajouter que si l’on compare les conditions de concurrence, les opérateurs privés acquittent certes des impôts et des charges que ne paye pas le secteur public (charges salariales, taxe professionnelle…), mais que dans le même temps le secteur public se voit interdire de placer sa trésorerie pour dégager des recettes financières.

Globalement, les conditions d’une concurrence saine et égale entre le secteur public, le secteur privé et les SEM ne lui semblent pas être réunies en France aujourd’hui.

Et d’enfoncer le clou :

« Les avantages de la gestion publique sont le dialogue direct avec les élus ainsi qu’avec les usagers, la maîtrise des prix et une transparence totale des comptes. Dans ma région les groupes privés se sont installés dans les agglomérations, mais pas ou peu en milieu rural, d’où la création du Siden qui propose un même prix de l’eau pour ses 513 communes adhérentes. »

Avant de tempérer son propos : « Les grands groupes privés ont aussi leurs vertus notamment dans le domaine de la recherche. »

Du contrôle en milieu tempéré

M. Jean Michel, député du Puy-de-Dôme et président de la Semerap, ainsi que son directeur technique, relaient peu ou prou le propos.

S’ils respectent le professionnalisme des grands groupes privés français qui ont atteint une taille mondiale, ils n’en critiquent pas moins le fait que ces groupes sont très agressifs envers les modes de gestion publics et envers les SEM, et que les pouvoirs publics exercent des contrôles excessifs, notamment les préfets et sous-préfets.

Avant de souligner que : « 97% des gestionnaires en place sont reconduits au terme de la délégation. De fait, certaines d’entre elles durent plus de 70 ou 80 ans. C’est aussi la preuve que les collectivités locales, surtout les plus petites, ne sont pas suffisamment armées pour négocier l’éventuel changement de mode de gestion. »

Et de s’interroger malignement : comment diable se fait-il qu’on soit face à des milliers de compte-rendus déficitaires, et que dans le même temps les sociétés qui les établissent pour les collectivités en DSP affichent des bénéfices insolents ?

Un ange passe, que notre ami Tristan Mathieu, de la FPEE, se garde bien de rattraper au vol...

La pérennité du service public implique aussi de renouveler les investissements. Ce critère est fondamental. Les garanties de renouvellement n’apportent pas de solution car elles fonctionnent simplement comme une assurance ; elles sont alors un vrai problème en modèle de délégation.

Le problème lancinant des travaux qui doivent être accomplis par l’entreprise privée dans le cadre d’une délégation reviendra à plusieurs reprises sur le tapis. Si la LEMA règle a priori la question du report automatique des provisions pour travaux non exécutés, il n’en reste pas moins que ces nouvelles dispositions, pas plus que celles arrêtées antérieurement par un décret de la DGCL, n’instaurent de rétroactivité, et que cette question continue à envenimer les rapports entre collectivités et délégataires. Comme en atteste l’actualité récente, avec les contentieux liés aux « provisions pour renouvellement » qui ont défrayé la chronique à l’automne 2006, à Bordeaux, Lille, Lyon, et peut-être bientôt à Paris…

La SEM apporte de ce point de vue davantage de clarté. Elle permet également de mutualiser des compétences et un savoir-faire au service de plusieurs communes qui décident de se regrouper.

A ce titre les performances du public semblent donc pour M. Michel pouvoir avantageusement être comparées avec celles du privé, tant sur le plan de la qualité de l’eau, du service rendu que sur celui des performances économiques.

M. Alain Tomsin, directeur de la Semea, Sem d’eau d’Angoulême, défend à son tour le mode de gestion des SEM, qui se pilotent comme une société anonyme à capitaux privés. Il insiste sur la qualité du management et le pragmatisme que l’on oublie, pragmatisme face aux modifications de l’environnement de l’entreprise. A ses yeux, mieux vaut donc une bonne délégation de service public qu’une mauvaise régie… « Je suis pragmatique et non dogmatique. Mieux vaut une DSP bien gérée par le privé, et bien contrôlée, qu’une entreprise publique mal gérée. »

Mme Myriam Constantin, adjointe au maire de Paris chargée de l’eau et de l’assainissement, souligne pour sa part le processus de consultation des usagers citoyens par l’Observatoire qu’a récemment mis en place la Mairie de Paris, et le travail de « reprise en mains » depuis 2001 du contrôle des délégataires.

Elle affirme en outre que la gestion publique se mesure également en termes de santé publique, d’environnement et de solidarité. Sur ces critères le mode de gestion publique est à ses yeux une solution plus durable et plus démocratique que la gestion privée..

Depuis 2001, la ville de Paris aurait donc « repris le contrôle », en renégociant les contrats de délégation : dissolution du GIE de facturation, engagement des délégataires (Veolia et Suez), à réaliser pour 163 M€ de travaux, meilleur contrôle par indicateurs fixés par la ville, sans augmenter le prix. C’est encore perfectible sur le plan financier (tableau de bord, audit) et de l’intervention des usagers – citoyens.

Les contrats viennent bientôt à échéance et le débat est ouvert pour savoir si la ville renouvellera la délégation ou pas. La décision devrait intervenir fin 2007.

« Je m’oppose à la mise en concurrence absolue, même si j’adhère aux vertus de la comparabilité des offres et à la compétitivité. La collectivité locale doit conserver son entière liberté quant au choix du mode de gestion. C’est aux collectivités que revient la responsabilité d’organiser et de garantir une bonne gestion de l’eau. Elles ont à inventer une démocratie dans le domaine de l’eau, dans une logique de coproduction avec les usagers, impliquant des droits mais aussi des devoirs. La performance n’est pas du seul ressort des grands groupes privés. La gestion publique est une solution durable pour assurer la transparence et la qualité du service public de l’eau. »

Beau comme de l’antique.

Attendons de voir si nos amis de Veolia et de Suez, toujours présents au capital de la SEM Eau de Paris, vont finalement être boutés dehors par l’équipe de M. Delanoe…

Nous arrivons au terme de cette studieuse matinée et notre aéropage va se restaurer avant d’affronter un après-midi qui se révèlera furieusement rock and roll…

A suivre…

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