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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
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Gestion publique/gestion privée : les vérités comptables
par Marc Laimé, 15 octobre 2007

Le débat sempiternel entre les avantages respectifs des gestions publique et privée dans le domaine de l’eau, qui donne lieu à de furieuses empoignades, s’éclaire singulièrement quand on examine de près les règles comptables qui s’appliquent dans les deux cas de figure. Georges Chartier, militant de l’eau, aujourd’hui âgé de 81 ans, se bat depuis 1998 en Dordogne avec l’association Transparence pour réclamer son avènement dans un département « privatisé » à près de 100%, selon son expression. Eaux glacées salue son engagement et l’importante contribution que représente ce texte à la lutte pour une gestion publique, équitable et soutenable de l’eau.

Le texte ci-après a été établi par M. Georges Chartier, de l’association Transparence.

1. "Les règles comptables qui s’imposent en gestion publique directe sont très étroitement encadrées par la réglementation. Complexes, si souvent incompréhensibles pour le commun des mortels, elles n’en ont pas moins le mérite d’offrir une transparence inégalable.

Charges d’exploitation

L’ordonnateur à une connaissance précise des charges d’exploitation du service dont il assure la gestion. Il engage les dépenses qui ne peuvent en principe être payées sans avoir été au préalable liquidées et mandatées par ses soins.

Ces dépenses sont soumises à un contrôle rigoureux.

Elles sont payées par un comptable public qui doit soumettre les décisions de l’ordonnateur au contrôle qu’impose l’exercice de sa responsabilité personnelle et pécuniaire.

Les charges classées par nature figurent dans le compte administratif de l’ordonnateur et dans le compte financier établi par le comptable public. Ces comptes doivent être en parfaite concordance. C’est un contrôle mutuel – ordonnateur comptable du Trésor – qui donne toute garantie.

Accompagnés des pièces justificatives prévues par la réglementation, ils sont soumis au juge des comptes qui est en mesure de procéder à un contrôle approfondi de toutes les dépenses.

En gestion directe, la comptabilisation des charges d’exploitation est parfaitement rigoureuse et transparente.

Les gestionnaires ont une connaissance exhaustive de tous les coûts imputables au service. Ils peuvent suivre d’année en année l’évolution des coûts répercutés dans le prix de l’eau.

Elus et abonnés ont accès à des comptes fiables complets et transparents.

Recouvrement des factures d’eau

En plus des recettes fiscales de l’Etat et des collectivités locales, le Trésor public recouvre les recettes non fiscales directement émises par les collectivités et établissements publics locaux.

En gestion directe c’est donc un comptable public, responsable pécuniairement, qui est chargé du recouvrement des redevances d’eau et d’assainissement.

Les comptes sont soumis à la chambre régionale des comptes avec toutes les justifications utiles sur la situation du recouvrement. C’est un système rigoureux qui assure toute garantie d’exactitude et de transparence aux élus et aux abonnés.

L’ordonnateur est chargé de la facturation des sommes dues par les abonnés et c’est sous son contrôle que le comptable en assure le recouvrement.

Les paiements des usagers alimentent directement la caisse de la collectivité. Système sécurisé, c’est donc aussi un circuit court favorable aux usagers car il contribue à réduire l’endettement.

La comptabilité des redevances est tenue selon la technique des droits constatés (instructions comptables et budgétaires interministérielles M 49 et M 4).

Les services d’eau et d’assainissement sont des établissements à caractère industriel et commercial qui, comme toute entreprise privée, comptabilisent, d’une part, leurs factures et, d’autre part, les paiements de leur clients. Ils assurent ainsi un suivi comptable rigoureux des impayés.

La collectivité responsable du service- commune, syndicat, communauté de communes…- maîtrise directement l’ensemble des opérations comptables.

La comptabilité auxiliaire des abonnés est tenue sous la responsabilité de l’élu qui peut adapter les mesures coercitives de recouvrement en fonction de la situation financière et sociale des usagers, la recherche du profit n’étant pas sa seule préoccupation.

Les factures sont comptabilisées dès leur émission sur les comptes individuels des abonnés et le montant global facturé est inscrit au compte d’exploitation du service. Ainsi les ventes d’eau ne représentent pas le montant des versements des abonnés mais le montant des sommes réellement dues en fonction de la consommation (partie proportionnelle) et du nombre des abonnés (partie fixe).

Le principe d’indépendance des exercices est strictement respecté.

Pour tenir compte des impayés, il est constitué chaque année une provision calculée en fonction du taux historique des non-valeurs constatées.

Le plus souvent, il y a deux facturations dans l’année. La facture de début d’année comprend la partie fixe payable d’avance pour le premier semestre et le solde de la consommation de l’année précédente qui théoriquement représente 60% de cette consommation. En effet une provision de 40% est facturée en milieu d’année en même temps que la partie fixe du deuxième semestre.

Afin de dégager des résultats comptables significatifs, le principe d’indépendance des exercices conduit à comptabiliser la partie proportionnelle de la première facturation de l’année parmi les ventes d’eau, non pas de l’année qui commence, mais avec celles de l’année précédente.

Pour cette opération de rattachement le plan comptable a prévu le compte 418 Clients-Produits non encore facturés de l’année précédente.

Comme on peut le constater, en gestion directe, gestionnaires, élus et usagers ont à leur disposition une comptabilité complète qui respecte les principes du plan comptable général et fournit tous les renseignements permettant d’appréhender la situation du service.

Au bilan apparaît clairement la situation du recouvrement, avec indication de l’ancienneté des impayés (Exercice courant, exercice précédent, exercice antérieurs, créances douteuses).

Les provisions pour créances douteuses figurent également au bilan et les redevances irrécouvrables admises en non-valeur sont comptabilisées au compte d’exploitation parmi les charges

Avec le seul compte financier de la collectivité en mains, il est possible de calculer des ratios qui permettent de connaître, de façon concrète, le pourcentage d’impayés et la rapidité du recouvrement.

Par la simple consultation des soldes des comptes clients le gestionnaire peut suivre l’évolution de la situation de l’arriéré.

Les adeptes des indicateurs de performance ont là des informations fiables qui ne peuvent être manipulées.

2. Les règles comptables qui prévalent en gestion privée, ici dans le cas d’une délégation en « affermage », tout aussi peu compréhensibles pour l’usager, ne ménagement malheureusement pas la même transparence…

Charges d’exploitation

Les charges d’exploitation sont engagées, payées et comptabilisées par le fermier et le gestionnaire du service public n’intervient plus dans le paiement de ces charges.

Le plus souvent, depuis des décennies, avec l’affermage, les gestionnaires des services d’eau ont perdu tout contact direct et tout le savoir concernant la réalité des coûts qui forment le prix de l’eau.

Le rapport annuel que doit produire le délégataire avant le 30 juin de l’année suivante n’est pas un document comptable susceptible de renseigner les gestionnaires, élus et usagers de manière satisfaisante.

Comme le signale très souvent dans ses rapports le Juge des comptes, il s’agit de documents ni fiables ni vérifiables qui ne peuvent avoir de force probante en raison de l’importance des charges indirectes imputées à la délégation en fonction de clés de répartition.

Ce rapport, le plus souvent sinon toujours, laisse apparaître un déficit au niveau du contrat alors que la société réalise au plan national d’importants bénéfices. Etrangeté que l’on ne soulignera jamais assez…

Recouvrement des redevances

Le recouvrement des redevances est assuré par le fermier, seul responsable de la comptabilité des abonnés.

Pour la redevance principale, la facture comprend en principe deux parts, celle de la collectivité et celle du fermier.

Le tarif appliqué pour la part du fermier évolue en fonction de la formule d’indexation prévue dans le contrat d’affermage.

Pour la part qui revient à la collectivité, le tarif est fixé chaque année par l’assemblée délibérante de la collectivité qui vote le budget. Cette part, communément appelée surtaxe, est essentiellement affectée au financement des investissements réalisés par la collectivité.

Dans certains contrats plus opaques la surtaxe est remplacée par une « ristourne » et la facture d’eau n’individualise pas, comme le prévoit la réglementation, la part destinée à la collectivité.

Même en affermage une part importante du prix de l’eau revient à la collectivité publique – jusqu’à 60% dans certains contrats - mais il n’y a plus de recouvrement direct. C’est le fermier qui recouvre la totalité des sommes dues par les abonnés. Ces derniers n’ont donc plus le bénéfice du circuit court de la gestion directe, ni la garantie d’un recouvrement sécurisé par l’intervention d’un comptable public contrôlé par le Juge des comptes.

Dès lors deux difficultés entraînent immanquablement une opacité préjudiciable à une saine gestion financière. Il s’agit des délais de règlement du fermier et du contrôle comptable de la situation du recouvrement des sommes destinées aux caisses publiques (surtaxe, redevances Agences de l’eau).

Les milliards d’euros de l’eau et de l’assainissement, en forte augmentation d’année en année, sont recouvrés à plus de 80% par les opérateurs privés.

Les responsables publics de l’eau n’ont pas de situation de recouvrement concernant ce pactole car leurs comptes, pour ces produits, ne sont pas tenus en droits constatés mais seulement en comptabilité de caisse.

Seuls les versements des fermiers sont enregistrés et on ne fait jamais apparaître au bilan établi par le comptable public le décalage qui existe avec les facturations que reçoivent les abonnés.

Dans un souci de bonne gestion, il est cependant très important de suivre ce décalage dans les comptes pour en surveiller l’apurement en fin de contrat. Une comptabilité mal tenue ne sera d’aucune aide en cas de contentieux.

Le décalage en cause comprend, outre l’arriéré, des redevances effectivement recouvrées et non encore versées dans la caisse publique. Il est pratiquement impossible d’obtenir les informations permettant de connaître l’importance et l’ancienneté de l’arriéré.

Pourtant une parfaite rigueur s’impose dans le recouvrement des fonds publics. Surtaxe, redevances pour prélèvement d’eau et pour pollution, sont bien de véritables impôts ou redevances à caractère public.

La surtaxe, cette participation des usagers au financement des investissements qui s’ajoute aux prestations de l’opérateur privé, est une redevance à caractère public votée chaque année par une assemblée délibérante compétente et soumise au contrôle de la légalité.

Il en est de même des redevances d’assainissement dues aux régies publiques qui figurent sur les factures d’eau. Il est choquant de constater que des régies importantes recouvrent leurs recettes par l’intermédiaire de sociétés privées.

Parfois, les circuits deviennent encore plus irrationnels. C’est le cas lorsque le délégataire de l’eau recouvre des redevances d’assainissement pour le compte du délégataire du service d’assainissement qui les verse à la collectivité.

Avec de tels circuits tout devient possible sauf l’efficacité. Elus et usagers n’ont plus aucune possibilité de contrôle.

La délégation au privé de l’exploitation des services d’eau et d’assainissement permet aux opérateurs privés d’encaisser et de comptabiliser dans leur chiffre d’affaires des sommes considérables, près de trois fois supérieures au montant de leurs prestations de service.

Compte tenu du caractère public des fonds et de leur montant on pourrait s’attendre, comme pour les impôts, a un suivi rigoureux de la situation du recouvrement.

Pour les impôts, les sommes encaissées par les comptables publics sont comparées pour chaque exercice aux sommes mises en recouvrement et les restes à recouvrer sont suivis de très près. Il est indispensable de savoir dans quelle mesure évolue le montant des impayés car en définitive ce sont bien les usagers qui supportent ce risque.

Pour la surtaxe et les sommes recouvrées au profit des agences de l’eau, en l’absence d’une comptabilité des droits constatés et du respect du principe d’indépendance des exercices, il est impossible de connaître le montant de la créance de la collectivité publique.

La comptabilité des abonnés tenue par les opérateurs privés ne fait l’objet d’aucun contrôle. Dès lors toutes les dérives sont possibles.

On est très loin du système qui existe pour les impôts avec un suivi par exercice qui permet de comparer de manière permanente les sommes dues par les contribuables et celles recouvrées,assurant ainsi un suivi rigoureux des impayés.

Un retour en gestion publique avec reprise en main du recouvrement des factures d’eau et d’assainissement par les comptables publics s’impose. Il est particulièrement choquant de faire recouvrer par des sociétés privées, sans contrôle comptable, sans suivi fiable et transparent, les redevances à caractère fiscal et les apports des abonnés destinés au financement du patrimoine public.

Le retour en régie n’est pas « une tentation idéologique » mais une nécessité afin de maîtriser la gestion d’un service public de proximité vital qui ne doit pas subir la frénésie des superprofits des entreprises privées.

L’argent de l’eau doit rester à l’eau".

Lire aussi :

Gestion publique / gestion privée : avantages et inconvénients.

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