Vous voyez ce message parce que votre navigateur ne peut afficher correctement la mise en page de ce site. Effectuez une mise à jour vers un butineur qui supporte les standards du web. C'est gratuit et sans douleur.

NE PAS CLIQUER
LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Eau, décentralisation et “GRAND PARIS”
par Marc Laimé, 16 mai 2016

Pour comprendre comment la question de l’eau va resurgir dans le débat public à l’approche d’échéances cruciales, il faut se replonger dans une “fabrique du politique”, aujourd’hui totalement incompréhensible pour le commun des mortels… Surtout s’agissant du "Grand Paris", exemple achevé de la malfaçon législative qui a marqué la période.

Quand le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault reprend le flambeau du “Grand Paris” en lançant en 2012 son “Acte 3 de la décentralisation”, l’imbroglio institutionnel de l’Ile-de-France augure de temps difficiles.

Comment “rationaliser” un territoire où coexistent, et s’enchevêtrent la Région Ile-de-France, Paris, les trois départements de la petite couronne, l’hinterland de la seconde couronne, les zones aéroportuaires, les “pôles de compétitivité” et une kyrielle de zones ou d’établissements à régime particulier, menacés de thrombose à raison du désastre des transports en région parisienne, tandis que les inégalités sociales entre l’Ouest et l’Est, zones résidentielles et territoires délaissés de la République ne cessent de s’accroître ?

L’avenir de l’Ile-de-France va aussi devenir l’otage de la nouvelle étape de la décentralisation, conduite sur tout le territoire dans le plus grand désordre.

Dès décembre 2010 une loi de rationalisation de l’intercommunalité adoptée par le gouvernement de M. François Fillon visait à achever la couverture du terroire national par des intercommunalités fortes, soit en y faisant adhérer des communes encore isolées, soit en fusionnant des regroupements de communes existants, et surtout en supprimant des milliers de syndicats techniques, dont les missions seraient désormais assurées par des Etablissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Ce processus, conduit autoritairement par les Préfets, suscita de nombreuses polémiques, même s’il s’appuyait sur l’octroi de bonfications financières par l’Etat pour atteindre ses objectifs.

Le projet initial du gouvernement Ayrault prévoyait, sans jamais le dire ouvertement, de supprimer à terme les départements, en les privant, comme les autres niveaux de collectivités locales, de la “clause de compétence générale”, qui permet à chacun de s’occuper de tout, au risque de générer doublons et dépenses inutiles. Puis de redéfinir qui s’occupe de quoi (Régions et intercommunalités), et enfin de créer des “métropoles”, aires urbaines dont la “taille critique” est supposée doper l’activité économique, la compétitivité et la croissance…

La création des métropoles incarnait aussi un souci très politique, celui de s’assurer le contrôle des grandes agglomérations urbaines qui concentrent, à la fois, les populations de cadres et de professions libérales, comme celles de la “diversité”, réputées incarner l’avenir électoral du Parti socialiste auquel un rapport controversé du “think tank” Terra Nova enjoignait peu ou prou “d’abandonner les classes populaires”… (1).

Dès février 2013, dix jours avant son examen en première lecture au Sénat, l’énorme projet d’Acte III élaboré par Mme Marylise Lebanchu, ministre de la Décentralisation, est subitement découpé en trois volets…

Le projet de loi MAPTAM, qui sera voté le 16 janvier 2014, au terme d’un parcours parlementaire éprouvant, va d’abord créer les métropoles, et dessiner un nouveau schéma régions-départements (dont on ne sait s’ils subsisteront ou non, et pour accomplir quelles missions !), ce qui provoque une levée de boucliers, en l’absence de précisions sur les compétences qui seront imparties à l’avenir à chaque niveau de collectivités (bloc communal, département, métropole et région…).

Trois types de métropoles vont voir le jour. Une douzaine de métropoles de droit commun, regroupant de 300 000 à 400 000 habitants. Et trois cas particuliers, qui auront chacun leurs statuts propres : les métropoles de Lyon, Marseille et du Grand Paris, et enfin une “Eurométropole”, celle de Lille…

Quand le projet de Métropole du Grand Paris sort des limbes en 2013, le Parti socialiste pense y être majoritaire. La cinglante défaite enregistrée aux élections municipales de mars 2014, sonnant le glas d’un demi-siècle de “socialisme municipal”, et menaçant la pérennité d’une organisation politique dont la puissance reposait sur le contrôle des collectivités locales et les rentes politiques qui en découlent, sonnera le glas d’un projet qui va dès lors voguer comme un bateau ivre.

L’épisode va avoir un autre impact, explosif : tous les grands syndicats techniques de l’Ile-de-France, “marée bleue” oblige, passent eux aussi à droite, mettant un terme à une cogestion quasi centenaire, très longtemps allotie à la droite et au parti communiste, avant de s’ouvrir au parti socialiste et au centre à partir des années 70.

Mammouth

LEGENDE : La Région Ile-de-France s’enorgueillit de compter au rang de ses espèces rares, dont se préoccupent Airparif et Jean-Vincent Placé (quoique très occupé par ailleurs à créer des autoroutes à abeilles), six grands mammouths laineux, qui ont totalement disparu de la surface de la planète, comme l’a établi un stagiaire en service civique (payé en sandwichs), du SISPEA de l’Onema. Dénommés Sifurep, Sigeif, Sipperec, Sedif, Siaap et Syctom, ils incarnent une survivance de l’ère pré-glaciaire que de nombreux ateliers de #NuitDebout, animés par les célèbres Lapins Crétins, prochainement délocalisés à Vitry-sur-Seine, avant l’estive dans le Jura, envisagent de renvoyer aux poubelles de l’histoire. Un projet qui n’a aucune chance d’aboutir, comme vient de le démontrer la thèse de 9431 pages, préfacée par André Santini, que viennent de publier Eugène Belgrand, Jean Tirole et Cyril Hanouna sous l’égide de la chaire "Biens communs" d’AgroParisTech, sponsorisée par la FP2E, l’ASTEE, D8 et le SIAAP.

Pour tenter, dans ce contexte hostile, de conduire à bien l’avènement de la MGP, le gouvernement crée une Mission de préfiguration présidée par un préfet. Parallèlement les débats se poursuivent aussi au sein du syndicat Paris-Métropole, qui associe depuis 2001, à l’initiative de M. Bertrand Delanoe, élus parisiens et franciliens.

Les débats portent surtout sur le degré d’intégration des futures compétences qu’exercera la MGP. Super-intégration, qui déshabillerait encore davantage communes, intercommunalités et départements, ou intercommunalités renforcées, dotées ou non de la personnalité morale, et donc de la capacité juridique nécessaire pour exercer des compétences ?

Les intercommunalités existantes sur le territoire de la future MGP devront se dissoudre au profit de “territoires”, qui deviendront, au fil du débat parlementaire réouvert avec l’examen en janvier 2015 (après la loi MAPTAM du 27 janvier 2014), du projet de loi de Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), des “Etablissements publics territoriaux” (EPT).

Certaines intercommunalités vont devoir en épouser d’autres pour atteindre la taille minimale de 300 000 habitants.

Les débats sont âpres, compte tenu des enjeux, et notamment celui d’une nouvelle péréquation financière que le gouvernement affirme vouloir mettre en place pour réduire les inégalités en Ile-de-France…

Pour le politologue Patrick Le Lidec, cette ambition va se heurter à de nombreux obstacles :

« L’idée de mettre en place un échelon intermédiaire située entre les communes et une métropole de plus de 6 millions d’habitants, sur une maille de 300 000 habitants pour servir d’échelon déconcentré de la métropole, est une bonne idée. L’absence de véritables centralités en dehors de Paris, la taille moyenne élevée des communes, le poids des disparités de richesse fiscale et la présence de grands syndicats techniques anciens n’ont pas favorisé l’essor de l’intercommunalité dans la petite couronne. Elles y sont, à de très rares exceptions près, des structures récentes et défensives, construites sur des logiques d’endogamie politique et fiscale. (…) Le choix de placer cette maille minimum est un moyen de combattre ces tendances à l’endogamie car il est en effet difficile de construire des territoires de 300 000 habitants homogènes socialement et fiscalement, Paris mis à part. Mais il ne faudrait pas que ces territoires deviennent une solution de repli pour vider la métropole de tout contenu et échapper à la solidarité. On sent aujourd’hui cette tentation chez nombre d’élus des territoires les plus riches, qui ont souhaité « durcir » les territoires, et les doter de la personnalité morale et de prérogatives fiscales. C’est pourquoi ils ont été transformés en établissements publics territoriaux. » (2).

Un diagnostic confirmé par un Rapport de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP), rendu public le 27 janvier 2015, qui remet en cause la capacité des politiques publiques à enrayer les inégalités sociales et territoriales dont sont victimes les jeunes, comme le soulignait Mme Francine Labadie, chef de projet Observatoire de la jeunesse et des politiques de jeunesse qui a dirigé la rédaction du rapport, lors de sa présentation publique. Si les inégalités territoriales reflètent les inégalités sociales, « les transformations territoriales à l’œuvre aujourd’hui, et notamment les phénomènes de métropolisation qui touchent les grandes agglomérations, provoquent des inégalités inédites. La métropolisation implique une concentration des richesses et du capital humain, au détriment des périphéries » (3).

Une MGP réduite aux acquêts...

Au niveau opérationnel, les équipes de la Métropole du Grand Paris devraient disposer de leurs propres locaux, en cours de construction à proximité de la gare d’Austerlitz, "fin septembre ou début octobre" 2016.

Des équipes des plus réduites puisqu’il ne devrait s’agir que "d’une trentaine de hauts fonctionnaires" qui seront recrutés.

"Ce sera une administration de mission", insiste Patrick Ollier, sachant qu’au-delà de cet effectif resserré, la MGP fera simplement appel à des cabinets conseil privé "dès que besoin".

"Nous sommes un élément de coordination de 131 villes, pas un échelon de plus", avec un budget de fonctionnement qui devrait être de l’ordre de 4 millions d’euros.

Pour l’heure, un DGS a été recruté en la personne de Thomas Degosse, préfet du Morbihan. Et "les vice-présidents font le travail des fonctionnaires qu’on n’a pas encore". Le tout se passant dans les locaux de la Mission de préfiguration. Et surtout, c’est grâce aux "18 mois de travaux de cette Mission de préfiguration" que les choses concrètes ont pu démarrer rapidement.

MGP in translation

Certes, tout cela n’est qu’un tout petit début : "Je considère que je suis dans une phase d’expérimentation. Il y aura une deuxième phase de la Métropole".

Car pour Patrick Ollier, ni le budget, ni les compétences, ni le périmètre ne sont satisfaisants. Le périmètre, parce qu"on n’a pas toute la zone dense".

Mais quid de la relation Métropole-région si le périmètre de la première devait être étendu ?

La réponse de Patrick Ollier : "Il aurait aussi fallu élargir la région."

NOTES :

(1) Gauche, quelle majorité électorale pour 2012 ? Bruno Jeanbart, Olivier Ferrand, Romain Prudent. Terra Nova, 10 mai 2011.

(2) Grand Paris : « L’émiettement des pouvoirs locaux favorise la ségrégation », Patrick Le Lidec. La Gazette des communes, 27 janvier 2015.

(3) Parcours de jeunes et territoires, INJEP, 27 janvier 2015.

impression

pas de commentaire. ajoutez le votre!