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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
FLUX
Droit à l’eau : de la loi aux actes
par Marc Laimé, 16 décembre 2009

Mesdames Evelyne Didier (Meurthe et Moselle) et Eliane Assassi (Seine Saint-Denis), sénatrices communistes ont déposé, le 20 novembre 2009, un projet de loi pour la mise en oeuvre du droit à l’eau. Elles reviennent aujourd’hui sur les enjeux du droit à l’eau en France, où le Comité national de l’eau en débattait dans sa séance du 15 décembre 2009, et à l’international.

« Quelques mois après le Forum Mondial de l’Eau d’Istanbul, la question de la reconnaissance d’un droit à l’eau se pose toujours avec acuité. Près d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 2,6 milliards n’ont pas accès à un assainissement de base. 2,2 millions de personnes meurent chaque année de maladies liées à l’absence ou à la mauvaise qualité de l’eau.

Notre pays a certes réalisé des progrès considérables, qui ont permis au plus grand nombre d’accéder à l’eau et à l’assainissement, mais la mise en oeuvre d’un véritable droit à l’eau fait toujours cruellement défaut.

La loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 en a pourtant proclamé l’existence dans son article premier : « l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » (C. envir., art. L.210-1).

Cependant, le sens de cet article demande à être précisé, car pour l’heure, il semble plus déclaratoire que doté d’une portée réelle.

Quelles sont en effet les « conditions économiquement acceptables par tous » demandées par la loi pour que l’accès au droit à l’eau soit garanti ?

Comment parler de « conditions économiquement acceptables par tous », quand la pauvreté s’accroît à mesure que le prix de l’eau augmente ?

Selon la DGCCRF, après une augmentation annuelle de 11% au début des années 1990 le prix de l’eau a continué de croître, certes à un rythme plus modéré, sous le coup notamment de l’élévation du niveau des normes environnementales et des profits des entreprises de l’eau. Les usagers paient une facture d’autant plus salée que leurs revenus stagnent.

Depuis 1998, les revenus les plus bas, des 90% des foyers les moins riches, ont augmenté de moins de 5%. Le nombre de travailleurs pauvres s’est accru depuis 2003 de plus de 21 %, tandis qu’en 2006, 3,5 millions de personnes bénéficiaient de minima sociaux. Au total, plus de 7 millions de personnes, soit 12 % de la population, vivent sous le seuil de pauvreté, c’est à dire avec moins de 817 € par mois selon le rapport 2007-2008 de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

Comment parler de « conditions économiquement acceptables par tous », quand les inégalités territoriales sont aussi criantes ?

Le prix de l’eau varie de manière considérable d’une commune à l’autre. Selon une étude de l’Institut français de l’environnement (IFEN) de mars 2007, pour une moyenne nationale de 177 euros par personne en 2004, la facture d’eau s’élève à 190 euros dans les départements d’Outre-mer, 195 euros dans le Languedoc-Roussillon, 222 euros en Corse et dépasse 270 euros dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur.

Dans cinq départements (Morbihan, Vendée, Côtes-d’Armor, Bouches-du-Rhône et Guadeloupe), le prix moyen de l’eau dépasse de plus de 30% celui des autres départements. En Île-de-France, le prix de l’eau oscille entre 2,89 € le m3 à Paris et 5,54 € à Auvers-sur-Oise selon le Sedif. Au total, 5% de la population paye son eau plus de 47 % au-dessus du prix moyen.

Comment parler de « conditions économiquement acceptables par tous », quand la conjugaison des inégalités sociales et territoriales rend la charge d’eau des moins fortunés insupportable ?

Selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), la part des dépenses d’eau et d’assainissement au sein des revenus des ménages ne devrait pas dépasser 3%, car au-delà, elle devient inabordable.

Pourtant, pour de nombreux ménages, qui sont à la fois les plus pauvres et ceux qui vivent sur les territoires où l’eau est la plus chère, ce seuil maximal est largement dépassé depuis bien longtemps déjà. Selon certaines études de bailleurs, la charge d’eau a largement contribué à l’accroissement de 116 % des charges locatives durant les dix dernières années, passant même devant le poste de l’énergie.

Bien que la dépense globale d’eau soit un poste mineur dans l’ensemble des dépenses des ménages, dépassant tout juste 1%, elle représente une fraction importante des revenus de ceux qui appartiennent au premier quintile selon l’endroit où ils résident. L’indice d’abordabilité dans certaines municipalités peut atteindre le double de la moyenne nationale pour les ménages dont les revenus sont les plus faibles.

Selon le tableau issu d’une étude de l’Observatoire des Usagers de l’Assainissement en Île-de-France (Obusass) en 2009, le poids de la charge d’eau peut atteindre 6 % pour les ménages disposant des revenus les plus bas, alors qu’il s’élève au plus à 1,56 % pour ceux dont les revenus approchent le revenu médian.

Toutes ces inégalités sont un affront manifeste au principe d’égalité qui est au coeur de notre République et qui irrigue l’ensemble de notre droit.

Les femmes et les hommes de ce pays doivent tous pouvoir accéder dans des conditions équivalentes aux droits que la loi garantit. Le droit à l’eau ne doit pas faire exception. Dans un rapport de 1996 remis au Premier Ministre sur le service public, R. Denoix de Saint Marc notait avec justesse que « personne ne doit être exclu du bénéfice d’un service [public] en raison de handicaps physiques, économiques ou autres ».

La situation esquissée ci-dessus met pourtant en évidence le fait que, selon leur niveau de revenu et leur lieu de résidence, nombreux sont ceux qui sont exclus de celui de l’eau, et par là même, dépossédés du droit à l’eau que la LEMA visait à sécuriser. Il est donc temps de rétablir l’égalité républicaine.

Pour J.-F. Lachaume dans Grands Services publics (Masson, 1998), cependant, « la pire des inégalités consisterait à traiter tous les usagers de la même façon, car l’inégalité des moyens a tôt fait d’anéantir l’égalité juridique ».

Faire supporter un prix équivalent aux ménages les plus riches et aux ménages les plus pauvres soulève une difficulté logique. Alors que les plus riches sont tout à fait libres de se priver d’eau s’ils l’entendent, la liberté des moins riches est remise en cause dès lors que pour eux, accéder à l’eau se fait au prix d’immenses efforts. Nous ne pouvons accepter de nous résigner. Nous ne pouvons nous contenter de « cette majestueuse égalité devant la loi, qui permet aux riches, comme aux pauvres, de dormir la nuit sous les ponts » au sujet de laquelle ironisait Anatole France.

Une impérieuse nécessité s’impose alors à tout député, celle du rétablissement de l’égalité républicaine.

Pour cela, il est impératif de donner enfin corps au droit à l’eau en d’autres temps proclamé. Il faut l’imprimer plus nettement dans notre système juridique qu’il ne l’est actuellement. Car, en effet, si les collectivités locales peuvent déjà mettre en oeuvre des dispositifs pour aider les ménages dont les revenus sont les plus faibles, force est de constater leur insuffisance. Il en est ainsi tant du Fonds de solidarité logement (FSL) que des possibilités ouvertes par la LEMA, largement sous-exploitées ; voire totalement inexploitées.

Si les FSL ont aidé 72 000 familles en situation d’extrême urgence, ils ne répondent pas suffisamment aux attentes des citoyens ni aux enjeux d’un accès à l’eau tel qu’envisagé dans la LEMA. Leur financement est trop modeste tant en raison du désengagement de l’Etat que du caractère volontaire et aléatoire de la contribution des entreprises de l’eau.

En 2007, ces dernières n’ont accordé que 2,2 millions d’euros de remises gracieuses alors que la facturation d’eau s’élevait à 11,8 milliards d’euros et que des centaines de milliers de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Le montant de l’aide est en outre trop bas, en moyenne situé aux alentours de 30% de la facture, ce qui est d’autant plus grave qu’elle n’est accordée qu’une fois par an. Comme il est nécessaire pour en bénéficier de présenter une facture, les personnes résidant en logement collectif, ne disposant pas de compteur individuel, en sont de fait exclues.

Mais le plus problématique en matière de garantie du droit à l’eau, c’est que celui-ci n’est pas leur objet. Dans une logique curative, ils se présentent comme un dernier recours alors que bien souvent, les raisons pour lesquelles les dettes d’eau se forment ont un caractère structurel.

La LEMA aurait pu permettre de dépasser ce problème, car elle autorise les collectivités locales à adjoindre aux FSL des dispositifs complémentaires. Trois possibilités sont ouvertes par la LEMA pour agir en amont, avant que la dette d’eau ne se forme :

 définir une tarification progressive par tranche d’eau consommée,

 appliquer un tarif uniforme à une catégorie préalablement définie d’usagers à revenus modestes,

 mettre en oeuvre un dispositif de solidarité pour les ménages à revenu modestes.

Mais dans un contexte de raréfaction des ressources publiques, les collectivités les plus pauvres se voient pour des raisons financières dans l’impossibilité de prévoir de tels dispositifs, trop coûteux, sinon au détriment d’autres politiques publiques tout aussi fondamentales. Or c’est bien souvent dans ces collectivités que les besoins sont les plus importants. En outre, même si la question des moyens ne se posait pas, le fait que ce droit puisse potentiellement être écarté par les délibérations des collectivités alors qu’il est manifestement fondamental impose un encadrement de la loi, une garantie de l’Etat. La LEMA ne peut donc à elle seule garantir l’application du droit qu’elle proclame.

Une nouvelle loi est donc indispensable pour compléter l’article 1er de la LEMA et garantir la mise en oeuvre du droit à l’eau par un dispositif national.

Le rapport d’information n°626 de janvier 2008 sur l’application de la LEMA l’exprime très clairement : le droit à l’eau « mériterait de trouver une mise en oeuvre plus concrète dans le reste de la loi ». Et d’ajouter que « dans le cadre du débat actuel sur le pouvoir d’achat, où il apparaît clairement que tout doit être fait par les pouvoirs publics pour améliorer le quotidien de ceux dont la situation financière est la plus délicate, [que l’on] ne saurait oublier la facture d’eau. »

En outre, le recours à l’abandon des créances pour financer le dispositif de Solidarité Eau, sur lequel repose également le FSL, est selon un rapport de 2002 sur l’évaluation de l’efficacité des dispositif d’aide au paiement des factures d’eau réalisé conjointement par l’IGAS et l’IGE source d’une complexité de nature à entraver à son développement. Dans la logique de guichet polyvalent proposée par ce rapport, il semble nécessaire de sortir de la logique curative de fonds d’urgences, même unifiés comme il le propose, pour se diriger vers un mécanisme préventif, ne reposant pas sur l’abandon de créances.

Des tarifs sociaux, intervenant de manière préventive, ont déjà été expérimentés dans d’autres secteurs que l’eau. Ainsi, le rapport n°626 précité envisage de s’inspirer du dispositif mis en oeuvre dans le domaine de l’électricité, en prévoyant une réduction sur les 40 premiers litres journaliers.

Cependant, le dispositif serait selon ce même rapport « impossible à mettre en oeuvre dans les immeubles dont les appartements ne bénéficient pas d’un compteur d’eau individuel. ». En outre, le tarif social de l’électricité connait de nombreuses difficultés de fonctionnement, notamment en raison de sa complexité pour les usagers : s’il est en principe préventif, il n’intervient que si l’usager a connu de graves difficultés et impose l’affranchissement de nombreuses formalités administratives.

Enfin, la logique même de la « tarification sociale » pose problème telle qu’elle est conçue : loin d’affirmer l’accès légitime à un droit, elle se présente comme une faveur accordée par charité, et par là comporte un caractère particulièrement stigmatisant.

L’accès aux droits ne relève en rien de l’assistanat ; c’est au contraire une condition sine qua non pour parler de démocratie.

Les députés communistes et du Parti de gauche proposent donc de mettre en oeuvre un mécanisme national de solidarité, visant à garantir de manière préventive et simple l’accès à ce droit fondamental qu’est le droit à l’eau.

Il s’agit de créer une allocation différentielle au bénéfice des ménages les moins riches, de sorte que la charge d’eau (montant de la facture d’eau sur les revenus) ne dépasse jamais 3% (recommandation du PNUD) (art.1).

L’allocation serait versée par les CAF par délégation du fonds national de l’habitat qui servirait d’instrument financier. Le pilotage serait assuré par une formation spécifique du comité régional de l’habitat qui déterminerait la ventilation des contributions de manière collective en lien avec le fonds national de l’habitat (art.2).

Le financement de l’allocation serait assuré par des contributions des entreprises ainsi que de l’Etat, des collectivités territoriales et des syndicats gestionnaires du service public de distribution et d’assainissement de l’eau (art.3).

Enfin, pour que les citoyens et leurs représentants puissent contrôler l’effectivité de la mise en oeuvre de leur droit, il est proposé que le Comité national de l’eau l’évalue dans son rapport annuel (art.4).

L’article 1er propose de mettre en place une allocation de solidarité pour l’eau garantissant que le charge d’eau ne dépassera jamais 3% des revenus.

Cette solution est avantageuse par rapport aux autres souvent proposées. Ainsi que nous l’avons montré, elle est nettement plus efficace qu’un système d’aide d’urgence, curatif, ou qu’une tarification sociale. Elle est aussi plus juste qu’un mécanisme consistant à réduire le prix d’un volume d’eau spécifique pour tous, solution facile souvent évoquée, car cette dernière consiste à faire payer une partie de la facture d’eau des plus riches par l’ensemble de la collectivité. Or la véritable égalité, comme nous l’avons précisé précédemment, ne consiste pas systématiquement en un traitement égal, mais au contraire à assurer que chacun puisse recevoir, en fonction de ses moyens, ce dont il a besoin.

L’allocation proposée est aussi avantageuse en elle-même. En premier lieu, son caractère non suspensif, national et unifié autour de critères communs ainsi que sa distribution par des organismes porteurs de solidarité nationale, les CAF, la placent à la hauteur de l’enjeu d’universalité au fondement du droit à l’eau.

En second lieu, les critères pris en compte pour son calcul permettent à la fois de prendre la mesure des spécificités sociales des situations des usagers et de la diversité des prix sur le territoire, et de veiller au respect de la ressource en eau dans une logique de développement durable.

En effet, le montant de l’allocation serait calculé pour un volume d’eau pondéré en fonction de la composition du ménage correspondant aux besoins vitaux des individus, pour atteindre 3% des revenus du ménage au maximum comme le recommande le PNUD.

Enfin, facteur non négligeable, elle peut être versée directement aux bailleurs sociaux dans une perspective de déduction des charges locatives, ce qui élimine la discrimination subie par les personnes n’ayant pas de facture individuelle dans le cadre du FSL.

Le calcul du montant de l’allocation est simple. Dans un premier temps est calculée la charge d’eau du ménage : le prix complet de l’eau (apparaissant sur la facture d’eau) est multiplié par un volume d’eau vital, le tout étant ensuite divisé par les revenus du ménage. Un pourcentage est obtenu. La différence entre ce pourcentage (charge d’eau effective) et la référence de 3% proposée (charge d’eau maximale) correspond à la charge d’eau couverte par l’allocation. Cette charge d’eau couverte est multipliée par le revenu et divisée par cent pour obtenir le montant de l’allocation.

Prenons l’exemple d’un bénéficiaire du RSA socle seul vivant en Seine-et-Marne. Le montant du RSA socle, déduit du forfait logement pour une personne seule est de 400,07 € et le prix moyen de l’eau dans ce département est de 4,35 €/m3. La charge d’eau est donc de 4,53 %. La charge d’eau couverte par l’allocation est de 1,53 %.

Le montant mensuel de l’allocation s’élève donc à (1,53 x 400,07) / 100 = 6,12 €.

Le ménage en question, qui doit payer pour l’eau 217,5 € par an, soit 18,13 € par mois, bénéficiera d’une aide 73,45 € par an.

Dans une période de grandes difficultés financières pour les ménages, cette aide est loin d’être négligeable. Son coût est quant à lui relativement modeste au regard des enjeux, puisqu’il s’élèverait à 16 millions d’euros pour venir en aide à 265 177 personnes en Île-de-France, soit à peine 1 % du coût total de la facturation du service de l’eau en France.

L’article 2 propose que l’allocation soit versée par les Caisses d’allocation familiales (CAF) par délégation du fonds national de l’habitat et pilotée par une formation spécifique du comité régional de l’habitat qui déterminerait la ventilation des contributions de manière collective.

S’appuyer sur les CAF au niveau départemental permet de mettre en oeuvre rapidement un dispositif simple pour les usagers. Ces derniers sont en effet familiers des CAF, qui disposent déjà de la plupart des données nécessaires au calcul de l’allocation et peuvent par ailleurs êtres mises en lien avec les caisses départementales d’assurance vieillesse et de retraites agricoles.

Ainsi, non seulement on ne multiplie pas une nouvelle fois le nombre d’interlocuteurs, mais en outre les formalités afférentes à la demande de l’allocation s’en trouveront considérablement allégées. Cela est décisif quant au bon fonctionnement du dispositif, notamment au regard des difficultés rencontrées par le mécanisme de tarification sociale de l’électricité.

Ensuite, le dispositif est simple au plan administratif : non seulement l’administration n’est pas alourdie d’une structure nouvelle, mais en outre les CAF se voient confortées dans le coeur de métier.

S’appuyer sur un pilotage local est primordial, ensuite, par souci démocratique et pour s’adapter aux spécificités locales. Il est envisagé de ne pas créer d’organisme nouveau, mais de s’appuyer sur les comités régionaux de l’habitat, où le dialogue est déjà organisé. Conçus pour délibérer sur la politique du logement, ces comités ne comportent pas tous les acteurs nécessaires à une délibération sur la charge d’eau, question qui lui est fortement corrélée.

Nous proposons que des comités ad hoc soient créés, comportant une partie des membres des comités régionaux de l’habitat, et des acteurs du domaine de l’eau. Ces acteurs doivent nécessairement comprendre des représentants des usagers et du monde associatif par souci démocratique. Ils doivent aussi comprendre les personnes prenant part au financement de ce service nouveau, distinct des autres services existants en matière de logement, à savoir l’Etat, les collectivités locales et leurs groupements, les syndicats de distribution d’eau et d’assainissement et les entreprises délégataires du service public de l’eau.

S’appuyer sur le fonds national de l’habitat en lien avec les comités régionaux de l’habitat est avantageux, enfin, pour trois raisons. En premier lieu, plusieurs des acteurs mentionnés devant prendre part à la décision en matière d’allocation de solidarité pour l’accès à l’eau dialoguent déjà de manière constructive dans le cadre des comités régionaux de l’habitat.

En second lieu, un fonds national permet d’assurer une péréquation entre les territoires pour limiter l’effet ciseau frappant ceux qui sont à la fois les plus pauvres et qui du fait d’un plus grand nombre de bénéficiaires paieraient le plus. Il est proposé qu’elle soit garantie par le Fonds national de l’habitat.

En troisième lieu, un lien est établi avec les aides au logement et permet d’envisager une extension du dispositif au domaine de l’énergie : à l’instar du FSL qui est un guichet d’urgence polyvalent, il pourrait être envisagé que le Fonds national de l’habitat unifie les différentes aides selon la logique préventive dont nous proposons la mise en oeuvre.

L’article 3 propose que l’allocation soit financée par les entreprises de l’eau et par les collectivités publiques, garantes de la solidarité nationale.

L’allocation de solidarité pour l’accès à l’eau doit par principe être financée prioritairement par les entreprises délégataires du service public de l’eau. Ces dernières en effet bénéficient de rentes faramineuses prélevées sur des usagers captifs.

Lors des négociations visant à renouveler les contrats de délégation de service public, le prix de l’eau a été considérablement réduit dans plusieurs villes, en moyenne de 14,4 % sur les contrats d’eau potable et de 18,8 % sur les contrats d’assainissement entre 1999 et 2004.

Les entreprises disposent donc de marges de manoeuvre considérables. En 2008, Veolia eau a réalisé dans le monde un chiffre d’affaires de 12,5 milliards d’euros, dont 43,9 % en France, soit près de 5,5 milliards. La Lyonnaise des eaux, avec laquelle Veolia eau se partage l’essentiel du marché, a réalisé en France un chiffre d’affaires d’un peu plus de 5,5 milliards d’euros.

En regard de ces chiffres, le coût de l’allocation de solidarité pour l’eau s’élèverait selon les estimations de l’Obusass à seulement 16 millions d’euros pour l’Île-de-France, soit près de 88 millions d’euros par extrapolation pour toute la France.

Il est proposé que les entreprises de l’eau soient taxées sur leurs chiffres d’affaires à un taux de 1 %. Ce niveau de taxation très modéré rapporterait, rien que pour les deux principaux groupes sur le marché, 110 millions d’euros sur la base des chiffres d’affaires rendus publics pour 2008.

Si le dispositif que nous proposons avait existé cette année là, un excédent de 22 millions d’euros aurait pu être dégagé pour aider les bailleurs sociaux à améliorer leur performance environnementale, bridée par un cruel manque de moyens financiers. Allocation et rénovation des infrastructures sont en outre censés s’inscrire parfaitement dans les valeurs de ces entreprises, le respect de l’environnement et la solidarité figurant en bonne position dans leurs rapports d’activité respectifs.

Il est également proposé une participation subsidiaire des syndicats d’eau et d’assainissement, de l’Etat et des collectivités locales chargés de délibérer sur leurs participations respectives dans le cadre des comités régionaux sus-mentionnés dans le respect des principes de libre administration et d’autonomie des collectivités territoriales prévus aux articles 72 et suivants de la Constitution.

Cette participation serait logique à plusieurs titres. La participation de l’Etat est inévitable dans la mesure où il s’agit d’assurer la mise en oeuvre d’un droit national et de veiller à l’égalité de tous les citoyens, principe au coeur de notre droit républicain.

La participation des régions est justifiée, quant à elle, par leur rôle de chef de file en matière d’aménagement du territoire, et donc à la fois de solidarité sur son territoire entre les collectivités et les habitants et de promotion du respect de l’environnement et d’un développement durable.

La participation des départements semble logique au regard de ses compétences de chef de file en matière sociale et de solidarité, au même titre que celle des communes et des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats intercommunaux et interdépartementaux concernés.

Ces participations s’inscrivent en outre aisément dans la logique de la loi Oudin-Santini visant au développement des missions de solidarité et de coopération décentralisée, qui pourrait être envisagée dans ses conséquences sur le territoire national où les inégalités sont criantes.

L’article 4 propose que le Comité national de l’eau remette chaque année un rapport d’évaluation sur la mise en oeuvre du droit à l’eau.

L’information des citoyens et de leurs représentants est au fondement de la démocratie. C’est pourquoi il est indispensable qu’un rapport soit remis chaque année au Parlement, afin de permettre les réajustements nécessaires au dispositif d’une part, et de faciliter la gestion de l’allocation au niveau régional d’autre part.

Il est proposé que les comités régionaux de l’habitat contribuent à l’élaboration de ces rapports, afin que les expériences locales et les bonnes pratiques en matière de gestion puissent diffuser dans tout le pays. Envisagé comme un outil de pilotage, ce rapport d’évaluation devra comporter au moins des indications sur l’évolution du prix de l’eau dans les différentes régions, sur l’évolution du nombre d’allocataires et du montant des allocations, et enfin sur les mesures prises dans le domaine de l’environnement.

La mise en oeuvre du droit à l’eau s’inscrit en effet pleinement dans les objectifs environnementaux de la LEMA et du Grenelle de l’environnement.

En effet, le recours à une pondération de la consommation d’eau prise en charge par unités de consommation (UC) limite cette dernière aux besoins vitaux contre lesquels aucun argument environnemental ne peut être sérieusement opposé (art.1).

En outre, s’il est vrai que la consommation d’eau dans les logements collectifs peut être réduite, cela passe nécessairement par une meilleure information des usagers et surtout par un important programme d’aides publiques aux bailleurs sociaux pour lequel des moyens financiers pourront être dégagés par les comités régionaux de solidarité pour l’eau (art.2 II).

Sensibles à la maîtrise des ressources en eau et énergétiques, ces derniers se heurtent bien souvent à l’impossibilité financière d’adapter les infrastructures, par exemple pour éviter les fuites, ce qui est pourtant indispensable en vue d’un développement durable, respectueux des individus et de leur environnement.

Le dispositif proposé ne doit pas être compris comme un aboutissement, mais au contraire comme un premier pas.

Un premier pas d’abord vers un dispositif plus large incluant toutes les charges liées au logement, comme l’énergie ou le téléphone.

Un premier pas ensuite vers la constitution d’un véritable service public de l’eau, national et décentralisé. En effet, s’il est proposé de palier l’urgence en atténuant une inégalité manifeste, il est important de poser la question de fond des logiques qui en sont à l’origine. Cette inégalité est le fruit d’un système : le capitalisme.

L’eau est considérée comme une vulgaire marchandise, source de rentes faramineuses pour les entreprises du secteur, alors qu’elle est un bien commun de l’humanité, dont la gestion devrait en toute logique relever de la délibération démocratique."

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1 Droit à l’eau : de la loi aux actes

Marc,

Jean vit seul avec 450 € par mois, et paye ses 20 m3 d’eau 350 €.

Jacques vit également seul avec 450 € par mois, dans une commune voisine ( du même département dont le prix moyen du m3 est de 3 € 20 ), et paye 250 €.

Questions :

Quel sera l’aide que touchera Jean ?

Quel sera l’aide que touchera Jacques ?

Merci pour le calcul, qui me prend la tête !

poste par Pierre PETIT - 2009-12-17@18:35 - repondre message
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