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LES EAUX GLACÉES DU CALCUL ÉGOÏSTE
REMOUS
Concurrence libre et non faussée : Veolia et Suez ne connaissent pas...
par Marc Laimé, 27 juin 2008

Les deux leaders mondiaux de l’eau et des services à l’environnement vont-ils finir par agacer Mme Christine Lagarde ? Les héraults de la libre entreprise se sont vus intimer en 2002 par le Conseil de la concurrence de « décroiser » leur douzaine de filiales communes. Sans effet jusqu’en 2007, cinq ans après. Du coup l’UFC-Que Choisir a saisi à l’automne dernier la ministre de l’Economie, qui a gentiment morigéné nos deux garnements, sans plus d’effets apparents à ce jour. Il semble pourtant que l’affaire s’envenime. Du coup, l’un des plus beaux fleurons de notre cartel, la Société des eaux de Marseille, filiale commune de Veolia et Suez présidée par M. Loïc Fauchon, président du Conseil mondial de l’eau, se sent pousser des ailes. C’est elle qui a récemment expédié des tankers d’eau à Barcelone, avant de se voir vertement rappelée à l’ordre par le préfet des Bouches-du-Rhône, qui s’interrogeait sur la licéité de l’entreprise. C’est elle aussi qui vient de remporter un contrat à Constantine en Algérie. C’est elle enfin, en l’espèce son président, qui vient de postuler afin que le 6ème Forum mondial de l’eau soit organisé... à Marseille en 2012. Sur fond d’intenses manœuvres en prélude à l’introduction en bourse au mois de juillet de Suez environnement, ce qui entraîne l’action de Veolia dans une chute abyssale, les majors de l’eau françaises semblent décidément sujettes à une agitation sans précédent.

La coexistence des deux « global players » dans le capital de sociétés communes à Marseille, Lille, Versailles, Saint-Étienne, Nancy, en Martinique ou en Guyane, avait été épinglée en 2002 par le Conseil de la concurrence pour « abus de position dominante collective ».

La création d’une société d’exploitation commune « limite » en effet la concurrence lors des appels d’offres, comme le souligne fort à propos Le Figaro dans son édition du 26 juin..

Le Conseil avait donc demandé au ministre de l’Économie « d’examiner, au cas par cas, s’il y a lieu de démanteler ces filiales communes ».

Fin 2007, ne voyant rien venir, l’UFC-Que choisir a écrit à Mme Christine Lagarde pour lui rappeler la décision du Conseil. La ministre lui a répondu mi-février s’être fixé « un objectif de six mois pour la finalisation d’une solution consensuelle […] pour le rétablissement d’une saine concurrence […] qui devra être mise en œuvre dans un délai inférieur à vingt-quatre mois ».

Mais selon un article publié le 26 juin 2008 par Le Figaro, ces délais ne seront pas tenus. M. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, aurait « obtenu que le dossier ne soit tranché qu’après les élections sénatoriales de septembre. Il est favorable au statu quo au moins jusqu’en 2013, date d’expiration du contrat :

« Nous ne comprenons pas pourquoi il faudrait substituer à une situation où les deux groupes sont présents un monopole privé », explique-t-on dans son entourage. »

Si l’on comprend bien, M. Gaudin préfère un duopole à un monopole. Galéjade !

Le Figaro poursuit en indiquant que : « chez Suez, on indique travailler au décroisement de ces participations, « une évolution incontournable », mais on souligne la complexité de ces opérations. Chez Veolia, beaucoup plus réticent à s’exécuter, on indique que le dossier devrait connaître une évolution à l’automne. »

Simultanément, M. Loïc Fauchon, président de la Société des eaux de Marseille (SEM) vient d’annoncer que cette prestigieuse filiale commune de Veolia et Suez, dont le siège domine le Vieux-Port, vient de signer un contrat de 28 millions d’euros et d’une durée de 5 ans et demi pour la gestion de la distribution et de l’assainissement de l’eau à Constantine, métropole algérienne de 1,2 million d’habitants.

Dire qu’il y a encore des mauvaises langues pour prétendre que l’euroméditerranée patine !

« Après avoir beaucoup investi pour mobiliser la ressource, nous nous lançons dans la réhabilitation des réseaux, car nous nous sommes rendu compte que nous avions négligé la gestion », confiait au Figaro M. Messaoud Terra, directeur de l’eau au ministère algérien de la ressource en eau.

Pour la SEM qui réalise un chiffre d’affaires annuel de 430 millions d’euros, l’affaire a tout de l’aubaine : l’agglomération est de taille comparable à Marseille avec un réseau très vétuste laissant se perdre la moitié de l’eau et n’assure aujourd’hui qu’un service très épisodique.

M. Fauchon assure en outre vouloir poursuivre ce développement à l’international. Il aurait ainsi répondu à un appel d’offres de Marrakech, face à Veolia et Suez Environnement.

« Nos actionnaires nous laissent nous développer. Nos succès sont leurs succès », commente-t-il sobrement dans les colonnes du Figaro.

Est-ce d’avoir frôlé la ligne jaune en exportant à grand renfort de publicité de l’eau par tankers à Barcelone qui motive cet activisme débridé de notre P-DG ?

Toujours est-il qu’il clamait haut et fort le vendredi 20 juin dernier que « la Provence aborde l’été avec un "surplus en eau" après les pluies du printemps et malgré un hiver sec. »

Là, on aimerait connaître l’avis de Meteo-France et de l’agence Eau RMC, dont les prévisions doivent être un brin plus mesurées...

"Aujourd’hui, nous sommes dans une situation de surplus en eau pour aborder la saison chaude", a-t-il expliqué à la presse en marge d’une assemblée générale des actionnaires de la Sem.

Outre les pluies de printemps, il a beaucoup neigé cet hiver. Durant la deuxième quinzaine de mai, la conjonction des pluies et de la fonte des neiges a d’ailleurs obligé EDF à procéder à d’importants lâchers d’eau du barrage de Serre-Ponçon provoquant une hausse du débit inédite depuis 1983 dans certaines parties de la Durance, rapportait donc l’AFP.

Et M. Fauchon, dont la société a livré 185 000 m3 d’eau potable à la Catalogne du 19 mai au 8 juin 2008, de rappeler qu’avec le système de barrages et canaux Durance-Verdon, "les capacités de stockage dans cette région sont les plus grandes d’Europe".

"Nous avons quatre à cinq fois plus d’eau que les besoins, pour tous les usages", a-t-il dit, soulignant que la fourniture d’eau n’était pas menacée par une sécheresse hormis pour certaines communes non raccordées, "une dizaine dans les Bouches-du-Rhône, davantage dans le Var".

La Sem va donc participer au doublement de la capacité du canal Marseille-La Ciotat, et plaide auprès de la communauté urbaine de Toulon pour l’idée de le prolonger jusqu’à Toulon.

Avec une ou deux transversales entre ce canal et le canal de Provence, le maillage de la Basse Provence pourrait être achevé "d’ici cinq à dix ans", et permettrait, après des améliorations entre Salon et Arles, d’assurer une "sécurisation quasi parfaite depuis le Rhône jusqu’à la frontière italienne".

Il ne reste plus qu’à faire la même chose jusqu’à la frontière espagnole et Marseille, et la SEM, et M. Fauchon, deviennent les rois du monde !

Bon, là c’est l’empereur de Septimanie qui s’agite, ça va devenir compliqué.

Mais il est donc dès lors tout-à-fait logique que Marseille soit désormais en lice avec Vancouver (Canada) et Durban (Afrique du Sud), pour accueillir le 6e Forum mondial de l’eau en 2012, comme l’annonçait simultanément le vendredi 20 juin 2008 le président du Conseil mondial de l’eau, M. Loïc Fauchon. Et oui, encore et toujours lui !

"Nous ouvrirons les appels à candidatures en septembre pour les clore en mars prochain à l’occasion du 5e Forum mondial de l’eau à Istanbul", ajoutait-il.

Comme c’est le Conseil mondial de l’eau qui organise le Forum mondial de l’eau, comme M. Fauchon est président, et du Conseil mondial de l’eau, et de la Société des eaux de Marseille, ça semble bien parti.

On n’attend plus que l’annonce que la SEM lance une OPA sur Veolia...

Ou que M. Fauchon va remplacer M. Gaudin à la mairie. A coeur vaillant rien d’impossible.

Lire :

Municipales (19) : Marseille, le baron de l’eau et les deux caïmans

Les eaux glacées du calcul égoïste, 10 février 2008.

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