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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Kärcherisation du droit de l’environnement (4) : les enquêtes publiques flinguées par le « Plan de relance » ?
par Marc Laimé, 25 mai 2009

A l’occasion d’un « point d’étape » sur la mise en œuvre du « Plan de relance » tenu le 5 mai 2009, M. Patrick Devedjian, ministre éponyme, annonçait avoir soumis à la consultation interministérielle un texte visant à relever le seuil de déclenchement des enquêtes publiques. L’annonce a suscité une furieuse levée de boucliers des associations de défense de l’environnement, qui dénoncent à l’unisson un projet visant à permettre l’autorisation d’un maximum de projets à risques sans concertation et information du public, qu’il s’agisse de riverains, d’associations, voire d’élus… Corrélée à la réforme en cours des ICPE, comme au retard considérable de mise en œuvre des PPRT, l’annonce achève en effet de renvoyer les palinodies du Grenelle au grand cimetière des espérances déçues…

« Je viens de proposer à la consultation interministérielle un texte relevant les seuils de déclenchement obligatoire des enquêtes dites « Bouchardeau », comme je m’y étais engagé lors de la discussion devant le Parlement. Je me suis aperçu, à cette occasion, que ce seuil n’avait pas été revalorisé depuis plus de vingt ans », annonçait M. Devedjian le mardi 5 mai 2009.

« Quel est le point commun entre une décharge, une carrière, un camping de plus de 200 places, une remontée mécanique de plus de 950 000 euros, un lotissement de plus de 5000 mètres carrés ? Tous ces projets qui sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement, doivent être précédés d’une enquête publique, instaurée par le loi Bouchardeau, avant d’être autorisés », réagissait M. Arnaud Gossement, avocat et porte-parole de FNE dans une chronique publiée par Rue 89 le 7 mai 2009.

« (…) Le plus grave dans l’annonce de Patrick Devedjian tient à l’idée que le code de l’environnement est contraire à l’impératif de relance industrielle, un peu comme le code du travail d’ailleurs.

" Or l’enquête publique dure peu de temps - un mois en moyenne -, et se solde généralement par un avis favorable du commissaire enquêteur. Ce n’est donc pas un facteur bloquant.

" Surtout, à vouloir supprimer le débat en amont, celui-ci aura lieu en aval, c’est-à-dire devant le juge. Pas forcément la meilleure solution. Il est donc temps de revenir au consensus du Grenelle de l’environnement sur l’idée que l’écologie est non pas un frein mais une condition de la relance économique. »

La loi Bouchardeau

La création des enquêtes publiques environnementales a été instaurée par la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 « relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement », dite « Loi Bouchardeau ».
Elle est devenue applicable par le décret d’application du 23 avril 1985, et a ensuite été modifiée par la loi « Barnier » du 2 février 1995.

Elle prévoit qu’un projet d’aménagement susceptible de porter atteinte à l’environnement soit soumis à l’avis du public à partir d’un seuil. Elle a pour objet d’informer en mairie et de recueillir, préalablement aux décisions, les appréciations, observations, suggestions du public, consignés dans un dossier, afin de permettre à l’autorité compétente de disposer de tous les éléments nécessaires à son instruction.

Et vise donc à une meilleure intégration des préoccupations environnementales dans la plupart des projets d’aménagement : routes, barrages, voies de chemin de fer, etc.

Chaque année 17 000 enquêtes publiques sont ainsi réalisées, dont 14 000 liées à la loi Bouchardeau. En effet, la catégorie d’enquête publique, instaurée par cette loi est différente de celle des enquêtes « d’utilité publique », qui sont organisées lorsqu’un projet d’aménagement a un impact sur des intérêts privés, souvent par le biais d’expropriation. 



La polémique

Pour le ministre chargé du Plan de Relance, la proposition permettrait de développer des projets à échéance très courte pour soutenir l’économie dans un contexte de crise économique…

Les associations environnementales et les Verts s’indignent :

« Cette remise en cause est un scandale !, s’insurge M. Sébastien Genest, président de FNE. Cette annonce, réalisée sans aucune consultation préalable, n’a aucun intérêt ni économique ni écologique. Pire, elle sous-entend que l’écologie ne rime pas avec économie, cette vieille erreur que les acteurs du Grenelle avaient pourtant enterré. Décidément, certains font tout pour que ce plan de relance ne soit pas vert mais bien gris foncé. » 



Arnaud Gossement, porte parole de FNE, renchérit : « Cette annonce n’a pas de sens. L’urgence est d’améliorer, pas de supprimer les enquêtes publiques. L’urgence pour la France est de se conformer à ses engagements européens et internationaux. L’urgence est de faire en sorte que les citoyens aient envie de participer aux enquêtes publiques ! L’urgence n’est pas de kârchériser le code de l’environnement !

(…) Il faut réfléchir à la raison pour laquelle le public pourrait bouder certaines enquêtes publiques. A l’évidence, il a parfois l’impression que les jeux sont faits, et les projets ficelés avant même la consultation. De plus, pendant l’enquête publique, les conditions de participation et d’accès à l’information pourraient être grandement améliorés...

(…) La suppression, plutôt que l’amélioration, des procédures de concertation peut conduire la France à être en infraction avec ses engagements européens. Car la France a signé, en 1998 à Aahrus au Danemark, la convention internationale du même nom, qui prévoit que la consultation du public doit être organisée à un moment « où toutes les options sont encore ouvertes »… Nous réclamons depuis longtemps le respect de cette convention.

(…) Au final, ces mesures ne serviront pas les industriels vertueux, qui ont compris que l’écologie est un atout pour demain. Elles ne répondent probablement qu’aux souhaits de quelques industriels habitués des contentieux environnementaux. FNE demande donc le retrait pur et simple de ces réformes et le fera savoir dès l’ouverture de la table ronde sur les risques industriels en cours d’organisation. ».

Les Verts dénoncent quant à eux « un contre-sens total » :

« Une telle mesure est d’autant plus contestable qu’elle va accroître l’insécurité juridique des projets en ouvrant la voie à un risque de contentieux ultérieurs. Les industriels doivent comprendre qu’ils ont intérêt à réaliser des projets qui respectent l’opinion des populations et de l’environnement. Le gouvernement devrait encourager les entreprises qui font des efforts au lieu d’envoyer ce mauvais signal, soulignaient dans un communiqué, daté du 7 mai 2009, Mme Djamila Sonzogni et M. Jean-Louis Roumégas, porte-paroles du parti écologiste.

Pour eux, les procédures d’enquête publique servent « à rendre les politiques publiques plus pertinentes et plus démocratiques. […], elles ne font pas perdre du temps mais permettent souvent d’en gagner en répondant aux oppositions et en amendant les projets. » 



Quant à M. Bertrand Pancher, député (UMP), de la Meuse, président du Groupe d’études parlementaires « Participation du public et gouvernance », et président de l’association « Décider ensemble », il estime que cette proposition oppose efficacité et concertation.

« La tentation du passage en force lors de la réalisation des projets risque d’engendrer des conflits locaux et d’entraîner une judiciarisation croissante des procédures, ce qui retarde les projets et risque d’être contre-productif au regard des objectifs d’efficacité avancés , note-t-il dans un communiqué. 



Pour ne rien arranger, ce projet de relèvement des seuils de déclenchement des enquêtes publiques, a aussi suscité l’ire de M. Jacques Breton, président de la Compagnie nationale des commissaires-enquêteurs (CNCE).

La CNCE, qui n’a pas été consultée sur le sujet, conteste en effet cette initiative prise « sous prétexte du Plan de relance », et qui devrait avoir « plus d’effets négatifs que positifs ». M. Breton qualifie même le projet « d’aberrant » puisque, contrairement à l’objectif affiché, « la suppression de la concertation n’est absolument pas une garantie d’une meilleure efficacité ni d’une mise en œuvre plus rapide des projets ». Il pointe notamment le risque de contentieux ultérieurs via des recours administratifs déposés par les associations environnementales. Alors qu’ouvrir la discussion publique en amont permet d’améliorer les projets.

Plan de relance versus Grenelle





L’annonce intervient, nous l’avons vu, à la suite de la « réforme », déjà votée au mois de janvier 2009, et dont l’ordonnance vient d’être signé, qui simplifie le régime des ICPE.

Comment accepter ce nouveau recul, lors même que les participants du Grenelle s’étaient entendus sur le principe d’une réforme de fond des procédures d’enquêtes publiques ?

Car le projet de loi « Grenelle 1 », voté quasiment à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée et au Sénat, prévoit en effet dans son volet « gouvernance environnementale », à l’article 45, d’améliorer le dispositif de participation du public. Et le « Grenelle 2 », titre 6, chapitre IV, article 98, propose en outre une simplification des procédures d’enquête publique… 



De son côté, le Meeddat, cité par le Journal de l’environnement le 7 mai 2009, confirmerait « l’existence d’un différent de positions entre les ministres sur le sujet ».

La consultation interministérielle, qui devra forcément s’achever par la signature du projet de texte par Jean-Louis Borloo, devrait être sportive, poursuivait le JDLE.

« Le gouvernement devra assumer cette décision, qui risque de faire grand bruit », prévenait M. Jacques Breton.

Au final l’affaire ne saurait se résoudre à un « match » Devedjian-Borloo.

En l’état c’est l’ensemble de ces annonces et décisions qui signent une politique : celle d’un plongeon éperdu vers le mirage d’une « nouvelle croissance », pour l’heure introuvable, mais grosse de périls majeurs pour l’environnement.

Kârcherisation du droit de l’environnement :

 Kärcherisation du droit de l’environnement (1) : les transactions et amendes forfaitaires en matière de police de l’eau

Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 mai 2009

 Kärcherisation du droit de l’environnement (2) : la réforme du régime des « Installations classées pour le droit de l’environnement » (ICPE)

Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 mai 2009

 Kärcherisation du droit de l’environnement (3) : la loi sur les risques industriels en carafe

Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 mai 2009

 Kärcherisation du droit de l’environnement (4) : les enquêtes publiques flinguées par le « Plan de relance » ?

Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (5) : chassez le naturel, il revient en pesticides…

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (6) : le grand théâtre d’ombres de la « responsabilité environnementale »

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (7) : la « conscience verte » du MEEDDAT

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (8) : l’Europe en rajoute !

Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 mai 2009

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commentaires

1 Kärcherisation du droit de l’environnement (4) : les enquêtes publiques flinguées par le « Plan de relance » ?

Ce genre de propos ont également été tenus par M. Kennel, ci devant président du conseil général du bas-rhin, dans le bulletin bimestriel du département.

J’en suis tombé du siège en le lisant...

poste par Feup - 2009-05-25@15:39 - repondre message
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