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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Douce France : la retraitée allemande et l’irrigation viticole dans l’Aude
par Marc Laimé, 27 novembre 2020

C’est l’histoire d’un couple de retraités. Madame, qui a convolé il y a des décennies avec un ressortissant allemand, a élevé ses enfants puis longtemps travaillé Outre-Rhin, avant d’acquérir des terrains ensoleillés dans un petit village de l’Aude. Pour découvrir quelques années plus tard les impératifs de l’irrigation forcée dans un département durablement marqué par une viticulture triomphante, désormais sur le déclin.

Au début, et durant quelques années, le conte de fées était bel et bien au rendez-vous. Notre retraitée avait même pris l’habitude de vendre au marché du village les noisettes et les tomates odorantes, arrosées avec l’eau du puits de sa petite parcelle de 1,4 hectare.

Ca n’a pas duré longtemps. En 2019 l’Association syndicale autorisée (ASA) Raonel de Narbonne, dont elle ignorait jusqu’alors la fonction, lui réclame par courrier le règlement d’une facture d’un montant de 420€, exigibles au motif que ladite ASA fait poser des robinets d’eau brute dans sa zone, où ne subsistent plus que trois agriculteurs sur plusieurs kilomètres.

« Me concernant (et bien d’autres aussi), ces robinets sont posés à l’opposé de ma rue, et s’il me fallait vouloir accéder à ces robinets, il faudrait, m’indique ASA RAONEL, faire des tranchées de 1,50m sur plus de 800 mètres, comme sur des terrains d’autres propriétaires de la zone afin d’enterrer les "tuyaux d’arrosage", ouvrir et fermer la conduite... »

Notre ASA a en fait lancé des travaux de modernisation colossaux sur les 2472 hectares qu’elle a sous gestion, et qui concernent 632 propriétaires. Le projet est largement financé par des fonds européens Feader, mais aussi l’Agence de l’eau, la région, le Conseil général…, pour une enveloppe de 4,5 millions d’euros, à laquelle s’ajoute un emprunt de 910 000 € contracté par l’ASA.

L’ensemble des propriétaires concernés ruent dans les brancards et le prélèvement est révisé à la baisse en 2020 à hauteur de 115€ / an et par hectare, ce qui donne une enveloppe de 2472 ha X 115€ = 284 280€ / an + TVA de 56.856 €, soit 341.136€ à encaisser sur des retraités ou sur des personnes qui ont majoritairement abandonné l’agriculture en raison de son peu de rentabilité.

De surcroît l’ASA RAONEL impose ces 115€ par hectare, pour une durée de 25 ans.... durée du remboursement de l’emprunt de 910 000€.

Or on comprend très vite qu’à raison de 284 280€ augmentés de 56.856€ de TVA, "rackettés" chaque année, ledit emprunt sera remboursé en trois ans.

Notre retraitée, qui a travaillé Outre-Rhin dans la comptabilité, comprend donc très vite que quelque chose cloche.

« Par ailleurs, poursuit-elle, l’ASA a prétendu n’avoir dépensé à ce jour que 1,5 million d’euros sur les 4.5 millions de subventions, dont une part notable en provenance du fonds européen FEADER, et l’ASA RAONEL, affirme à présent avoir tout dépensé... »

Du coup, ni une, ni deux, notre retraitée se pointe à l’ASA à Narbonne le 4 septembre dernier, exigeant d’y consulter leur grand livre comptable, non sans avoir pris langue auparavant avec les services compétents de la Commission européenne.

Quelques jours plus tard un huissier lui signifiera un commandement de payer du Trésor public émis par l’ASA…

Le contexte institutionnel

Une ASA ou ASP (propriétaires fonciers) est un établissement public à caractère administratif, doté d’un directeur, salarié ou bénévole, avec équipe technique ou pas.

Etre propriétaire dans la zone sous gestion de l’ASA signifie être d’autorité dans le périmètre syndical.

En fait l’ASA est une association de biens fonciers quels que soient les propriétaires, qui sont contraints de suivre les projets adoptés ou imposés.

Le fort classique contrat de canal (masse d’eau fortement modifiée, DCE 2000) est l’outil de l’Agence de l’eau, soutenue par des collectivités et des fonds UE.

Au cas d’espèce, l’ASA Raonel est membre d’une constellation des 12 ASA hydrauliques de l’Est Audois, associés au sein du Canal de la Robine :

http://www.aseaude.fr/?page=1452077894

http://tcnarbonne.org/wp-content/uploads/2017/07/Contrat_de_canal_Robine__1_.pdf

Et voici la description par la Chambre d’agriculture de l’Aude du projet de modernisation du Canal de Robine :

Sur les 36.7 Millions de m3 de déficit sur l’ensemble du bassin versant de l’Aude, 26,4 Millions d’économies sont à réaliser sur le seul Canal de la Robine. Tel est le défi dans lequel se sont engagés les irrigants du delta de l’Aude. Cet ancien bras de l’Aude, déjà aménagé dans son tronçon amont par les Romains, a été achevé en 1690 par la construction des écluses de Narbonne.

Ouvrage vital mais détérioré au fil des siècles, il fait l’objet, depuis 2016, d’une procédure dite de Contrat de Canal, co-animée dans sa conception (2014-2016) par la Chambre d’agriculture de l’Aude, les ASA et les préleveurs individuels de la Narbonnaise, et relayée dans sa phase de réalisation par l’Union des ASA d’Hydraulique de l’Est Audois.

Le Contrat de Canal est le fruit d’une démarche de concertation débutée, dès le début des années 2000, avec les agriculteurs du Narbonnais autour d’un programme d’aménagement partagé avec l’ensemble des usagers du Canal. Pour les irrigants de l’ensemble du bassin versant de l’Aude, il s’agit ici d’une chance supplémentaire de sortir du classement en Zone de Répartition des Eaux (ZRE) d’ici 2021.

Tout d’abord lancés dans une phase de rénovation des prises d’eau fuyardes et la restauration de réseaux gravitaires (20 millions de m3 d’eau économisés), les irrigants opèrent, aujourd’hui, une véritable « révolution culturelle » pour le delta de l’Aude avec le passage de l’irrigation gravitaire au goutte à goutte sur 1000 ha du périmètre de l’ASA du Raonel avec à la clé :

 4.5 M€ de travaux financés par l’Europe, la Région, l’Agence de l’Eau RMC, le Département de l’Aude et l’ASA du Raonel.

 1.4 M de m3 d’eau économisés.

 30 km de réseaux sous-pression.

 Une station de pompage performante, moderne et pilotable à distance.

Cet aménagement est la démonstration évidente que la sécurisation de l’accès à la ressource et une gestion économe de l’eau sont compatibles avec un développement des territoires audois dans l’équité et la solidarité.”

https://aude.chambre-agriculture.fr/agroenvironnement/eau/gestion-quantitative/le-contrat-de-canal-de-la-robine/

Pour en savoir plus :

Guide Juridique des AFR/AFAFAF avec le concours du ministère de l’Agriculture et de la Pêche (2009).

5000 Associations Syndicales Autorisés en France : plaquette présentant au travers de 8 monographies d’ASA, ces structures originales d’aménagement du territoire (2009).

Droit d’eau et Associations syndicales de droit public en partenariat avec Me François‐Xavier CADART : un ouvrage décrivant les droits et devoirs des ASA en matière de prélèvement d’eau (2006).

Guide de mise en conformité des statuts des ASA en partenariat avec l’APCA et le Ministère de l’Agriculture, permettant d’aider les ASA à concevoir ou à mettre à jour leurs statuts suite à l’Ordonnance du 1er juillet 2004 (2006).

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commentaires

1 Douce France : la retraitée allemande et l’irrigation viticole dans l’Aude

Bonsoir, merci pour cet article. Intéressant.
Dans la mesure où des fonds européens sont en cause et qu’il ne faut aucunement compter sur l’administration française (Chambres d’agriculture, ASA ou Préfecture), il faut signaler ce cas à OLAF (Office de Lutte Anti-Fraudes) de l’Union Européenne. Site sur le web avec @dresse mel pour porte le signalement. La procédure peut durer qqs mois pour l’éligibilité du signalement, puis 1 à 2 ans pour l’instruction en Europe où il est facile de vérifier les choses. Enfin presque.
Bon courage.

poste par Jacques P. - 2020-11-28@21:56 - repondre message
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