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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
L’Europe va condamner la politique française de l’eau.
par Marc Laimé, 12 décembre 2006

La France fait désormais figure de véritable cancre européen en matière de politiques de l’environnement. Poursuites, pénalités et astreintes financières se multiplient. Mais on aurait tort de s’inquiéter. Messieurs Jacques Chirac, Alain Juppé et Nicolas Hulot préparent une grande « Conférence sur l’environnement » qui se tiendra en février prochain à Paris…

L’ordre du jour de la Commission européenne présidée par M. José Barroso qui se réunit aujourd’hui à Bruxelles prévoyait d’engager de nouvelles poursuites contre la France, qui n’a pas respecté la Directive, datant de 1975, qui prévoit de limiter à 50 milligrammes par litre la concentration de nitrates dans l’eau.

Cible de la commission, le non-respect des émissions de nitrates dans les eaux de surface en Bretagne, affectée par une véritable catastrophe écologique dont nul ne sait si elle pourra être véritablement réparée, dans plusieurs dizaines d’années…

L’affaire trouve son origine dans la plainte déposée en 1992 par l’association Eau et Rivières de Bretagne, qui dénonçait déjà le nombre alarmant de rivières bretonnes dépassant le taux plafond de nitrates de 50mg/l, alors que les eaux superficielles sont utilisées pour la production d’eau potable.

Constat relayé par la Cour de Justice des Communautés Européennes, qui avait condamné la France dès 2001 à ce titre.

En plein examen du très controversé projet de loi sur l’eau et les milieux aquatiques, débattu à l’Assemblée nationale en seconde lecture du lundi 11 au mercredi 13 décembre, avant la Commission mixte paritaire fixée au 19 décembre prochain, puis la lecture des conclusions dans chacune des deux assemblées pour adoption définitive, le 20 décembre 2006, le camouflet aurait été cinglant.

Du coup la France a déclenché un véritable blitzkrieg diplomatique et obtenu, très provisoirement, gain de cause puisque l’affaire a été, in extremis, retirée de l’ordre du jour de la Commission. Les représentants français ayant excipé des « efforts considérables » accomplis ces dernières années en Bretagne pour améliorer la qualité de l’eau…

Partie remise ? M. Stavros Dimas, commissaire à l’Environnement, promet de relancer l’examen du dossier nitrates dès le mois prochain…

Face à la persistance de l’infraction la Commission a en fait le choix entre plusieurs options.

Soit elle clot la procédure, ce qui apparaît tout-à-fait improbable puisqu’une quinzaine de rivières sont aujourd’hui encore en état de dépassement.

Soit elle surseoit à statuer une nouvelle fois, situation qui présente l’immense avantage de permettre à la France de gagner du temps. Sauf que la Commission y a déjà recouru en juin dernier et commence à se lasser de devoir à toute force "ménager" la France, qui ne manque jamais une occasion, un comble, de se dresser sur ses ergots et d’asséner des leçons à la terre entière en matière d’environnement...

Soit elle saisit la Cour de Justice pour réclamer l’application de la condamnation. C’est l’option que privilégient en l’état les services de la Commission, alors que les commissaires eux-mêmes hésitent encore.

En fait ils hésitent surtout devant le montant, non pas tant de l’amende, même si l’on évoque à Bruxelles un montant de 10,9 millions d’euros, mais devant celui de l’astreinte financière journalière qui pourrait l’accompagner.
Dans la mesure où nul n’envisage un prompt rétablissement de la qualité de l’eau en Bretagne, à raison de 100 ou 150 000 euros par jour, l’addition finirait en effet par être faramineuse...

La Commission examine aussi de très près la manière dont la France a rempli les obligations découlant de la transcription de la Directive « eaux résiduaires urbaines » (DERU), datant de 1991. Près de 400 stations d’épuration, et plus de 120 villes de plus de 10 000 habitants ne sont toujours pas aux normes quinze ans plus tard.

La France a en fait déjà été condamnée par la cour de Justice des communautés européennes pour non respect de la directive sur le traitement des eaux urbaines résiduaires (DERU 91).

La première condamnation date de septembre 2004 et concerne les "zones sensibles".

La seconde, plus récente, date du 16 juin 2005 et concerne de manière plus générale le manque d’informations adressées à la Commission sur le traitement des eaux urbaines dans les "zones sensibles" pour les agglomérations d’un "Equivalent Habitant" (EH) supérieur à 10 000.

Plusieurs agglomérations sont désormais dans le ligne de mire, et leur non conformité pourrait valoir à la France de nouvelles condamnations (amendes et astreintes financières) pour non respect des échéances des 31 décembre 2000 et 2005...

Du coup les Agences de l’eau, sur injonction du MEDD, ont décidé de différer de plusieurs années le financement des opérations de renouvellement et de réhabilitation des réseaux, une action pourtant cruciale, pour privilégier la remise aux normes des STEP. Les responsables des Agences ne sont pas près d’oublier le « message » qui leur a été transmis à cet effet par le Directeur de l’eau…

La France fait décidément figure de cancre européen en matière d’environnement !

A peine deux semaines après avoir dû retirer son plan d’émission de gaz à effets de serre pour la période 2008-2012, plan jugé insuffisant par les autorités communautaires, Paris va de surcroît se voir infliger aujourd’hui une lourde amende pour n’avoir toujours pas transposé une directive européenne de 2001 qui visait à encadrer la dissémination volontaire d’OGM. 

Cette directive aurait du être transposée au plus tard le 17 octobre 2002. Le projet de loi de transposition a bien été voté par le Sénat, mais s’est ensablé à l’Assemblée nationale…

La Commission a finalement annoncé dans la journée du 12 décembre saisir officiellement la Cour de Justice européenne et réclamer à la France 38 millions d’euros d’amende auxquels s’ajoutera une astreinte financière d’un montant de 366 744 euros par jour, censée s’appliquer à partir d’aujourd’hui !

Il est possible que le montant de ces pénalités soit modifié dans les mois qui viennent par les magistrats qui siègent à Luxembourg, mais ils n’en maintiendront pas moins le principe d’une condamnation financière.

En outre la France pourrait bientôt se voir confirmer à Luxembourg une autre amende, relative à la transposition incorrecte d’une directive sur les micro- organismes génétiquement modifiés (MGM).

A force on finirait par s’habituer. A Bercy on s’y est habitué depuis que la France a écopé en 2005 d’une amende « historique » infligée par la Cour de justice des communautés européennes, pour n’avoir pas respecté la législation communautaire sur la protection des stocks de poissons en voie de disparition.

800 000 tonnes de poissons sont sortis des océans chaque année par les pêcheurs français, qui avaient continué d’utiliser des filets non réglementaires, dont les mailles sont si fines qu’elles retiennent des poissons qui n’ont pas même atteint l’âge de se reproduire.

Résultat, après avoir du payer 20 millions d’euros dès 2005, la France devait en outre verser 57,8 millions d’euros tous les 6 mois, aussi longtemps que les pêcheurs français ne se seraient pas mis aux normes…

C’était la première fois que la Cour condamnait un Etat-membre à une astreinte et à une amende forfaitaire pour un manquement grave et persistant au droit communautaire.

Depuis lors seuls deux autres États membres, la Grèce et l’Espagne, ont écopé d’amendes communautaires dans le domaine de l’environnement.

Mais on aurait tort de s’inquiéter.

Pendant que l’Assemblée adopte à la hussarde un calamiteux projet de loi sur l’eau et que la Commission Européenne multiplie les poursuites contre la France, M. Jacques Chirac reçoit aujourd’hui à 9 heures à l’Elysée un comité chargé de préparer la Conférence sur l’environnement qui aura lieu en février prochain à Paris.

Ce comité est présidé par l’inoxydable ancien Premier ministre M. Alain Juppé, et réunit l’incontournable Nicolas Hulot, l’ancien ministre des Affaires étrangères socialiste M. Hubert Védrine, ainsi que Messieurs Bertrand Collomb, président du groupe Lafarge, Jean Jouzel, climatologue, scientifique et directeur de l’Institut Pierre Simon Laplace, Edgar Morin, philosophe et sociologue, et Laurent Stefanini, ambassadeur pour l’Environnement.

Dormez en paix, la maison coule, mais la voix de la France résonnera à nouveau jusqu’à l’ONU…

En l’état il est avéré que la France va inévitablement être condamnée à nouveau dans les années qui viennent pour les manquements de plus en plus criants des politiques publiques de l’eau. Les amendes et astreintes financières vont se multiplier, et peser sur le financement de la politique de l’eau…

Tout retard dans l’engagement d’une réforme de grande ampleur des politiques publiques de l’eau après les prochaines échéances électorales nous conduira à des catastrophes aussi prévisibles qu’inéluctables.

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