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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Kärcherisation du droit de l’environnement (2) : la réforme du régime des « Installations classées pour le droit de l’environnement » (ICPE)
par Marc Laimé, 22 mai 2009

Véritable serpent de mer que les lobbies représentant les intérêts de grands groupes industriels et des bureaux d’étude ont tenté de promouvoir depuis plusieurs années, la réforme dite du « 3ème régime ICPE » illustre jusqu’à la caricature les faux-semblants du « développement durable », portés à incandescence depuis la palinodie du « Grenelle ». La France compte 54 000 installations classées soumises à une « procédure d’autorisation », et 450 000 installations soumises à une simple « déclaration », sans compter des milliers de sites pollués, environ 300 000 selon les chiffres du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Aujourd’hui, la plupart des installations classées n’est contrôlée en moyenne que tous les 10 ans. Les promoteurs de la « réforme » soutiennent que cette moyenne pourrait tomber à 7 ans, puisque les personnels des DRIRE qui en ont la charge pourront se concentrer sur les établissements les plus dangereux... Un argumentaire spécieux qui ne résiste pas à l’analyse, puisque cette « réforme », au terme d’un impressionnant caroussel législatif, signe l’une des plus graves régressions du droit de l’environnement qu’ait connu la France depuis des décennies.

Cette réforme ne permettra aucunement une amélioration quantitative et qualitative du contrôle effectué par les inspecteurs des installations classées. En revanche les « organismes de contrôle » privés vont être les premiers bénéficiaires d’une « réforme », qui prévoit une extension du recours à ce qui est appelé le « contrôle périodique ».

Cette affaire est remarquable en ce qu’elle illustre la logique intrinsèque de l’instrumentalisation du thème environnemental par un libéralisme qui espère y trouver un regain de légitimité, après le désastre de la crise systémique de la financiarisation de toutes les activités humaines.

Elle témoigne en effet de la parfaite synchronisation d’une politique qui revendique, jusqu’à la démesure, la prise en compte de l’impératif environnemental, lors même qu’elle détricote assidûment, et dans le même élan, sous des appellations fourre-tout légitimées par la « crise » (Plan de relance, modernisation de l’économie, simplification du droit…), des pans entiers de la réglementation qui avait peu à peu érigé la défense de l’environnement au rang de politique majeure de l’Etat.

Car le contenu de cette réforme est sans équivoque, comme le souligne le document de France Nature Environnement (FNE), daté du 5 janvier 2009, que nous publions ci-après :

 Moins d’évaluation environnementale et sanitaire grâce à la suppression de l’étude d’impact et de l’étude de dangers ;

 Moins de concertation avec le public et les collectivités locales grâce à la suppression de l’enquête publique et de la consultation du CODERST ;

 La disparition progressive des instances de concertation avec le public actuellement mises en place autour des ICPE autorisées (CLIS/CLIC, Comités de suivi, etc.) ;

 La suppression des arrêtés types précis, remplacés par des prescriptions nationales générales, uniformes et valables pour toute une catégorie d’installations, mais sans prescriptions appropriées à l’environnement local, ou de rejets de substances dangereuses prioritaires de la Directive communautaire 2006/11/CE du 15 février 2006, calculées en fonction des objectifs de qualité des eaux et de leur état ;

 Un dossier de demande d’autorisation qui se résume à simple engagement de l’exploitant à rester en conformité avec la réglementation applicable ;

 De vrais échappatoires offerts aux industriels pour ne pas compenser l’impact en carbone de leurs installations.

Implacable compte-à-rebours

Un rapide survol de l’enchaînement temporel de la « réforme » incarne presque à la perfection les nouvelles « technologies de pouvoir », qui s’affirment dans la période dans le champ environnemental :

 Janvier 2006 : Publication d’un rapport de l’Inspection générale de l’environnement (IGE), commandé par le ministère.

 Octobre 2006 : Colloque organisé par l’ Association française des ingénieurs et techniciens de l’environnement.


 Juillet 2008 : Introduction puis retrait du « projet de réforme », lors de l’examen parlementaire du projet de loi sur la modernisation de l’économie (LME).

 Novembre 2008 : la « réforme des ICPE » resurgit lors de la présentation de l’avant-projet de loi « Grenelle II ».

 4 décembre 2008 : annonce du « Plan de relance » par le Président de la République à Douai.

 19 décembre 2008 : dépôt par le gouvernement à l’Assemblée nationale d’un projet de loi comprenant un train de « mesures de simplifications administratives ». Ce texte sera discuté en séance à compter du 7 janvier 2009. Parmi ces mesures, le gouvernement prévoit de simplifier la procédure d’autorisation des ICPE, c’est-à-dire des activités industrielles comportant des risques pour la santé et l’environnement. Cette simplification aboutit à la création d’une nouvelle procédure d’ « autorisation simplifiée ». Cette réforme, qui n’a pas été discutée lors du « Grenelle de l’environnement », sera discutée en urgence (une seule lecture dans chaque assemblée), et sera finalisée par ordonnance.

 5 janvier 2009 : vive protestation de France Nature Environnement.

 7 janvier 2009 : examen du projet de loi « pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés », présenté, avec le projet de loi de finances rectificatives pour 2009 comme les deux piliers législatifs du « Plan de relance ». L’article habilitant « le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures pour simplifier le régime d’autorisation applicable aux ICPE » est adopté par les députés. Le Parlement n’aura connu aucun débat sur ce sujet….

 27 mars 2009 : le Sénat entérine l’allègement des règles relatives aux installations classées.

 8 avril 2009 : le MEEDDAT présente le bilan 2008 et les perspectives pour 2009 de l’Inspection des installations classées.

 19 mai 2009 : le MEEDDAT organise une « table ronde sur les risques industriels ».

 18 juin 2009 : l’ordonnance prévoyant un troisième régime pour les installations classées est présentée au Conseil d’Etat.

Etat des lieux

La France compte près de 500 000 « installations classées », c’est-à-dire présentant un risque pour l’environnement et la santé humaine, dont 54 000, dites « à risque », sont soumises à autorisation préfectorale.

En 2008, 2300 nouvelles installations de ce type ont été créées.

Au total 1471 agents (l’équivalent de 1182 temps pleins) sont chargés au sein des DRIRE d’inspecter ces installations.

A vrai dire ces "inspections" témoignent hélas déjà, par trop souvent d’un laxisme coupable de l’autorité, qui ferme volontiers les yeux sur une infinité de manquements à la réglementation. On s’en convaincra sans peine en consultant, un exemple parmi tant d’autres, le compte-rendu de la séance du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst), qui s’est tenu à Lyon le jeudi 26 mars 2009. Edifiant...

Le compte-rendu du Coderst de Lyon le 26-03-09

Deux cent postes supplémentaires devraient être créés d’ici 2012, assurait le 8 avril 2009 Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie.

En 2008, selon le MEEDDAT, 27 000 visites de contrôle auraient été réalisées, dont près de 1400 dans les sites à haut risque, dits « SEVESO seuil haut », au nombre de plus de 600 en France.

Actuellement la plupart des installations classées n’est contrôlée en moyenne que tous les 10 ans. Les auteurs de la réforme soutiennent donc que cette moyenne pourrait tomber à 7 ans, sans que l’on sache réellement pourquoi, ni comment ce miracle pourrait advenir...

En revanche ce qui est désormais clair c’est l’enchaînement des initiatives qui auront concouru à ce recul sans précédent dans le domaine du contrôle des installations qui présentent un risque pour l’environnement et la santé humaine.

Janvier 2006 : le rapport de l’Inspection générale de l’Environnemen

Selon une procédure désormais routinière, le ministère de l’Environnement publie le 11 janvier 2006 le Rapport sur la simplification de la réglementation des installations classées, qu’il a commandé à l’Inspection générale de l’environnement.

L’entame est édifiante, et incarne ce jeu de go sémantique que nous retrouverons tout au long de cette lamentable affaire.

Il est en effet à priori surprenant de voir la « politique de simplification du droit » érigée au rang d’impératif catégorique, légitimant les renoncements les plus catégoriques à une politique « environnementale » que l’on va par ailleurs promouvoir dans la période, avec force barnums hypermédiatisés (dopés par moult déclinaisons « Internet) », dont l’épisode fondateur du « Grenelle » incarnera la version chimiquement pure.

Id est :

« Dans le cadre de la politique de simplification du droit engagée par le gouvernement, le directeur de la Prévention des pollutions et des risques a demandé à l’IGE de proposer des simplifications des procédures dans le secteur des installations classées en examinant notamment :

 l’opportunité de créer un régime intermédiaire dans lequel les installations seraient soumises à déclaration, mais où l’administration aurait la possibilité de réagir dans un délai déterminé afin de pouvoir s’opposer à l’installation lorsque les circonstances locales l’exigent,

 certains relèvements de seuil d’autorisation pour des activités où la procédure avec enquête publique est inutilement lourde,

 la possibilité de fixer des prescriptions générales applicables à certaines activités sans que l’exploitant ait une obligation de déclaration.

Cette mission a été confiée à François Barthélemy, avec le concours de Marc Grimot. Une note préliminaire rédigée sur la base des statistiques disponibles a constitué le support de la consultation de membres de l’administration centrale du MEDD ainsi que d’inspecteurs des installations classées, de représentants des industriels, de représentants des associations de protection de l’environnement et d’élus.

Cette consultation n’a pas révélé d’opposition de principe à la création d’un régime intermédiaire, mais a fait apparaître la nécessité d’y associer le maire, le public et quelques autres services, la consultation du public pouvant être envisagée sur une base plus légère que l’enquête publique « Bouchardeau ».

Il est en outre apparu qu’une procédure de déclaration avec possibilité d’opposition du préfet pourrait être considérée par les tribunaux comme une autorisation de fait, éventuellement tacite en cas de non réponse du préfet. 



Compte tenu de ces observations, le rapport propose comme régime intermédiaire une autorisation simplifiée, assortie d’une enquête légère fondée sur l’affichage en mairie et sur le site ainsi que sur l’utilisation d’internet.

Sur la base d’un dossier sensiblement allégé (sic), le préfet devrait prendre dans un délai de trois mois la décision, soit d’autoriser l’installation sous les conditions fixées par l’arrêté de prescriptions générales correspondant à l’activité (sans consultation de la commission départementale), soit de demander des compléments au pétitionnaire, le délai de trois mois se trouvant alors reporté, soit enfin de fixer par arrêté des prescriptions particulières après avis de la commission départementale.

L’absence de réponse dans le délai de trois mois vaudrait autorisation. Trois services seraient consultés (incendie et secours, police des eaux et santé) et disposeraient d’un mois pour donner leur avis.

Cette proposition permettrait un allègement sensible de la procédure pour les plus petites installations soumises à autorisation, mais elle exigerait une organisation adéquate dans les services d’inspection des installations classées ainsi que la publication des arrêtés de prescriptions ministérielles restant à élaborer. 



Pour les installations soumises à autorisation avec enquête publique, le rapport propose de relever un certain nombre de seuils et d’introduire le nouveau régime d’autorisation simplifiée entre l’ancien seuil et le nouveau.

Il recommande aussi plusieurs modifications de la nomenclature visant à assurer une meilleure transposition des directives européennes, notamment SEVESO et IPPC.

Il propose une consultation simplifiée du public sur le bilan décennal de fonctionnement prévu par la directive IPPC.

Il présente enfin diverses préconisations tendant notamment à simplifier l’étude de dangers pour les établissements ne comportant que des activités relevant des rubriques 2000 à 2999, à clarifier la procédure en matière d’arrêtés complémentaires, et à généraliser la TGAP. 



Pour ce qui concerne les installations soumises à déclaration, le rapport constate que le relèvement des seuils se heurterait à de nombreuses oppositions et que les maires ne disposent pas de moyens convenables pour en assurer la police, et ne propose donc pas de relever les seuils, mais suggère une simplification de la procédure avec notamment un recours accru aux moyens informatiques. Le rapport recommande une amélioration du traitement des plaintes par les DRIRE. Enfin le rapport propose de mettre à jour la réglementation ICPE dans divers domaines, notamment en matière de déchets. »

Octobre 2006 : le colloque de l’AFITE

A l’occasion d’un colloque organisé par l’ Association française des ingénieurs et techniciens de l’environnement
(Afite), le ministère chargé de l’environnement présente ses « pistes de réflexion » concernant la création d’un nouveau régime entre l’autorisation et la déclaration des installations classées. Les industriels et les ONG prennent position.

Le constat ne date pas d’hier : les moyens de l’ICPE seraient insuffisants au regard de leur mission de protection de la santé et de l’environnement. Et ce, malgré les quelques efforts consentis à la suite de la catastrophe d’AZF, en septembre 2001. Ce qui mécontente les riverains et les associations environnementales, qui ont du mal à dialoguer avec les Directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement (Drire), mais aussi les industriels qui voient leurs dossiers d’autorisation étudiés parfois pendant plusieurs années avant d’être validés.



L’administration centrale souhaite donc réorganiser son inspection pour qu’elle passe « moins de temps à s’occuper de détails bureaucratiques », et davantage à visiter les usines. L’une des pistes porte donc sur la création d’un troisième régime, qui se situerait entre la déclaration - qui concerne environ 400 000 établissements - et l’autorisation, qui en touchent plus de 50 000.

Mais ce nouveau régime doit-il être une déclaration renforcée ou une autorisation simplifiée ?



Le ministère chargé de l’environnement privilégie la seconde option.

« Les dossiers d’autorisation sont très lourds à préparer et très longs à analyser, expliquait Mme Annick Bonneville, chef du bureau de la modernisation et de la qualité de l’inspection au ministère. Pour certains, nous proposons de passer du cousu-main au prêt-à-porter. »



Le dossier n’inclurait plus ni étude d’impact ni étude de danger.

« La pièce principale du dossier serait un « engagement de conformité », qui contiendrait l’ensemble des prescriptions du Code de l’environnement applicables à l’installation, et les mesures envisagées pour y répondre ainsi que les performances attendues », poursuivait Mme Annick Bonneville.

Le dossier pourrait également comprendre des mesures répondant à des prescriptions locales, par exemple les exigences du Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage).



Le délai d’instruction ne devrait pas dépasser 5 mois. Et contrairement au régime déclaratif, l’Etat pourrait refuser l’autorisation.

Quant à la consultation du public, elle serait là aussi simplifiée, grâce à l’utilisation d’internet.



Après l’autorisation initiale, les industriels devraient faire réaliser, tous les 5 ans, un diagnostic de conformité par un organisme tiers, à l’image de ce qui est actuellement mis en place pour les installations soumises à déclaration.

« Parallèlement, les inspecteurs continueraient à réaliser des contrôles dans le cadre des actions nationales, de plaintes ou d’accidents », précisait Mme Annick Bonneville.



Environ 20% des établissements déjà soumis à autorisation pourraient être concernés, dans des domaines tels que la valorisation des déchets, la transformation des matériaux de construction, la logistique, le travail du bois, des plastiques et des métaux, mais aussi l’agroalimentaire. Toutefois, leur statut ne devrait pas changer avant la prochaine législature, une loi étant nécessaire pour entériner cette réforme.

Or, le calendrier parlementaire jusqu’aux élections de 2007 apparaissait surchargé.



Versant société civile, la proposition ne convainc guère. « La France a le record du nombre d’établissements soumis à autorisation et à déclaration en Europe, soulignait M. Jacques Boudon, représentant du Medef. Il faudrait commencer par diminuer ces chiffres. »

Quant à Mme Christine Gilloire, administratrice de France nature environnement (FNE), elle ne souhaitait pas s’opposer « seulement par principe » au projet, mais estimait que la vraie solution passe par un nombre plus important d’inspecteurs.





10 juillet 2008 : le pas de deux de la loi sur la « Modernisation de l’économie

Le jeudi 10 juillet 2008, le gouvernement retire un amendement au projet de loi sur la Modernisation de l’économie, lui permettant de créer un régime d’autorisation simplifiée pour les installations classées. Cet amendement avait été auparavant dénoncé par France nature environnement.

Novembre 2008 : l’avant-projet de loi « Grenelle II »

Marqueur sémantique incontournable de la période, le « Grenelle » connaîtra une forme d’apothéose avec l’avant-projet de loi dit « Grenelle 2 », rendu public en novembre 2008, qui exsude la « gouvernance » par tous ses pores…

En matière d’entreprises et de consommation, l’avant-projet de loi propose d’étendre la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) aux entreprises de plus de 500 salariés, et dont le total de bilan est supérieur à 43 millions d’euros. Cette loi de 2001, qui impose d’inclure dans le rapport de gestion des données sociales et environnementales, concerne actuellement 650 entreprises environ.

Le Grenelle II prévoit aussi d’étendre la responsabilité environnementale des entreprises aux sociétés-mères en cas de défaillance environnementale – remise en état d’un site par exemple –, à la demande du préfet.

L’affichage du « prix carbone » par catégories de produits, à définir par décret, devrait être rendu obligatoire.

Enfin, l’avant-projet de loi prévoit d’obliger les gérants de portefeuille à indiquer dans leur rapport annuel leurs préoccupations en matière de développement durable, pour pouvoir orienter l’investissement des épargnants vers les entreprises ayant les meilleures pratiques environnementales.

L’information et la participation du public sont elles aussi abordées.

Le fameux « dialogue à 5 » du Grenelle devrait être institué de manière formelle.

Ainsi, les commissions locales d’information et de surveillance (Clis), arrêtées par le préfet pour chaque installation de traitement de déchets soumise à autorisation, devraient associer des représentants des salariés de ces installations. Actuellement, les Clis sont composées de représentants des administrations publiques, de l’exploitant, des collectivités territoriales et des associations de protection de l’environnement. Le préfet pourra aussi créer une Clis sur chaque site d’installation classée, en l’absence de Comité local d’information et de concertation (Clic) sur les risques.

Même chose pour la Commission nationale du débat public (CNDP), où devraient siéger des organisations syndicales de salariés et des représentants des acteurs économiques.

L’avant-projet renvoie à un décret la liste des « instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques d’environnement et de développement durable », dans lesquelles les associations environnementales pourront siéger.

Le Conseil économique et social (CES) ainsi que les CES régionaux devraient y figurer, qui devraient être rebaptisés pour afficher leur nouvelle vocation environnementale. La liste de ces acteurs environnementaux sera également définie par décret.

Les collectivités, elles aussi, auront à parler développement durable. Le Grenelle II prévoit que les maires et présidents des collectivités présentent un rapport sur le sujet en amont du vote du budget. Le cadre et la périodicité de ce rapport seront fixés par décret pour les collectivités de plus de 50 000 habitants.

Le Grenelle II devrait aussi permettre de réformer les enquêtes publiques et les études d’impact, pour mettre la France en conformité avec la Directive européenne 2003/35 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, ainsi qu’avec la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

On touche ici au sommet du double langage et de l’esbroufe affichée qui incarnent l’esprit de la période, puisque la « réforme » en cours va précisément, nous le verrons, faire litière des contraintes qu’impose à la France la transcription de ces « textes fondateurs »…

Comme en témoigne un autre article de l’avant-projet de loi qui prévoit que le gouvernement pourrait prendre, par ordonnance, des mesures de simplification et d’harmonisation des dispositions du Code de l’environnement et d’adaptation au droit communautaire pendant 18 mois à compter de la publication de la loi… Du coup l’association du public, impératif catégorique, est bel et bien dissoute par voie d’ordonnance…

Troisième régime ICPE : le retour dans le Grenelle 2…

Si le thème avait prudemment été éjecté de la grand-messe du Grenelle, l’avant-projet de loi dit « Grenelle 2 », prévoit bel et bien, lui, de créer un troisième régime d’ICPE, outre celui qui soumet les ICPE à autorisation, et un autre qui les soumet à « simple » déclaration.

Ce régime d’autorisation simplifiée est donc officiellement destiné à « réduire les délais d’instruction » par rapport au régime d’autorisation classique, plus contraignant.

Il pourrait concerner 20% des établissements actuellement soumis à autorisation puis, à terme, la majorité des installations ne nécessitant pas d’autorisation selon la réglementation européenne. Travail des métaux, du bois, réfrigération, entrepôt, construction, agroalimentaire et distribution de carburants pourraient être concernés.

Janvier 2009 : Vive protestation de France Nature Environnement

Par le biais d’un communiqué de presse incendiaire, FNE dénonce le 5 janvier 2009 les conséquences dramatiques d’une « réforme » dont les oripeaux dont elle s’adorne ne trompent pas les observateurs vigilants de l’un des plus importants réseaux français d’association de défense de l’environnement.

Quatre feuillets implacables, qui n’auront que très peu d’écho dans les medias. « Trop compliqué, coco, c’est chiant, ça n’intéresse personne et personne n’y comprendra rien… »

Le cri d’alarme de France Nature Environnement

8 janvier 2009 : les députés laissent carte blanche au gouvernement

C’est dans le cadre de l’examen du « projet de loi « pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés », présentés avec le Projet de loi de finances rectificatives pour 2009 comme les deux piliers législatifs du « Plan de relance », que l’article habilitant « le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures pour simplifier le régime d’autorisation applicable aux ICPE » est adopté par les députés.

Le Parlement ne débattra donc pas du sujet...

Le projet, nous l’avons vu, est censé faire aboutir en moins d’un an les demandes d’autorisation de nouveaux établissements, au lieu de 12 à 15 mois actuellement.

Et vise aussi à améliorer la « compétitivité de la France », selon Mme Laure de la Raudière (UMP), rapporteure du premier projet de loi.

Selon son rapport, seuls 15 000 établissements devraient à terme faire l’objet d’une autorisation préalable au fonctionnement, au regard de trois textes communautaires.

La Directive 96/82/CE concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, dite « directive Seveso ». La directive 96/61/CE IPPC (prévention et réduction intégrées de la pollution,) et la directive 85/337/CEE, relative aux études d’impact.

Ces établissements sont aujourd’hui au nombre de 54 000.

A très court terme, ce sont 20% des établissements existants soumis à autorisation qui pourraient bénéficier du nouveau régime…

Trois amendements présentés par la rapporteure et soutenus par le ministre en charge de la mise en œuvre du plan de relance, M. Patrick Devedjian, ont été adoptés :

 le nouveau régime est créé pour que l’administration concentre ses efforts sur les installations les plus dangereuses ;

 l’autorisation simplifiée ne s’appliquera qu’aux installations pouvant relever de prescriptions standardisées ;

 le préfet a la possibilité de passer du régime simplifié au régime normal d’autorisation en cas d’apparition de risques non prévus.

(On finirait par se demander à quoi bon cet intense effort de rationalisation et de concentration des moyens sur les « risques majeurs », si en dépit de ces efforts homériques, des risques imprévus peuvent encore se faire jour…)

Reste qu’en dépit de ces amendements « garde-fous », la mesure met mal à l’aise certains députés. Deux amendements, non adoptés, visant à la suppression de l’article ont en effet été défendus par M. Jean-Pierre Brard (groupe Gauche démocrate et républicaine) et M. François Brottes (PS).

Pour le premier, ce nouveau régime entraînera « une moindre évaluation environnementale et sociale avec la suppression de l’étude d’impact et de l’étude de danger, une moindre concertation avec le public et les collectivités publiques avec la suppression de l’enquête publique, et la disparition des instances de concertation –Clis [comité local d’information et de suivi], Clic [comité local d’information et de concertation] … –, la suppression des arrêtés-types, un dossier de demande d’autorisation réduit à la portion congrue ».

Le second prévient que « moins il y a de transparence, plus il y a de doute et de méfiance de la part des populations, et moins le niveau d’acceptation des projets industriels est élevé ».

Ensuite, le « timing » et la forme de la mesure semblent peu appropriés, quelques jours après la présentation du projet de loi « Grenelle II » en Conseil des ministres, et moins de trois semaines avant le passage du projet de loi « Grenelle I » au Sénat.

Alors que promesse avait été faite d’associer les parties prenantes du Grenelle – collectivités, associations environnementales, syndicats, Etat et entreprises – à des décisions environnementales d’importance, et que cette « réforme » des ICPE n’avait pas été abordée lors du Grenelle…

27 mars 2009 : le Sénat entérine la réforme

Le Sénat adoptera en première lecture, le 25 mars 2009, la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann relative à la « simplification et à la clarification du droit et à l’allègement des procédures. »

L’Assemblée nationale s’était déjà prononcée sur ce texte le 14 octobre 2008.

Les sénateurs valident à leur tour plusieurs mesures de simplification relatives aux installations classées régies par le Code de l’environnement (article 51 de la proposition de loi).

L’un des principaux arguments mis en avant pour justifier ces allègements réside dans le manque d’inspecteurs des ICPE…

Le régime actuel aurait en effet pour conséquence « d’éloigner les inspecteurs du terrain en raison de la lourdeur de leurs tâches administratives et d’empêcher que les contrôles les plus stricts puissent être concentrés sur les installations les plus dangereuses ».

Le texte assouplit donc en particulier les conditions dans lesquelles les servitudes d’utilité publique sont instituées sur certains terrains pollués par l’exploitation d’une ICPE (art. L. 515-12 du Code de l’environnement).

Il met en place, dans certains cas, une « procédure allégée », en substitution de la procédure d’enquête publique, jugée lourde, longue et coûteuse pour les maîtres d’ouvrage.

Cette procédure simplifiée, qui repose sur la seule consultation des propriétaires concernés, s’adresse aux nombreuses cessations d’activité d’une ICPE, pour laquelle la pollution résiduelle ne concerne qu’un périmètre restreint au droit et autour du site, et ne fait intervenir qu’un nombre très limité de propriétaires.

Le texte simplifie également les dispositions relatives à la cessation d’activité d’ICPE soumises à déclaration (art. L. 512-12-1 nouveau), en limitant les obligations de l’exploitant à la remise en état du site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts protégés par le Code de l’environnement, sans passer par une procédure de concertation autour de l’usage futur du terrain.

Compte tenu « des améliorations intervenues en la matière depuis la loi du 13 juillet 1992 », le texte supprime aussi la disposition (art. L. 541-13 III) imposant à chaque région de prévoir, dans le plan d’élimination des déchets industriels spéciaux qu’elle est tenue d’élaborer, la création d’un centre de stockage de ces déchets (il en existe 13 à ce jour).

Les sénateurs refusent en revanche la correction sémantique relative à l’article L. 515-16, tendant à mettre en cohérence l’ensemble des textes relatifs aux plans de prévention des risques technologiques, en remplaçant le terme de "danger" par celui d’"aléa" employé par une circulaire du 7 octobre 2005.

Enfin, près d’une quarantaine d’ordonnances sont ratifiées, dont l’ordonnance n° 2005-1129 du 8 septembre 2005 portant simplification en matière d’ICPE et d’élimination des déchets.

On notera que ces nouveaux « aménagements » complètent ( !) l’article 27 de la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour « l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés », qui prévoit, nous l’avons vu, la création, par voie d’ordonnance, d’un nouveau régime dit d’autorisation simplifiée, intermédiaire entre les deux régimes actuels de l’autorisation (50 000 ICPE) et de la déclaration (450 000 ICPE).

Voir la Loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, dite « de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures. », publiée au JO du 13 mai 2009. qui aborde donc la législation des installations classées, et dont l’ objectif est de « mieux proportionner à la réalité des risques encourus les contraintes imposées aux exploitants de ces installations et à l’autorité publique… »

Le gouvernement dispose dès lors d’un délai de quatre mois pour prendre l’ordonnance qui créera effectivement ce troisième régime intermédiaire.

France Nature Environnement s’oppose toujours fermement à cette « réforme », qu’elle considère d’autant plus inefficace et contestable qu’elle se fait au détriment de la participation et de l’information des tiers et des élus.

8 avril 2009 : bilan 2008 et programme 2009 des ICPE

La secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, Mme Chantal Jouanno, présente le 8 avril 2009 le bilan 2008, et le programme 2009 de l’ICPE.

En 2008, 2300 nouvelles autorisations ont été accordées à des installations industrielles. Un chiffre en légère baisse par rapport à 2007.

27 000 visites et inspections ont été réalisées, dont 1 400 sur 630 sites à risque majeur. dits « SEVESO seuil haut » (plus de 600 en France).

Elles ont donné lieu à 3 250 mises en demeure (2700 en 2007) et 1140 procès-verbaux. Un chiffre multiplié par 4 en 20 ans. L’effectif des inspecteurs s’établit à 1471 agents (ETP). 556 postes auront été créés entre 2008 et 2012.

Du côté des pressings, pour lesquels le Meeddat avait promis des contrôles « coup de poing » en 2008 en raison des solvants organiques qu’ils utilisent pour le nettoyage à sec, 275 boutiques ont effectivement été contrôlées sur tout le territoire (sur un total de 5000 en France), révélant un grand nombre de non conformités à la réglementation. 189 ont fait l’objet de mises en demeure, notamment sur des défauts de ventilation, une priorité car salariés et riverains sont exposés aux produits chimiques utilisés par cette activité (en particulier le perchloréthylène, très nocif). Une nouvelle réglementation devrait voir le jour avant l’été 2009. 



« Les exploitants, peu structurés, méconnaissent la réglementation. Nous avons vu beaucoup de non-conformité sur la ventilation », selon M. Bernard Dorosczuk, directeur de la Drire Ile-de-France.

Les inspections réalisées en 2007 et 2008 ayant également révélé des non-conformités des installations, notamment du secteur pétrolier (cuvettes de rétention, canalisations, bacs d’hydrocarbures…), un plan d’action Vieillissement devrait être mis en place en 2009 pour établir des « guides de bonnes pratiques », des engagements volontaires, des contrôles et un volet réglementaire afin de limiter les incidents liés au vieillissement des installations. Six groupes de travail relatifs aux canalisations de transport, aux enceintes et tuyauteries, à l’électricité et l’instrumentation, aux bacs de stockage, au génie civil et à la refonte de la réglementation des liquides inflammables ont ainsi déjà été créés.

Parmi les priorités pour 2009, figure une future « Table ronde sur les risques industriels », réclamée avec force par France Nature Environnement, et qui s’est effectivement tenue le 19 mai 2009. Outre la réduction de ce risque et le thème de la gouvernance, le contenu du futur décret sur le régime d’autorisation simplifiée des ICPE, dit « 3e régime » a de nouveau été évoqué.

2009 devrait aussi constituer un tournant pour l’application de la loi Bachelot sur les risques industriels, dont les fameux PPRT sont l’élément-phare. Ces plans de prévention des risques technologiques concernent les sites Seveso les plus dangereux. 420 PPRT auraient dû être réalisés avant l’été 2008. Or seuls 5 PPRT ont été approuvés… Mais les études de danger sont presque toutes terminées, et la mise en œuvre des PPRT s’est nettement accélérée, selon Mme Chantal Jouanno. Au total, 140 PPRT sont prescrits – ils n’étaient que 40 fin 2007, et 109 fin 2008 – et le Meeddat a fixé un objectif de 80% de prescription pour fin 2009, et 80% d’approbation pour fin 2010. 230 ne devraient pas comporter de mesures foncières autres que le gel des constructions. 8 « gros » PPRT coûtent plus de 100 millions d’euros chacun.

Les inspecteurs des installations classées sont aussi investis d’une nouvelle mission : l’application du règlement Reach. Un objectif de 350 contrôles a été fixé aux Drire, chargées de vérifier la conformité des entreprises au regard du pré-enregistrement des substances qu’elles produisent.

350 contrôles... Tout est dit.

Bilan 2008 et Objectifs 2009 des ICPE

Lire aussi :

L’appel solennel de FNE aux parlementaires

France Nature Environnement, 16 juin 2009.

Les sites industriels à risque seront moins contrôlés

Libération, 16 juin 2009.

Kârcherisation du droit de l’environnement :

 Kärcherisation du droit de l’environnement (1) : les transactions et amendes forfaitaires en matière de police de l’eau

Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 mai 2009

 Kärcherisation du droit de l’environnement (2) : la réforme du régime des « Installations classées pour le droit de l’environnement » (ICPE)

Les eaux glacées du calcul égoïste, 22 mai 2009

 Kärcherisation du droit de l’environnement (3) : la loi sur les risques industriels en carafe

Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 mai 2009

 Kärcherisation du droit de l’environnement (4) : les enquêtes publiques flinguées par le « Plan de relance » ?

Les eaux glacées du calcul égoïste, 25 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (5) : chassez le naturel, il revient en pesticides…

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (6) : le grand théâtre d’ombres de la « responsabilité environnementale »

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (7) : la « conscience verte » du MEEDDAT

Les eaux glacées du calcul égoïste, 26 mai 2009

Kärcherisation du droit de l’environnement (8) : l’Europe en rajoute !

Les eaux glacées du calcul égoïste, 29 mai 2009

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