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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
FIGURES
Inondations : le barragiste du Lac du Der
par Marc Laimé, 4 juin 2016

Eaux glacées republie plusieurs des portraits d’une vingtaine de professionnels de l’eau, que nous avions réalisés en 2004 pour le Festival de l’OH ! créé par le Conseil général du Val-de-Marne. Nous les avions accompagnés une journée durant dans leurs activités.

Une journée avec Joël Decanter, Barragiste.

avec le concours des Grands Lacs de Seine (IIRBBS)

Peut-être y songe-t-il chaque matin à 8 heures quand il prend son service. Il pourrait d’un geste, en quelques heures, faire dangereusement monter le niveau de la Seine qui s’élancerait à l’assaut de la statue de pierre du zouave du Pont de l’Alma...

Mais à peine entré dans la cabine qui surplombe le barrage sur le fleuve, sa "bible" le ramène à la routine journalière.

Le "Règlement d’eau" ordonne les tâches qui s’enchaînent immuablement. Aujourd’hui trois ordinateurs l’aident à piloter les manoeuvres complexes qui régulent le cours du fleuve en période de crue, et soutiennent son débit quand la sécheresse menace.

Avant les barragistes devaient multiplier les relevés sur des dizaines de kilomètres. En apparence désormais c’est plus simple. En apparence seulement.

Car les rivières ont des réactions de plus en plus brutales. On les a aménagées, domestiquées, arasées, bétonnées. Les eaux y courent plus vite, plus brutalement. Alors il faut consulter les annonces de crues établies par les DDE, les croiser avec les statistiques patiemment réunies depuis des dizaines d’années par les grands Lacs de Seine. Ensuite s’amorce une délicate alchimie.

En hiver on détourne, grâce au barrage, des centaines de millions de m3 d’eau vers un gigantesque lac artificiel, le Der-Chantecoq. C’est aussi une base de loisirs qui accueille chaque année près d’un million d’estivants férus de sports nautiques.

L’été, le lac retournera à la Marne, par son canal de restitution, les masses d’eau qui alimenteront les cinq énormes usines qui fournissent de l’eau potable aux habitants de l’agglomération parisienne. Hauteurs d’eau, prévisions météo, pluviométrie, analyses de la qualité de l’eau..., tout est pris en compte et géré en temps réel par un puissant systême informatique.

Mais le regard du "maître des eaux" compte encore. D’un seul coup d’oeil il sait, à la teinte de l’eau, quel tour elle pourrait lui jouer... Et loin des courbes d’ordinateurs, l’essentiel du travail c’est encore le nettoyage de la rivière. Toutes sortes de débris arrivent au barrage, charriés par les eaux. Des arbres, des déchets plastiques, jusqu’à des cadavres d’animaux parfois. Alors il faut nettoyer, inlassablement.

Surveiller aussi les 77 kilomètres de digues de terre du lac-réservoir. Prévenir tout risque d’infiltration, de glissement de terrain. Faucher des hectares d’herbe. Avant de revenir au barrage, qui réclame lui aussi sa part d’attention. Surveiller ses vannes, ses serveurs électro-mécaniques, entretenir ses circuits électriques. Graisser, repeindre, faire des essais...

Si d’aventure la lassitude pointait, d’un saut de voiture, en route vers le paradis. Les lacs Seine, Aube et Marne, au coeur des étangs de la Champagne humide, ont été classés zone humide d’importance internationale. Des milliers d’oiseaux y ont élu domicile, dont de magnifiques grues cendrées.

Au fil de sa balade le barragiste rencontrera aussi les pêcheurs qui l’interrogent sur les bouleversements que va connaître le lac dans les prochaines semaines. Une pause bienvenue quand on vit avec l’idée que l’on est responsable de la sécurité des 50 000 habitants de la ville qui dort, à quelques kilomètres du barrage.

Anecdotes :

Ils ne se sont jamais vus. Ils habitent tout près les uns des autres. Deux ou trois kilomètres à vol d’oiseau. Depuis une bonne quinzaine d’années le barragiste reçoit plusieurs fois par an des coups de téléphone. Au bout du fil une vieille dame de Saint-Dizier, qui habite avec son mari au bord du fleuve, en ville. Elle lui demande à chaque fois si elle peut dormir tranquille, si elle ne sera pas inondée dans la nuit. Le grand maître des eaux la rassure, l’apaise. Il songe parfois à aller leur rendre visite...

Il y a une vingtaine d’années, une crue tardive de printemps surgit alors que le lac du Der était à son maximum. On pouvait encore le remplir durant quatre jours. Or chaque année une Foire de Pâques a lieu au bord de la rivière à Saint-Dizier. Le barragiste fonce sur les berges avertir les forains qui ne l’écoutent que d’une oreille. Les manèges tournent et ils ont d’autres soucis en tête... Le lendemain matin, manèges, camions, voitures et caravanes étaient sous l’eau. Le barragiste n’a pas osé s’approcher des rives inondées : "A coup sur j’aurais été lynché, comme l’est toujours le Cassandre que l’on n’a pas écouté..."

Les chiffres :

 Le lac du Der est l’un des 4 grands barrages-réservoirs édifiés en amont de Paris pour réguler les cours de la Seine et de la Marne. D’une superficie de 4800 hectares, il peut contenir jusqu’à 350 millions de m3 d’eau.

 En période de crue hivernale le cours de la Marne peut varier de 14m3/seconde à 340 m3/seconde en une quinzaine de jours.

 En septembre et en octobre, le débit de la Seine à Paris provient pour moitié, et parfois pour les 3/4, d’eau des grands Lacs.

Pourquoi ?

Grâce aux efforts conjugués des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, la création en 1969 de l’établissement public des Grands Lacs de Seine, avec ses quatre gigantesques barrages-réservoirs, a permis de protéger la région parisienne contre les inondations de la Seine et de la Marne, comme de garantir un débit suffisant aux deux fleuves en période de sécheresse. Il peut malgré tout arriver que certaines régions soient la proie des inondations. Pourquoi certaines municipalités continuent-elles à délivrer des permis de construire dans des zones inondables ?

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