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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
L’agence de l’eau Adour-Garonne salue la gestion publique
par Marc Laimé, 28 juillet 2009

Coup de tonnerre dans le quotidien Sud-Ouest du 23 juin 2009. Présentant l’étude qu’elle a réalisé sur le prix de l’eau potable en 2008, à partir d’un échantillon représentatif, l’agence soulignait que les consommateurs payent l’eau et l’assainissement 20 % moins cher dans les collectivités (parmi les 20 plus importantes de la grande région) qui ont opté pour un mode de gestion de leurs ouvrages en régie (gestion directe), plutôt qu’en délégation de service public (affermage ou concession à une société privée). Un constat qui a fortement déplu à la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), bras armé de Veolia, Suez et Saur, qui répliquait vivement dès le lendemain dans les colonnes du même Sud-Ouest…

Le directeur de d’Adour-Garonne, M. Marc Abadie, en poste depuis un an, s’est bien gardé d’en tirer la conclusion qu’un mode de gestion serait supérieur à l’autre. Néanmoins, dit-il, « c’est l’une des raisons pour lesquelles certaines collectivités ont actuellement tendance, sous la pression de la société civile, à remettre en question les contrats de délégation de service public, soit par un retour en régie, soit par une renégociation, ou une nouvelle mise en concurrence. »

C’est ainsi que la Communauté urbaine de Bordeaux a successivement renégocié les contrats la liant depuis des lustres à la Lyonnaise, avec un résultat se chiffrant en centaines de millions d’euros d’économies pour les usagers de la CUB, comme à Anglet ou à Biarritz, ou que l’on repasse en régie, comme c’est le cas à Castres. Mais il existe aussi des contre-exemples, comme Montauban dont la nouvelle municipalité UMP a annoncé il y a trois mois qu’elle abandonnerait la régie pour la délégation de service public.

Dans tous les cas de figure la facture d’eau s’inscrit quoiqu’il en soit dans une perspective à la hausse. Les mises aux normes européennes impactent les factures, sur lesquelles le montant de l’assainissement l’emporte désormais sur le prix de l’eau potable proprement dit.

D’ici à 2011, « date ultime des mises aux normes », a indiqué M. Abadie, il reste encore pour 350 millions d’euros de travaux à engager dans les stations d’épuration des collectivités du ressort du bassin Adour-Garonne.

Pour y pourvoir, l’Agence, qui intervient à plus de 25 % dans le financement, a décidé d’augmenter sa redevance de 9 % par an pendant trois ans.

Le comité de bassin a entériné la décision au début du mois de juillet dernier. Cette redevance représente actuellement 36 centimes d’euros sur les 3,40 euros qui constituent le prix « moyen » du mètre cube d’eau payé par les consommateurs du Sud-Ouest.

Justifiée par les investissements à venir, la hausse de la redevance l’est aussi par la baisse de la consommation qui engendre une baisse des recettes : « Elle est de l’ordre de 3 % ces dernières années, signe que les messages sur les économies d’eau portent leurs fruits », souligne M. Abadie. Toutefois, s’est-il empressé de préciser, « la redevance du bassin Adour-Garonne reste la plus faible de France ».

Globalement, en 2008, le prix moyen de l’eau, à 3,40 euros le mètre cube (calculé sur la base d’une consommation « standard » de 120m3 par an pour un foyer de trois personnes), a augmenté de 4,9 % par rapport à 2007, où il se situait à 3,24 euros.

Mais il s’apprécie différemment selon la taille des communes. Ainsi ce prix moyen est-il moins élevé dans les communes de plus de 5 000 habitants, où il atteint 3,25 euros, en hausse de 2,2 %.

C’est peu ou prou le niveau de l’inflation. De ce point de vue, l’Agence de bassin parle de relative « stabilité », même si cela ne doit pas dissimuler de grandes disparités.

En revanche, l’augmentation a été beaucoup plus forte dans les communes de moins de 500 habitants d’une part (+ 2,7 % à 3,19 euros) et celles comprises entre 500 et 5 000 habitants d’autre part (+ 7 % à 3,63 euros).

L’agence l’impute au fait que ce sont « les plus petites collectivités qui réalisent le plus de travaux actuellement ». Elle y voit également le signe que ces petites collectivités ont bien pris en compte la « M49 », une norme administrative et comptable, selon laquelle « l’eau doit payer l’eau » et non plus émarger au budget général.

Les disparités s’expliquent par le mode de gestion, la taille des communes, mais aussi par d’autres facteurs comme la situation géographique.

Dans les zones de montagne, où la nécessité de traitement est plus faible, la part « eau potable » est la plus basse (1,11 euros le mètre cube en Ariège alors que la moyenne est à 1,42 euros). En revanche, dans les zones de baignade, du littoral notamment, qui exigent des traitements plus poussés, la part « assainissement » explose au-delà du 1,45 euros moyen.

La nature des habitats à desservir entre également en ligne de compte. Ainsi, les départements où la densité de population est parmi les plus faibles présentent-ils une ligne « eau potable » élevée en raison des investissements à consentir sur les réseaux. C’est notamment le cas du département du Gers.

Un argument de bon sens qui avait pourtant valu une volée de bois vert à Que Choisir, quand l’association de consommateurs avait dénoncé les profits abusifs des grands groupes privés du secteur en 2006 et 2008…

La performance des équipements est aussi une donnée importante.

L’Agence Adour-Garonne dispose d’un budget de l’ordre de 1,4 milliard d’euros pour son programme en cours qui porte sur une période de six ans (2007-2012).

« Si l’on veut des poissons dans nos rivières, il faut continuer à faire des efforts sur la qualité et la quantité de l’eau. Il faut également assumer la montée de standards. Effectivement, ça coûte », souligne M. Abadie.

Le comité de bassin devait donc entériner dans le courant de l’été un effort supplémentaire sur l’assainissement, mais également sur la dépollution agricole et industrielle.

Dans une approche de plus en plus pointue, on commence à s’intéresser aussi au traitement des « traces médicamenteuses » issues des rejets humains.

En revanche, les projets de grands ouvrages, comme le barrage de Charlas en Haute-Garonne, demeurent toujours entre parenthèses.

L’Agence Adour-Garonne est la première en France à s’être livrée, avec ce degré de précision, à cet exercice de clarification du prix de l’eau.

Manière de prendre ses marques puisqu’à partir de 2010, l’Onema (Office national de l’eau et des milieux aquatiques), sous l’égide du ministère de l’Écologie, mettra en place un « Observatoire national des données sur l’eau » qui intégrera le prix de l’eau potable.

Les entreprises privées réagissent

Il n’aura fallu attendre que le lendemain pour voir Veolia, Suez et Saur réagir par le biais d’une intervention elle aussi publiée par le quotidien Sud-Ouest…

« Le mode de gestion du service n’influence pas le prix de l’eau. » C’est ce qu’affirmait la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), qui regroupe la quasi-totalité des entreprises privées assurant la gestion des services d’eau et d’assainissement en France.

Elle réagissait ainsi à la publication des résultats de l’enquête annuelle sur le prix de l’eau de l’Agence Adour-Garonne qui faisait le constat d’un écart important selon que les services d’eau et d’assainissement sont gérés en régie ou par le privé (+ 20 %) en délégation de service public.

L’Agence se limitait à ce seul constat, dressé dans 20 villes parmi les plus importantes de la grande région, restant par ailleurs très prudente dans le commentaire. La FP2E n’en contestait pas moins cette présentation.

Elle relevait ainsi des « contradictions », en s’appuyant sur les résultats qui figurent sur une carte réalisée par l’Agence elle-même portant sur le prix de l’eau potable dans 18 préfectures de son ressort.

Selon la Fédération, la différence entre les modes de gestion se limiterait « à 5,1 %, réduite à 1,6 % après déduction de la taxe professionnelle, dont sont exonérées les régies, et à des écarts de redevances ».

Plus largement, elle estimait qu’outre le prix de l’eau, « la performance du service doit aussi être appréciée ».

Et renvoyait à une étude du Boston Consulting Group (cabinet international de conseil en stratégies), qui démontre, selon elle, « la performance des services délégués », se traduisant par « une meilleure gestion des réseaux et un moindre gaspillage de l’eau, un niveau de certification incomparable, un service plus développé et une capacité de gestion de crise exceptionnelle, illustrée encore récemment lors de la tempête Klaus ».

Autant d’arguties, rituellement brandies depuis des années, qui n’enlèvent rien au constat d’Adour-Garonne : le service public est 20% moins cher. Si c’est l’Agence qui le dit…

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