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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Gouvernance de l’eau : le gouvernement enterre le « 4ème collège »
par Marc Laimé, 17 juillet 2015

A l’initiative de Delphine Batho, députée (PS) des Deux Sèvres et ancienne ministre de l’Ecologie, l’Assemblée nationale avait adopté lors de l’examen en première lecture du projet de loi sur la Biodiversité, cinq amendements, dont l’un qui reprenait l’idée de créer un « quatrième collège » d’usagers non économiques au sein des instances de bassin, afin de rééquilibrer leur gouvernance au profit des usagers domestiques, qui assurent plus de 90% du financement des politiques publiques, vivement critiquées par ailleurs par la Cour des comptes. Une proposition inacceptable pour le Lobby de l’eau, qui a convaincu le gouvernement de sous-amender l’amendement Batho afin de le priver de toute effectivité.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat examinait en première lecture les 7 et 8 juillet derniers le projet de loi "pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages", adopté le 24 mars dernier par l’Assemblée nationale.

Sur les 564 amendements soumis à son examen, la commission, qui était saisie sur le fond, en a finalement adopté 225, à l’initiative de son rapporteur, Jérôme Bignon, député (LR) de la Somme, et de sénateurs de l’ensemble des groupes politiques.

Manipulation

Concernant la gouvernance de l’eau, la commission du développement durable du Sénat n’a pas supprimé les articles introduits par Delphine Batho à l’Assemblée nationale mais les a insidieusement modifiés, à l’initiative du gouvernement, ou plutôt de la Direction de l’eau (DEB) du ministère de l’Ecologie, (ce qu’il en reste), qui a obtenu sans peine l’aval de Ségolène Royal.

Alors que Delphine Batho proposait de diviser en deux le collège actuel des « usagers » (40%) dans les comités de bassin, pour y assurer une meilleure représentation des usagers domestiques et des associations environnementales (20%) par rapport aux usagers économiques (20%), la DEB, suivie par le rapporteur de la commission sénatoriale maintient un collège unique de 40%.

C’est ici qu’intervient la manipulation, fomentée dans un rapport fantoche du Comité national de l’eau dès 2013, qui avait fait scandale lors de la séance du 18 décembre 2013 du CNE, et est à l’origine d’un recours toujours pendant devant le Tribunal administratif de Paris.

Proposition qui a d’ailleurs déjà entraîné une réforme par décret de la composition du collège dit des « usagers » au printemps 2014, ce que tout le monde feint d’oublier, pseudo-réforme en trompe l’œil que reprend à l’identique l’amendement que la Direction de l’eau a fait avaliser par Jérôme Bignon, député (LR) de la Somme, et rapporteur de la Commission du développement durable au Sénat.

De quoi s’agit-il ?

Le nouveau collège des usagers "est composé de trois sous-collèges, comprenant chacun des représentants respectivement des usagers non professionnels, des usagers professionnels des secteurs de l’agriculture, de la pêche, de l’aquaculture, de la batellerie et du tourisme et des usagers professionnels du secteur industriel et de l’artisanat".

Autrement dit les délégués représentant les associations de consommateurs et de défense de l’environnement ne se voient pas accorder la moitié des sièges des usagers – comme le préconisait l’amendement Batho), dans le collège qui représente 40% des délégués (contre 20% pour l’Etat et 40% pour les collectivités locales), mais se retrouvent en réalité noyés dans l’un des trois sous-collèges (à priori 33% de 40%) au sein duquel leur nombre et leur représentativité va encore être affaiblie puisque l’on va aussi faire siéger dans ce soi-disant sous-collège des usagers non domestiques des représentants déguisés de l’agriculture, de l’industrie ou de la pêche, qui siègent pourtant officiellement dans les deux autres sous-collèges.

Comment ? En les y désignant, non en tant que représentant des industriels, des agriculteurs ou des pêcheurs, mais avec leur autre casquette de membre du CESER, ou d’autres institutions diverses et variées…
La manœuvre est grossière, mais puisque la maison brûle, tout le monde regarde ailleurs…

Par ailleurs chacun des sous-collèges "élit un vice-président en son sein". Autant dire que dans cette configuration il n’est aucunement assuré que ce soit un véritable représentant d’une association de consommateurs ou de défense de l’environnement qui sera élu vice-président…

Quant à la prévention des conflits d’intérêts chez les membres du conseil d’administration des agences de l’eau, autre amendement Batho, elle est renvoyée à un décret sur les "règles de déontologie" qu’ils devront respecter… On peut toujours rêver.

Dans une touchante unanimité droite-gauche, l’instant d’égarement qui avait conduit à l’adoption par l’Assemblée nationale en première lecture des amendements Batho est donc réparé.

« Tout est pardonné »

Proposition MEDDE : futur Comité de bassin
Proposition MEDDE : nombre de sièges
Proposition MEDDE : futur CA

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commentaires

1 Gouvernance de l’eau : le gouvernement enterre le « 4ème collège »

Merci de cette information. Je rappelle qu’il existe aussi des associations de moulins, de riverains, de défense du patrimoine hydraulique (autour des canaux), de loisirs (autours des lacs, du kayak), etc. La rivière est un enjeu hydrologique et économique, mais aussi bien un enjeu historique, culturel, social. Donc il eût été légitime non seulement de créer un très large collège des usagers non-professionnels, mais encore de ne pas le limiter aux association de défense de l’environnement et des consommateurs.

Hélas, le déni de démocratie fonctionne à tous les étages. Au sommet, la DEB réglemente et contre-réglemente en roue libre, dans l’opacité des arbitrages interministériels, loin du contrôle parlementaire. Au milieu, les Agences sanctionnent les décisions du lobby de l’eau dans des comités de bassin fantômes où l’essentiel est déjà pré-défini par des commissions techniques. En bas, les SAGE et autres contrats territoriaux présentent exactement les mêmes limites, avec un moindre effort de représentation des acteurs. La "démocratie de l’eau" est d’autant plus vantée dans les prospectus publicitaires de l’oligarchie tuyaucratique qu’elle est concrètement écrasée entre la posture jacobine (pour laquelle la bonne parole et la bonne décision viennent forcément d’en haut) et la posture technolibérale (qui suggère de confier tout cela aux "vrais professionnels qui eux savent bien les dures contraintes de la réalité", les lobbies donc).

poste par hydraxuois - 2015-07-17@14:33 - repondre message
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