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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Gironde : mobilisation contre un projet de ferme de 12 000 porcs
par Marc Laimé, 4 juin 2015

Un nouveau projet « d’usine à cochons » suscite une forte mobilisation en Gironde. Société civile et élus, configuration guère fréquente, y dénoncent depuis plusieurs mois une dérive productiviste aussi dangereuse pour l’environnement que destructrice de l’agriculture paysanne. La tension monte alors que le Préfet de Gironde, à l’issue d’une procédure contestable et contestée, doit se prononcer sur le projet le 20 juin prochain.

L’affaire a débuté quand l’exploitant d’un important élevage porcin, la SAS Le Lay, un « engraisseur-naisseur » sis à Saint-Symphorien, a sollicité en 2013 une extension de 7677 à 11626 animaux, ce qui correspond quasiment à un tiers supplémentaire par rapport à l’élevage actuel, et demandé en conséquence une révision à la hausse des surfaces du plan d’épandage de lisier.

Aujourd’hui 800 truies y donnent déjà naissance chaque année à 19 000 porcelets.

Conformément à la réglementation une enquête publique a été diligentée pour recueillir les avis de particuliers, comme d’associations environnementales.

Parmi les avis défavorables, ceux des SAGE Ciron-Leyre pointaient :

 l’aptitude des sols à l’épandage de lisier ;

 la qualité des eaux, déjà fortement dégradée : le projet apparaissant incompatible avec les objectifs d’atteinte du bon état des eaux ;

 le non respect par l’exploitant d’engagements pris en 2004 visant à ne plus augmenter le nombre de porcs de l’élevage ;

 l’absence de bilan sur les eaux des collecteurs de drainage des parcelles et sur les eaux de la nappe ;

 le fait que les surfaces agricoles d’épandages sont toutes situées en zone vulnérable. Le sol sableux y favorise l’infiltration des nitrates ainsi que des germes excrétés dans les matières fécales. Un ruisseau, La Hure, prend ainsi sa source au milieu de la zone d’épandage actuelle et « future »…

Pour une autre association locale, Naturejalles, de Saint-Médard-en-Jalles, le passage à 11626 animaux allait aussi provoquer, outre une pollution de l’eau comme de l’air, une dégradation du « bien-être animal », car le projet n’est pas davantage conforme à la directive européenne 2008/120/CE qui définit les normes minimales relatives à la protection des porcs en élevage (1).

 ils seraient élevés sur un caillebotis intégral, caillebotis à fil, sans litière, alors que celle-ci réduit les émissions de NH3 ;

 les hangars, divisés en petites cases, seraient dotés d’un éclairage et d’une ventilation artificiels ;

 le projet ne mentionne pas de matériaux manipulables (paille, foin, bois...), ce qui est pourtant obligatoire ;

 la question de section des queues de porcelets n’est pas abordée ;

 les émissions d’ammoniac s’élèvent à 49t/an alors que la déclaration obligatoire est de 18,3 tonnes…

Et l’association de rappeler, au moment même où l’Assemblée nationale confirmait le 30 octobre 2014, que « les animaux sont des êtres vivants et sensibles » qu’il serait déjà indispensable que l’entreprise SAS Le Lay améliore les conditions d’existence des 7677 animaux actuels, en mettant en oeuvre des techniques alternatives, comme des parcours à l’air.

Avis défavorable du Commissaire enquêteur

Le Commissaire Enquêteur désigné dans le cadre de l’enquête publique rendait en mars 2014 un avis défavorable, estimant que le projet d’extension de l’élevage et du plan d’épandage n’est pas compatible avec les enjeux prioritaires de ce territoire vis à vis des enjeux de la qualité de la ressource en eau et de protection des milieux aquatiques.

Avis favorable du CODERST

En dépit de cela, le 6 novembre 2014, le CODERST (Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques) de la Gironde émettait le 6 novembre 2014, à une faible majorité, un avis favorable au projet.



Explication d’un observateur bien informé :

« Depuis l’approbation du SAGE Nappes profondes de Gironde, en 2003, nous procédons à l’analyse de tous les dossiers présentés au CODERST de la Gironde.

Initialement, cet examen était rendu possible grâce à un membre de la CLE, membre du CODESRT (alors CDH) qui mettait à notre disposition son dossier de séance.

Depuis plusieurs années déjà nous recevons directement un dossier de séance.

L’examen du dossier de séance donne lieu à la rédaction d’une note intitulée "CODERST - Réunion du XXX- Analyse des dossiers présentés sous l’éclairage du SAGE Nappes profondes de Gironde".

Cette note est adressée aux membres du CODERST qui sont également membres de la CLE du SAGE Nappes profondes (ce qui inclut notamment les services de l’Etat).

Si la tâche a pu être fastidieuse il y a quelques années, il est rare aujourd’hui qu’un projet concernant une ressource visée par le SAGE n’ait pas fait l’objet d’un examen amont par la CLE ou tout au moins son secrétariat.

Néanmoins apparaissent de temps en temps des projets qui sont passés au travers des mailles du filet et s’avèrent non compatibles avec le SAGE ou non conformes à son règlement. »

Les associations protestent

« Dans un contexte particulièrement tendu de révision des zones vulnérables, consécutif aux sanctions prises par l’Union Européenne contre la France pour non respect de la directive nitrates de 1991, cet avis du CODERST va à l’encontre des mesures prises pour se mettre en conformité avec les règles européennes.



Comme le souligne le rapport du Commissaire enquêteur rendu en mars 2014, la majorité des parcelles des plans d’épandage du lisier et du compost se situent en zones vulnérables (bassin versant de la Hure, affluent du Ciron et bassin versant de la Leyre).

Or des mesures de nitrates mettent déjà en évidence des concentrations élevées, dans la Hure (voisine de 30 mg/L, voire même pour certaines, proches de 40 mg/L et en augmentation régulière), ainsi que dans la nappe phréatique.

Ces concentrations supérieures à celles relevées dans d’autres cours d’eau du même bassin versant et leur évolution à la hausse sont clairement dues à l’impact des activités humaines et devraient donc être réduites.



Les épandages réalisés dans le bassin de la Leyre sur des sols très perméables ne vont pas, quant à eux, améliorer la qualité des eaux du Bassin d’Arcachon déjà préoccupante.


Nous sommes donc très inquiets des conséquences d’une augmentation de la capacité de la porcherie et du doublement des surfaces d’épandage de lisier ; les effluents issus de ces élevages industriels étant une des principales causes d’eutrophisation et de prolifération des algues vertes.

Ce projet est l’exemple d’une agriculture industrialisée qui vide les territoires de ses agriculteurs, entraînant la disparition de la vie en milieu rural et détruit l’environnement.



C’est pourquoi la Confédération paysanne de Gironde s’oppose à ce projet d’extension et continuera à défendre une agriculture de qualité, respectueuse des travailleurs, du bien-être animal, de l’environnement et des citoyens. »

Après avoir lancé une première pétition interpellant le ministre de l’agriculture pour stopper les fermes-usines, Agir pour l’environnement lançait dès lors une seconde pétition, qui a déjà recueilli près de 50 000 signatures, à l’initiative de la Confédération paysanne de la Gironde, soutenue par les Amis de la Terre de Gironde, Landes Environnement Attitude (LEA), les SEPANSO Gironde et Aquitaine.

SIGNER la pétition contre la ferme-usine des #11000 porcs à ST SYMPHORIEN (33)

Les élus se mobilisent

Le maire de Saint-Symphorien, M. Guy Dupiol et son conseil municipal, ont manifesté publiquement leur crainte et leur refus de voir un tel projet autorisé.

Le syndicat du bassin versant de la Leyre, le Parc marin du Bassin d’Arcachon, ainsi que M. Jean-Luc Gleyze, nouveau président (PS) du Conseil départemental de la Gironde, qui a succédé en mars dernier à M. Philippe Madrelle, viennent d’annoncer publiquement leur opposition au projet.

Le bureau du comité syndical du Parc naturel des Landes de Gascogne, sur le territoire duquel est situé la commune de Saint-Symphorien, se réunissait ainsi le lundi 1er juin sous la présidence de M. Renaud Lagrave, Vice-président de la Région Aquitaine et président du Parc.

Après avoir étudié la proposition de doublement de la capacité actuelle de la porcherie, M. Lagrave annoncait que :

« Le bureau du Parc naturel régional des Landes de Gascogne est fermement opposé à cette extension.

En effet en plus du doublement de la quantité de bêtes produites dans un espace confiné c’est également un doublement des surfaces d’épandage de lisier et un quadruplement des superficies d’épandage de compost, sur des milieux fragiles et dans un contexte de tête de bassin (Leyre et Ciron).

La Commission Locale de l’Eau du SAGE Leyre, animée par le PNRLG, estime que des incertitudes persistent sur la capacité des sols à recevoir l’épandage ainsi que sur l’adéquation entre les périodes d’épandage et les niveaux de la nappe.

Le risque est de ne pouvoir atteindre l’objectif d’atteinte et de maintien du bon état des eaux sur le bassin de la Leyre et les eaux souterraines.

Le Parc naturel régional s’étonne également du fait que malgré un avis défavorable du Parc rendu en 2014, d’un avis défavorable des Commissions Locales de l’Eau des SAGE Leyre et Ciron, d’un avis défavorable du commissaire enquêteur ainsi que de nombreuses autres structures, le Conseil de l’Environnement et des Risques Sanitaires et Technologiques (CODERST) ait rendu un avis favorable à cette extension.

Le Parc (…) apporte son soutien à l’ensemble des forces vives mobilisées contre ce projet et demande la suspension de ce dossier. »

(1) La législation européenne sur le bien-être des porcs (91/630/CEE, amendée par la directive 2001/88/CE du Conseil, définit les exigences en matière de revêtements du sol. Pour les cochettes et les truies gravides, une partie spécifiée de la superficie du sol doit avoir un revêtement plein continu où un maximum de 15 % est réservé aux ouvertures de drainage. Ces nouvelles dispositions s’appliquent à toutes les exploitations nouvellement construites ou reconstruites à partir du 1er janvier 2003, et à toutes les exploitations à partir du 1er janvier 2013.

Lire aussi :

- En Gironde, la colère monte contre une ferme usine de 12 000 porcs

Aline Chambras

Reporterre et Rue 89 Bordeaux

1er juin 2015

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